Notre temps est placé sous le signe du risque : calculs de probabilités, sondages, scénarios autour des crachs boursiers, évaluation psychique des individus, anticipations des catastrophes naturelles, cellules de crises, caméras ; plus aucune dimension du discours social ou politique, voire éthique, n'y échappe. Aujourd'hui le principe de précaution est devenu la norme. En termes de vies humaines, d'accidents climatiques, de terrorisme, de revendications sociales, le risque est un curseur que l'on déplace au gré de la mobilisation collective, mais de fait, il est une valeur inquestionnée.Mais que signifie : risquer sa vie ? Comment est-ce possible, étant vivant, de penser ce risque ? Le penser à partir de la vie et non de la mort ? Risquer sa vie, est-ce nécessairement affronter la mort - et survivre... ou bien y a-t-il, logé dans la vie même, un dispositif secret, une petite musique à elle seule capable de déplacer l'existence sur cette ligne de front qu'on appelle désir ? Comment ne pas s'interroger sur ce que devient une culture qui ne peut plus penser ce risque sans en faire un acte héroïque, une pure folie, une conduite déviante ? L'expression est l'une des plus belles de notre langue. Car le risque - laissons encore un indéterminé son objet - ouvre un espace inconnu. D'abord, il métabolise l'instant de la décision, et donc notre rapport intime au temps. Il est un combat dont nous ne connaîtrions pas l'adversaire, un désir dont nous n'aurions pas connaissance, un amour dont nous ne saurions pas le visage, un pur événement. Et si le risque traçait un territoire avant même de réaliser un acte, s'il supposait une certaine manière d'être au monde, construisait une ligne d'horizon. Au risque de.Ce livre évoque, en courts chapitres, différentes sortes de risques : la passion, la liberté, le rêve, le rire, l'infidélité, mais il traite aussi du risque de. perdre du temps, quitter la famille, ne pas être mort, être en suspens, décevoir, penser. Car le risque ne se loge pas nécessairement là où on l'attend. Et l'inespéré est sans doute ce qui le définit le mieux.Anne Dufourmantelle est psychanalyste et philosophe et dirige depuis 2005 la collection L'autre pensée aux éditions Stock. Elle est déjà l'auteur aux éditions Payot de En cas d'amour, Psychopathologie de la vie amoureuse, paru en 2009.
Comment se fait-il que les hommes combattent pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut ? Cette question, qui sera réactualisée par la domination totalitaire, est au coeur du Discours de la servitude volontaire de La Boétie. « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres ».
Cette édition contient, outre la version d'origine et sa traduction, une présentation complète du Discours par Miguel Abensour et Marcel Gauchet, ainsi qu'un dossier composé de textes de Félicité de Lamennais, Pierre Leroux, Auguste Vermorel, Gustav Landauer et Simone Veil, suivis de deux essais, l'un de Pierre Clastres, l'autre de Claude Lefort.
Un homme court dans la rue. Il trébuche. Il tombe. Les passants rient. Pourquoi ?
Qu'est-ce qui a réellement déclenché leur hilarité ? Quelles sont les différentes formes de comique ? Le Rire, paru à l'origine en 1900, est probablement l'ouvrage le plus célèbre du philosophe Henri Bergson (1859-1941), dont l'oeuvre entre en 2012 dans le domaine public. On trouvera en annexe un texte du psychanalyste Sándor Ferenczi, « Rire » (1913), qui compare les thèses de Bergson et celles développées par Freud dans Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient (1905).
Trois entretiens (« Dans l'ombre de l'Occident » ; « Entre deux cultures » ; « L'Europe et ses autres : une perspective arabe ») où Edward Said fournit des clés pour mieux comprendre son oeuvre, en particulier L'Orientalisme, et les principaux thèmes qui la parcourent (l'exil, les rapports entre Juifs et Palestiniens, le racisme, le colonialisme, la place politique de la littérature, etc.). L'ensemble est suivi d'un essai de Seloua Luste Boulbina sur la manière dont les Arabes déracinés parlent d'eux-mêmes.
À l'été 1932, Simone Weil se rend en Allemagne pour observer la situation politique et sociale en une période prérévolutionnaire cruciale. Elle y consacre quatre articles publiés dans diverses revues. Ces textes sont des témoignages sur cette conjoncture historique critique, mais aussi l'occasion d'une compréhension de ce que c'est, pour un pays, qu'être en crise - sur la manière dont la crise contraint toute une population à vivre une vie déterminée par la situation politique. La question qui guide Simone Weil dans son étude de la conjoncture allemande du début des années 1930 étant « la révolution est-elle possible en Allemagne ? ».
