Quelle est la quête symbolisée par le jeu d'échecs?? Quels liens pouvons-nous établir entre Beth Harmon de la récente série télévisée The Queen's Gambit et des personnages littéraires comme Loujine ou Monsieur B., de Nabokov ou Stefan Zweig ?
Les joueurs d'échecs sont-ils des fous de Dieu, des mystiques de l'absolu ? Veulent-ils s'affranchir des limites imparties à la condition humaine et s'élever à un niveau de calcul surhumain, comme s'ils étaient dotés de l'omniscience ?
Dans cet essai, l'auteur se propose de revisiter un certain nombre d'oeuvres littéraires et artistiques qui mettent en scène le jeu d'échecs. Il part de l'hypothèse chère à Borgès selon laquelle les échecs sont un petit théâtre reproduisant le drame cosmique, où l'être humain, même surdoué, se brûle les ailes dans son désir de perfection.
La Bible hébraïque a-t-elle réellement inventé le monothéisme ? Si oui, elle l'a fait à travers un dieu indicible. Quand Moïse s'interroge sur son nom, le texte fournit une réponse énigmatique : « Je serai ». Que signifie le silence étourdissant de cette absence d'identité ?
Se peut-il que la question du divin n'ait pas constitué l'essentiel du message biblique et que Moïse soit d'abord le fondateur d'une éthique libératrice, l'humanisme ? Telle est la question centrale de cet essai.
« Lucrèce, philosophe épicurien, est aussi un immense poète. Le paradoxe est que sa poésie semble prendre perpétuellement l'épicurisme à contre-pied, comme si le poète, chez lui, donnait tort au philosophe - à moins que ce ne fût l'inverse. C'est ce que j'ai essayé d'exprimer (notamment en retraduisant les plus beaux passages de son chef-d'oeuvre) et de comprendre. De la philosophie d'Epicure, la plus lumineuse, la plus douce, la plus sereine, peut-être la plus heureuse de toute l'Antiquité, Lucrèce a tiré le poème le plus sombre, le plus âpre, le plus angoissé, le plus tragique. Cela nous dit quelque chose sur l'homme qu'il fut, certes, mais aussi sur l'épicurisme, sur la philosophie, et sur nous-mêmes. Si nous étions des sages, nous n'aurions pas besoin de poètes. Mais aurions-nous besoin de philosophes ? » ANDRÉ COMTE-SPONVILLE
Traduction nouvelle, présentée et annotée par Pierre Louis. Première édition de ce texte capital du philosophe grec sous une forme accessible à un large public. Cette traduction, qui n'est jamais littérale, vise à être exacte et lisible ; elle se veut plus conforme à l'esprit qu'à la lettre et met en lumière une modernité parfois surprenante.
La liberté est-elle un pouvoir neutre et indifférencié de choix et d'action qui est octroyé à tout individu, et qu'il exerce identiquement avec tout autre, ou n'est-elle pas plutôt une capacité qui n'échoit qu'à lui seul d'accomplir son être propre dans ce qu'il a d'unique ? En souscrivant à la seconde branche de cette alternative, Claude Romano s'efforce de préciser les conditions de possibilité de qu'il appelle « liberté intérieure », c'est-à-dire la capacité de vouloir et de décider en l'absence de conflit intérieur, de telle manière que cette volonté et cette décision expriment l'être que nous sommes et manifestent un accord de cet être avec lui-même. En soulignant les limites de la conception largement dominante, de Platon à Harry Frankfurt, de cette liberté comme une subordination de nos désirs et tendances affectives spontanées aux « désirs de second ordre » qui découlent de notre réflexion rationnelle, l'auteur défend une conception originale de l'autonomie qui rejette une telle hiérarchie. Il étaye son propos par l'analyse d'un exemple littéraire, la décision finale de la Princesse de Clèves dans le roman éponyme de Mme de Lafayette.
La philosophie du soin, que l'on parle aujourd'hui de care, d'attention ou de sollicitude, est maintenant bien installée dans le paysage intellectuel. À tel point que parler de moment du soin, à l'intersection entre philosophie, sciences humaines et sociales, arts et politiques, est devenu un point d'accord. Cet ouvrage, en s'installant au coeur d'une philosophie du soin, cherche à en tirer les conséquences dans quatre champs explorés singulièrement : le travail, le numérique, l'architecture et l'écologie.En quoi penser et agir en termes de soin a-t-il des effets sur notre manière d'éclairer ce qui s'engage dans les métiers et les professions dans une philosophie du travail ? Quels aspects du soin le numérique, de la robotique à l'intelligence artificielle et aux logiciels, vient-il soutenir, déplacer ou abîmer ? Comment le soin s'explicite dans des manières spécifiques de ménager l'espace, dans les questions d'architecture et d'urbanisme ? Enfin, à quel point d'intersection, entre santé et environnement, le soin permet-il d'accompagner la transition écologique ?
