Les Chapitres sur la prière, au nombre de 153, comme les poissons de la pêche miraculeuse, représentent la fine pointe de l'enseignement d'Évagre, exprimé dans une langue ciselée et selon sa forme littéraire préférée. Après Clément d'Alexandrie et Origène, Évagre y aborde à son tour la prière, qu'il présente de manière épurée comme un colloque intime entre l'intellect et Dieu. Alors que dans d'autres traités il avait surtout analysé les passions et les pensées de l'âme, il explore ici l'intellect humain, dont il reconnaît à la fois la prééminence et les faiblesses, et s'em- ploie à déjouer les pièges empêchant celui-ci d'atteindre la prière " en esprit et en vérité ". Il s'agit notamment de se débarrasser de toute forme de représentation et de mul- tiplicité : car, au rebours de maintes pratiques modernes de méditation, cette contemplation exclut tout usage de l'imagination. Le traité a joui d'une grande popularité à la période byzantine, comme le montrent le nombre élevé des manuscrits et l'abondante tradition indirecte. L'authen- ticité évagrienne du traité, transmis pendant des siècles sous le nom de Nil d'Ancyre, est un point désormais acquis. Cette édition critique, complétée par plusieurs appendices, entend restituer ainsi sa teneur originelle. Paul Géhin, Directeur de recherche émérite au CNRS et ancien responsable de la Sectiongrecque de l'Institut de Recherche etd'Histoire des Textes (Paris), a publié dans la collection plusieurs textes évagriens, les Chapitres des disciples d'Évagre (SC 514), les Scholies à l'Ecclésiaste (SC 397), les Scholies aux Proverbes (SC 340) et, en collaboration avec Antoine et Claire Guillaumont, le traité Sur les pensées (SC 438)