Un cinquième article clôt ce corpus, qui revient sur les échecs des révolutions pour penser ce qu'il peut rester, à partir de là, d'espoir ou de courage politique.
Le corps a des besoins évidents : de la nourriture, du sommeil, de la chaleur ; mais l'âme, quels sont ses besoins ? Dans ces pages célèbres, Simone Weil aborde une petite quinzaine de thèmes fondamentaux à une société adulte : besoin de cohérence, de sécurité, liberté de parole, consentement, responsabilité, égalité, risque, vérité, propriété, etc.
Voici l'essai qui a rendu Bergson célèbre dans le monde entier. L'auteur du Rire y invente une nouvelle méthode en philosophie et une façon inédite de pratiquer la métaphysique. Qu'est-ce donc que la métaphysique ? C'est reconnaître que tout n'est pas parfait dans l'ordre du savoir, que l'insatisfaction y règne même, et qu'il faut pour appréhender le monde, utiliser l'intuition. Bref, ce n'est pas quitter un monde instable et mouvant pour rejoindre une réalité ferme et stable, c'est plutôt plonger au coeur des choses, saisir la vie même...
En brillant causeur Plutarque manie la plaisanterie, l'anecdote, le mythe dans son discours érudit sur la flatterie. En fin stratège, il dévoile tous les artifices des flagorneries, enseigne à se méfier des éloges sucrés, de la fausse franchise et des amitiés hypocrites. Conclusion : il faut accorder plus de crédit à ses ennemis qu'à ses proches. Le reproche est plus fécond que la flatterie. Rédigé aux environs de l'an 100, ce bref traité a gardé toute son actualité, preuve de sa justesse et de sa rigueur.
L'" être-au-monde " de l'homme dans son milieu naturel, c'est " la façon particulière et unique en son genre dont l'être humain se situe dans le monde et s'ouvre à lui ".
L'élan vital s'exprime comme une tension qui permet à l'homme de vibrer à l'unisson de la réalité, et où tous les sens sont convoqués l'un après l'autre. Eugène Minkowski (1885-1972), l'un de nos plus grands spécialistes de psychopathologie, s'efforce dans cet ouvrage paru en 1936 de franchir les limites de la psychiatrie pour s'acheminer vers une philosophie anthropologique..
Dés le titre de cet essai de 1885, Jean-Marie Guyau coupe d'un seul tranchant la morale de tout ce à quoi elle est traditionnellement associée : l'obligation et la sanction. Contre Kant et contre les morales utilitaristes.
Aussi l'ouvrage fut-il salué en son temps par la critique littéraire comme « une des plus grandes oeuvres philosophiques que l'humanité ait produite ». Ce livre subtil, mélancolique et hardi suscita également l'intérêt, voire l'admiration de Nietzsche qui reconnut en Jean-Marie Guyau un compagnon audacieux, déterminé à parcourir "l'immense et lointaine terre inconnue de la morale". De même, Pierre Kropotkine, théoricien anarchiste, y reconnut l'inventeur d'une morale antiautoritaire, naturelle, capable de se débarrasser des deux formes de pouvoir propres à la morale traditionnelle, le pouvoir de l'obligation redoublé du pouvoir de la sanction.
L'éminent helléniste et spécialiste de la médecine ancienne, jackie pigeaud, nous livre ici une histoire de la mélancolie, née avec les grecs, qui tentent de construire une stratégie de vie entre philosophie et médecine.
" rien n'est plus légitime, du point de vue de l'histoire générale de la philosophie, que de se demander ce que sont devenus les problèmes philosophiques posés par les grecs au cours des quatorze premiers siècles de l'ère chrétienne.
Pourtant, si l'on veut étudier et comprendre la philosophie de cette époque, il faut la chercher oú elle se trouve, c'est-à-dire dans les écrits d'hommes qui se donnaient ouvertement pour théologiens, ou qui aspiraient à le devenir.
L'histoire de la philosophie du moyen age est une abstraction prélevée sur cette réalité plus vaste et plus compréhensive que fut la théologie catholique au moyen age.
" un ouvrage magistral, indispensable à la compréhension de la pensée du moyen age et des tout débuts des temps modernes.
Durée et intuition - les deux notions clés de la pensée de Bergson sont ici rassemblées en un seul volume et deux textes : une conférence de 1911 ("L'intuition philosophique") et le fameux essai qui introduit en 1934 La Pensée et le Mouvant ("De la position des problèmes"). Qu'est-ce donc qu'un problème en philosophie ? En quels termes le pose-t-on ? Comment le résout-on ? Une intelligence intuitive permet-elle de philosopher ?