Nul n'en doute, surtout pas l'auteur de ce livre et son postfacier : Maurice Blanchot est un écrivain considérable, un penseur considérable, auquel la modernité doit beaucoup et qu'il ne s'agit d'aucune façon de réduire.
Ce dont il est question dans ce livre, c'est de son passé politique lointain. Avant la guerre : c'était l'enjeu de L'Autre Blanchot (Gallimard, coll. « Tel »). Durant la guerre : c'est l'enjeu de celui-ci. Parce qu'il n'a certes pas tout dit à leur sujet, ce qu'on savait ; et parce qu'il est arrivé qu'il écrive des choses dont l'inauthenticité est maintenant démontrable. Silence, inauthenticité à quoi se reconnaît une certaine mémoire politique française, hémiplégique. À quoi ne doit pas se reconnaître sa mémoire intellectuelle, à plus forte raison quand c'est de Maurice Blanchot qu'il s'agit.
La pensée d'Edgar Morin est inclassable. Ni science ni philosophie, enjambant la science et la philosophie, les sciences humaines et les sciences naturelles, sa pensée échappe aux classements disciplinaires et aux modes de connaissance compartimentée. Edgar Morin a abordé des disciplines aussi différentes que la biologie, la sociologie, l'anthropologie, la philosophie et l'épistémologie des sciences.
Comment résumer une oeuvre qui couvre plus de soixante années de vie intellectuelle ? Comment en dégager un esprit général qui ne soit pas une réduction caricaturale ?
En passant par La Méthode dont la publication s'est étalée sur presque trente ans (1977-2004). Déjà en gestation dans les premiers travaux d'Edgar Morin (L'Homme et la Mort, Le Vif du sujet, Le Paradigme perdu), La Méthode est le creuset d'où sont sorties de nombreuses ramifications, sociologiques, politiques, éducatives (Terre-Patrie, La Voie, Les Sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur), ramifications distinctes mais inséparables de la source qui les a fait naître.
Ancien résistant et témoin privilégié de notre époque, Edgar Morin a traversé le XXe siècle en acteur de l'histoire. Il est l'auteur d'une oeuvre transdisciplinaire, abondamment commentée et traduite dans plusieurs langues, qui nous oblige à rompre avec la disjonction et la compartimentation des savoirs. Elle a pour dénominateur commun la recherche d'une connaissance non mutilée et le souci d'une pensée capable d'affronter la complexité du réel.
« Mes intérêts privilégiés se sont orientés vers le grand canon de la philosophie - Platon, Kant, Hegel, Husserl ; mais, en même temps, vers des lieux dits « mineurs » de ces textes-là, de problématiques inaperçues, de notes en bas de page - vers ce qui peut gêner le système et en même temps rendre compte du souterrain dans lequel le système se constitue en réprimant ce qui le rend possible, qui n'est pas systémique. Donc, une explication à la fois canonique et non-canonique, avec le canon de la philosophie [...] » J. Derrida En juillet 1993, Maurizio Ferraris et Gianni Vattimo ont interrogé Jacques Derrida sur son projet philosophique, sur ses choix, ses stratégies d'écriture et de pensée. Le Goût du Secret est un bref entretien conçu, au départ pour le seul lectorat italien, comme une introduction simple et didactique à la philosophie derridienne.
L'expression « vivre-ensemble » est devenue omniprésente dans le discours social et politique. Exigence de notre époque, clé de voûte de l'éducation pour le xxie siècle, le vivre-ensemble est devenu un leitmotiv qu'il semble commode de ne pas définir - chacun pouvant dès lors lui donner sa propre acception, voire l'utiliser à toutes les sauces. Nous avons donc entrepris d'en éclairer le sens par l'analyse d'écrits dans le champ de l'éducation, où le terme « vivre-ensemble » figure dans le libellé du titre.
Le lecteur ou la lectrice qui s'intéresse à la question du vivre-ensemble trouvera dans cet ouvrage une définition et ses déclinaisons de cette expression pouvant servir de pistes pour situer sa propre perspective, ou encore pour établir ce que peuvent sous-entendre ceux et celles qui utilisent ce terme, d'apparence consensuelle, dans l'espace public.
Gaston Fessard (1897-1978) fait partie des penseurs politiques qui se sont livrés à une actualisation de l'antique notion de bien commun.