Quelles formes peut encore prendre le possible ? La réponse se trouve peut-être chez les utopistes du XIXe siècle (Charles Fourier et Claude-Henri Saint-Simon) pour qui les liens entre art, utopie et politique, dévoilent la nature même de ce qui définit l'art engagé dans la modernité : un recours contre les formes récurrentes de l'aliénation. De cette réflexion surgit la figure de l'artiste d'avant-garde, celui qui a le pouvoir de rendre sensible une alternative au monde tel qu'il est. Ces esquisses dessinent une véritable esthétique de la rébellion, où il est question, non seulement dans la place émancipatrice de l'art et du sensible dans les discours utopiques, mais, surtout, de l'importance du corps et de ses désirs pour dessiner une société autre.
Étrangement l'oeuvre d'Adorno s'est trouvée en France le plus souvent compartimentée entre esthétique, sociologie, musicologie sans que son unité ne soit considérée. En redonnant toute sa place à la méditation métaphysique d'Adorno, au coeur de La Dialectique négative, et dont le philosophe de Francfort jugeait qu'elle ne pouvait pas ne pas avoir été entamée, compromise, affectée par la barbarie de la Seconde Guerre Mondiale, cet essai fait la démonstration de l'existence d'une telle unité métaphysique architectonique et circonscrit ce faisant, l'enjeu fondamental de la réception française d'Adorno.
Il est aussi invention d'une méthode d'analyse. Méthode dont la « stridence » (mot emprunté aux Voix du silence de Malraux) est le concept clef. Analyse de la bizarrerie de la réception ou de la non-réception d'un livre majeur ; et du conflit philosophique qui opposa Lyotard à Derrida, à propos d'Adorno. Quels furent les effets de turbulence, de mutation, de déplacement conceptuels, mais aussi de silence, qu'a suscité le nom du philosophe allemand à l'intérieur des oeuvres des deux philosophes français, des années 1980 à leurs morts ? Quels furent les effets d'après-coup, pour constituer le périmètre de l'échange conflictuel en une « conjoncture doctrinale » ?
Ce suivi des transformations conceptuelles définit la stridence, et implique une nouvelle manière d'écrire l'histoire de la philosophie qui étudie les auteurs à partir d'un conflit qui s'est prolongé souterrainement dans les livres pour hanter et changer les pensées.
Enfin, cet essai montre tant par son propos que par sa méthode, comment l'histoire de l'extermination des Juifs d'Europe a peu à peu gagné le champ philosophique français, au prix d'une mésinterprétation de la pensée d'Adorno, déplacée du fait de Lyotard vers le champ esthétique pour y nourrir un interdit de représentation de la Shoah, source de nombreux conflits contemporains. Or ce qu'Adorno définissait comme l'innommable n'était pas réductible à l'irreprésentable. Par contrecoup, voici produite une généalogie du conflit relatif à la représentation de l'extermination, qui déchire aujourd'hui encore nos contemporains (Didi-Huberman, Lanzmann, Rancière, etc.).
Dernier livre écrit par Mercier-Vega avant son suicide en novembre 1977, La Révolution par l'État montre que dans les États d'Amérique latine, sous le nom de révolution se met en place une nouvelle forme de domination, la domination d'une classe techno-bureaucratique qui, mobilisant les ouvriers et les paysans, réduits à l'état de masse de manoeuvre, s'est emparée du pouvoir d'État. « Être gouverné, disait Proudhon, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni le titre, ni la science, ni la vertu. »
Cette traduction d'une première partie des « Ecrits sociologiques » de Th. W. Adorno vise à compléter la réception d'Adorno en France en faisant enfin connaître son oeuvre de sociologue. Les textes qui composent ce livre - articles, conférences et interventions orales lors de colloques - forment ainsi le complément nécessaire à la juste compréhension de son projet global et permettront enfin de pénétrer les articulations théoriques entre philosophie pure, réflexion esthétique et théorie sociale.Ces écrits sur la culture constituent un complément indispensable aux écrits esthétiques déjà disponibles en français et permettent de relire sous un nouveau jour la Dialectique de la Raison et la critique de la culture de masse qui s'y trouve développée. Le texte-charnière qui clôt le volume traite du rapport entre sociologie et psychologie, et met à jour les transformations qu'Adorno fait subir à la psychanalyse afin d'en faire un soubassement stable de sa théorie critique de la société ; il introduit qui plus est à un débat toujours actuel : comment la société transforme-t-elle la structure pulsionnelle des individus ? De quelles pathologies individuelles est-il possible de dire qu'elles sont « produites socialement ».?Les articles réunis dans ce volume permettent de mieux comprendre l'orientation qu'a prise l'École de Francfort depuis deux décennies. Comme le souligne Axel Honneth dans sa préface, la théorie critique et sociale la plus récente renoue avec l'approche sociologique et empirique de Theodor Adorno.