Cette actualisation, qui s'opère au croisement de la philosophie hégélienne et de la théologie chrétienne, confère à la notion de bien commun une fonction à la fois de compréhension historique et de discernement politique. Fessard montre par exemple en quoi la dialectique des catégories du bien commun explique la destinée des sociétés depuis la Révolution française jusqu'au conflit des idéologies qui traversent le XXe siècle. Il expose également la manière dont la dialectique de ses contenus fournit des critères pour juger du gouvernement de Vichy et fonder une résistance en conscience au pouvoir du maréchal Pétain.
Cet ouvrage présente la pensée du bien commun de Fessard à travers ses sources (Thomas d'Aquin, Hegel et Marx) et concepts, son application durant la Seconde Guerre mondiale, les controverses dans lesquelles elle fut impliquée (avec Kojève et Mounier) ou par rapport auxquelles elle mérite d'être située (querelle du personnalisme). Il propose aussi une actualisation critique de cette pensée politique, quant au rôle international de l'Eglise ou encore aux exigences de la démocratie. Car Fessard n'invite pas seulement à jeter un regard rétrospectif sur de "sombres temps", mais également à examiner notre propre actualité historique.
Dans « L'origine chrétienne de la science moderne », Alexandre Kojève soutient une thèse originale : le christianisme n'a pas fait obstacle à la révolution copernicienne ; il en a au contraire créé les conditions discursives. Pour faire tourner la Terre dans le Ciel, où Copernic l'avait projetée, les fondateurs de la science moderne ont fait descendre les mathématiques du Ciel sur la Terre. Du Ciel, que les Grecs païens divinisaient. Sur la Terre, où Dieu s'était incarné selon les chrétiens. Le triomphe de l'héliocentrisme et l'avènement d'une physique nouvelle furent théologiquement conditionnés.
Ce texte bref et incisif aide à dissiper le malaise dans la civilisation qu'entretient la méconnaissance des fondements de notre modernité. Paru initialement chez Hermann en 1964 au sein d'un ouvrage collectif, il est aujourd'hui enfin publié à part, accompagné d'un commentaire de Julien Copin, « Mathématiques et Incarnation », qui éclaire l'ensemble de l'oeuvre de Kojève.
L'alliance est la grammaire principale du monde. Phénomène commun, local et universel, le plus pauvre et le plus noble. Elle se trouve cependant aujourd'hui plus que jamais contrariée. Le monde est en dés-alliance sur le plan social, politique, anthropologique, écologique, techno-scientifique, métaphysique. Les demandes répétées de « recréer du lien » en corroborent le fait plus qu'elles n'en dessinent une alternative : affranchies de tout « principe », elles échouent à leur tour sur les rives du nihilisme. C'est que le principe est tombé dans l'oubli. Ses titres ont été, dès la fin du xixe siècle et tout au long du xxe siècle, durement contestés et ses droits confisqués. Nombre de succédanés se sont imposés, avec leurs antinomies et leurs tragédies humaines : Raison suffisante, Progrès, Destin, Cause, État. Le principe ainsi reclassé, déclassé, fut biffé derechef au titre de ce qui lui fut imputé : voracité de l'Un, maîtrise formelle de l'universalité, logique de sécurisation historique.
Reconsidérer le principe autrement, i.e. comme alliance, tel est l'enjeu phénoménologique du présent ouvrage : loin de tout Deus ex machina, elle est le jeu de la différence initiatrice, de la pluralité unitaire, de la donation herméneutique. Ainsi, au principe, l'alliance fait être et fait temps. Elle est notre première promesse.
La pensée est indissociable de la langue dans laquelle elle se forge. Si la philosophie est inséparable du grec, de quel type est la pensée qui germe dans la langue hébraïque? C'est l'ambition de ce livre d'en retrouver les traces, comme si il y avait déjà à l'oeuvre une pensée en deçà des théories et des doctrines, une pensée précédant le texte tout en ne s'exprimant qu'à travers ses différentes économies, une pensée de toutes les pensées issues de la racine hébraïque dans laquelle l'Ëtre ne se dit pas au présent. Le livre de Shmuel Trigano jette une lumière nouvelle sur l'ontologie. Il inaugure une façon inédite de philosopher qui naît, certes, de la fréquentation de la langue grecque mais sans pour autant y ramener. Par delà la philosophie grecque mais aussi la philosophie juive classique, une voie s'ouvre vers une autre philosophie à laquelle ce livre appelle...
En 1932, Gaston Bachelard participe à un Congrès international consacré à la philosophie de Spinoza. Le texte de la conférence, jusqu'ici non publié en dehors de l'édition hollandaise des Actes et pratiquement inconnue de la critique, permet de comprendre comment les instruments et les dispositifs conceptuels de l'épistémologie bachelardienne étaient déjà bien structurés dès ces toutes premières années d'étude et de recherche. Le texte en question représente en outre l'unique occasion où Bachelard a ouvertement mesuré ses théories épistémologiques à la pensée spinozienne. L'importance historiographique de la redécouverte de cette réflexion particulièrement aigüe donnera sûrement une orientation nouvelle aux études de la pensée bachelardienne.
Abordant un sujet original et unique, Théologie de la mode s'applique à étudier l'articulation entre le goût vestimentaire et les religions, et plus particulièrement la question de la théologie du vêtement et de la mode. Domaine de recherche spécifique d'Alberto Fabio Ambrosio, ce dernier s'appuie sur les textes bibliques, mais aussi sur certains éléments de la tradition patristique et quelques documents du magistère pontifical, qui permettent de construire, à l'époque contemporaine, un discours religieux - mieux, une interprétation religieuse - autour du vêtement et de la mode. La pensée commune nous porte à croire, de manière erronée, que l'Église n'est que reproches envers cette dernière. En réalité, elle a tenté d'en expliquer les potentialités, mais aussi les dangers éventuels qui en résulteraient. Il s'agit donc ici d'aborder la mode sous l'angle d'une interprétation théologique, afin de comprendre ce phénomène aussi prégnant dans nos sociétés actuelles.
La connaissance du judaïsme ancien s'est profondément renouvelée depuis les années 2000. Les déchiffrements achevés, les manuscrits de la mer Morte (notamment ceux de Qumrân) concourent grandement à ce renouveau : soit ils enrichissent le corpus avec des textes inconnus rédigés avant l'ère chrétienne, soit ils jettent un éclairage nouveau sur des questions anciennes qui structurent la pensée juive.
Le présent ouvrage a deux objectifs : d'abord, il réunit les derniers résultats de la recherche sur des thèmes majeurs comme le temps et les temporalités (apocalyptique, eschatologie, vie post-mortem, liturgie), l'identité, l'ethnicité et la société (statut des prêtres et des sages, place de la femme, « identité juive », antijudaïsme, création d'un groupe religieux), Dieu (place des démons et des anges, pauvreté, messianisme et salut, dualisme), le rapport au texte et son autorité (écriture et réécriture, processus d'autorité, concept de révélation, place de l'hébreu). Mais surtout, ce livre plaide pour un renouvellement du dialogue, dans l'esprit de la Wissenschaft des Judentums, entre les historiens du judaïsme ancien et les spécialistes de la pensée juive.
Edith Stein est connue en France comme auteur spirituel et personnalité doublement héroïque : née juive, devenue chrétienne, carmélite, déportée et assassinée à Auschwitz pour son appartenance à Israël et au Christ. Mais on ignore le plus souvent qu'elle est une philosophe de tout premier plan, intellectuelle engagée dans le débat international ; formée par Husserl et condisciple de Heidegger, elle a produit une pensée originale qui assume les interrogations fondamentales : y a-t-il une réalité au-delà de la conscience ? Quel sens a l'existence ? Qu'est-ce qu'une personne humaine ? Comment penser la différence sexuelle ? Quelles valeurs pour une éducation réussie ? Dans l'État moderne, comment articuler droits individuels et organisation sociale ? Les essais ici réunis veulent donner accès à la pensée philosophique d'Edith Stein, à son effort pour répondre, rationnellement, aux questions de notre temps.
Avec les contributions de : Angela Ales Bello, Francesco Alfieri, Vincent Aucante, Christof Betschart, Sophie Binggeli, Bénédicte Bouillot, Brice de Malherbe, Éric De Rus, Michel Dupuis, Emmanuel Falque, Jean-François Lavigne, Hans-Rainer Sepp, Francesco Valerio Tommasi.
La démocratie grecque, en prenant pour point de départ les réformes de Solon en 594 et comme terme la conquête romaine de la Grèce en 146, c'est plus de quatre siècles d'une histoire riche en expérimentations variées d'un gouvernement « de tous, par tous et pour tous », mais aussi de réflexions et d'intenses débats sur les différentes formes que peut endosser un « régime populaire » et les défis qui se présentent à lui.
Or après cette efflorescence exceptionnelle - unique, rappelons-le, dans toute l'Antiquité -, la démocratie grecque sombra pour quelque deux mille ans dans un oubli quasi total ou fut perçue comme un régime condamnable, voire dangereux, tout cela avant qu'une patiente revalorisation des vertus démocratiques ne s'entame quelque part dans le cours des XVIIe et XVIIIe siècles, une reconquête qui, à travers bien des contestations et nombre de reculs, se poursuit encore jusqu'à maintenant.