Le présent recueil vise à donner une vue d'ensemble de l'itinéraire de Horkheimer : composé en majeure partie de textes publiés d'abord dans la Zeitschrift für Sozialforschung, au cours des années 1930-1940, il contient les trois grands essais, Matérialisme et morale (1933), A propos de la querelle du rationalisme dans la philosophie contemporaine (1934) et Sur le problème de la vérité (1935), qui annoncent le "Manifeste" de 1937, Théorie traditionnelle et théorie critique. Des textes, antérieur - la présentation institutionnelle de l'Institut de recherches sociales (1931) - et postérieur - la conférence de 1970, La Théorie critique hier et aujourd'hui -, permettent de s'interroger sur la périodisation de la théorie critique ; faut-il en penser le développement sous le signe de l'évolution ou de la rupture ? L'Etat autoritaire (1942) pose la question politique fondamentale de notre temps.
Trois grandes tâches requièrent la théorie critique :
- Faire prendre conscience à toute théorie de l'intérêt social qui l'anime et la détermine.
- Travailler à la constitution d'une société répondant aux exigences de la raison.
- Déconstruire le devenir de la raison pour en distinguer les différentes figures.
Volonté d'émancipation, persévérance, décision sont les qualités propres de la raison matérialiste. Contre l'Etat autoritaire et les théories qui en font un destin, demeure la question : qu'est-ce que penser la liberté ? "Tant que l'histoire universelle va son chemin logique, elle ne remplit pas sa destination humaine." Les présentateurs L. Ferry et A. Renaut situent la théorie critique dans le champ "des voies et des impasses" où la pensée se sera engagée tout au long du XXe siècle.
Certaines expériences dans nos vies conduisent à la question du sens de la vie. "La vie a-t-elle un sens ?" Mystère. Vertige.
Il faut revenir de ce vertige à ces expériences. Elles ont quelque chose de vital. Mais nous apprennent-elles quelque chose sur "la vie" ?
Ces expériences sont relationnelles, deuils, violations, joies. Ces relations sont réelles, issues de la vie, ayant des effets sur nos vies. Elles renvoient à "la vie" - non pas comme à une essence, mais comme à une relation, non pas comme à une valeur, mais comme à une tension, entre destruction et création.
Jalon pour un vitalisme critique.
Car c'est bien "la vie" en effet, comme le chante Yves Montand dans Les Feuilles mortes, qui "sépare ceux qui s'aiment", et qui peut aussi les unir, ou plutôt qui, en dépassant cette alternative brutale de l'union et de la séparation radicales, permet aux vivants de vivre ensemble et séparément à la fois, individuellement et ensemble, enfin, aujourd'hui.
Rendre justice à Johann Fichte ! Accusé d'être un jacobin, un athée, un mystique, un dément; sa pensée fut défigurée, raillée, réduite à servir pour la gloire de ceux qui vinrent après lui, Schelling, Hegel... Une tradition fait de lui un penseur obscur, changeant, suspect de nationalisme allemand; tantôt disciple de Kant, tantôt plongé dans une métaphysique délirante.
En le retraduisant, Philippe Riviale a découvert un penseur profond, proche de Gracchus Babeuf, son contemporain, assassiné pour avoir affirmé la droit à la vie et la fraternité des hommes, dans son entreprise de démasquer les faux-semblants de la pensée dogmatique des philosophes de profession.
Que se passe-t-il réellement lorsque l'on désire ou que l'on croit ? La conscience existe-t-elle ? Qu'est-ce que l'esprit ? S'oppose-t-il à la matière ? Repensant des thèmes aussi divers que l'instinct et l'habitude, le désir et le sentiment, les sensations et les images, la mémoire, les croyances, Bertrand Russell s'attache, dans ce grand classique de la philosophie, à concilier les tendances matérialistes de la psychologie moderne et les tendances opposées de la physique qui, abandonnant sa base matérialiste d'autrefois, réduit le monde à un ensemble de forces, d'énergies, de points théoriques, d'événements abstraits.