Comment un tel renversement des perspectives aussi surprenant que spectaculaire a-t-il été possible, quels chemins a-t-il dû emprunter et quel rôle, tantôt direct, tantôt plus marginal, l'expérience athénienne a-t-elle joué dans cette affaire, via quels auteurs et quels acteurs politiques ? Autant de questions complexes et cruciales auxquelles les contributions rassemblées dans cet ouvrage tentent d'apporter des réponses.
Bien sûr, l'expérience n'est pas une ligne droite ; elle est toujours et déjà constituée de tournants, de tourments et de retournements. Mais d'où vient cette intuition que ce tournant, aujourd'hui et maintenant, mérite de s'y arrêter pour le penser ?
Au croisement de l'architecture et de la philosophie, nous avons invité des auteurs à rendre compte de la diversité des trajectoires de pensée et des actions, multipliant ainsi les prises et reprises pour interroger ce qui se construit et partager ce qui nous arrive.
On ne peut qu'être frappé, quand on commence à réfléchir sur l'aveu, par ses multiples acceptions : de la confession privée à l'autocritique imposée par les Etats totalitaires, en passant par la fonction qu'il remplit dans la plupart des cours de justice. Ces multiples acceptions sont en rapport avec les multiples domaines où il joue un rôle et qui invitent à y voir un "fait social total" : la religion, la morale, le droit, la politique.
La première ambition d'une phénoménologie de l'aveu est de réduire cette multiplicité à l'unité. La seconde est de répondre au soupçon dont l'aveu est devenu l'objet chez des penseurs qui, à l'instar de Foucault, voient seulement en lui une intériorisation pathologique de la violence sociale. Car ce soupçon, sans doute, est légitime, mais quelle est sa revendication la plus constante ? L'innocence.
Or cette innocence présente parfois, aujourd'hui, des traits plus effrayants que toutes les maladies de la culpabilité, que tous les méfaits de l'auto-accusation, que tous les appels à la reddition du désir. Défense de l'aveu : tel aurait donc pu être aussi le titre du présent ouvrage.
Que vaut le connaître humain ? Telle est la question que ce présent texte essaie de traiter, en évitant à la fois les écueils du scepticisme et du dogmatisme, et en s'appuyant sur l'histoire et la sociologie des méthodes de recherche qu'utilisent les chercheurs et les scientifiques. Grâce à la notion de réalisme critique, l'auteur soutient une position dynamique sur l'exploration du vrai. En affirmant ainsi qu'il n'y a que du « provisoirement vrai », c'est un optimisme prudent et circonspect de la rationalité humaine que ce texte nous invite à développer.
En décrivant le phénomène de la perception, la phénoménologie entreprend de remonter du monde où nous nous trouvons vers la source de l'apparaître, vers la conscience intentionnelle qui anime une matière sensible pure. Mais comment alors est-il possible de rendre compte de la donation de cette matière première ?
Une première voie consiste à se satisfaire d'une conception transcendantale de la chair qui permet un sentir pur. Une deuxième voie propose de remonter en-deçà, en direction d'un événement grâce auquel il y aurait du sensible. La chair a alors pour fonction d'assurer le passage entre cette première donne du sensible et le monde tel que nous le constituons. Cette deuxième voie semble aujourd'hui privilégiée. Mais elle pose la question de savoir comment articuler les deux sens de la chair, événemential et expressif, afin d'en éviter la déchirure. L'exploration du corps érotique permet-elle de réconcilier la chair avec elle-même pour ainsi nous livrer le secret de notre condition sensible ?
Telle est l'interrogation qui guide cet ouvrage, qui s'appuie sur les ressources offertes par la phénoménologie jusque dans ses développements les plus contemporains pour en éclairer les enjeux.
Le commencement a déjà eu lieu, et pourtant il est encore à venir, signe que le commencement véritable, de qui dépend ensuite le cours entier de notre existence, et son sens, a été manqué. Ce que nous appelons sens tient dans cette direction qui tourne, ou retourne, l'existence vers ce commencement à venir, pour aller de l'impoétique vers le poétique, de la souffrance vers la joie, ou de la mort future vers la vie sans cesse recommencée. A la littérature de décrire alors le pluriel des possibles que nous pouvons éprouver, à la philosophie de montrer leur dissymétrie ou la promesse de leur dissymétrie, et à la théologie de justifier cette promesse et dire au nom de qui nous allons vers notre naissance.
La philosophie qui est à faire, c'est celle de Lazare.