Le 8 juin 1978 Alexandre Soljénitsyne disait aux étudiants de l'université de Harvard :
« Non, je ne peux pas recommander votre société comme idéal pour transformation de la nôtre. (.) Nous avions placé trop d'espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu'on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l'Est, c'est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l'Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n'est même pas le fait du monde éclaté, c'est que les principaux morceaux en soient atteints d'une maladie analogue. »
Il existe peu d'histoires de la philosophie en français, et celles que l'on peut lire s'adressent à des spécialistes ou à des étudiants.
L'oeuvre de Bertrand Russell, en revanche, est accessible à tous, sans que pour cela l'exposé des différents systèmes perde en quoi que ce soit de son exactitude et de sa rigueur. C'est donc un tableau cohérent et complet de la philosophie occidentale, de l'Antiquité à nos jours que "l'honnête homme" trouvera ici. Complet, cela va de soi, car l'érudition de l'auteur ne saurait être mise en défaut. Cohérent, car une pensée sous-entend et anime cet ouvrage, cette pensée que les philosophes sont à la fois des effets et des causes : ils sont les effets des circonstances sociales, de la politique et des institutions de leur temps ; ils sont la cause (s'ils sont heureux) des nouvelles croyances qui façonneront la politique et les institutions des âges futurs.
Cet ouvrage capital de Bertrand Russell, grand penseur anglais, Prix Nobel 1950, a un double caractère : non seulement il est nourri de pensée comme un livre de philosophie, mais il se lit avec tout l'intérêt qu'on apporte à un livre d'histoire. Redisons-le, c'est une oeuvre qui pourra, et devra, figurer dans la bibliothèque de tout "honnête homme". Bertrand Russell est le plus éminent philosophe britannique du XXe siècle, qui apporta des contributions décisives dans les domaines de la logique et de l'épistémologie.
Ses principes éthiques, qu'il incarna à travers ses engagements politiques.
Paru en 1937 dans sa traduction française, soit sept ans après sa publication en Espagne (1930) sous le titre La rebellion de las masas, La révolte des masses demeure un opus majeur de la littérature intellectuelle mondiale. Et son auteur, le philosophe José Ortega y Gasset (1883-1955), professeur de métaphysique à l'université de Madrid de 1910 à 1936 et fondateur de l'influente Revista de Occidente, est considéré comme l'un des plus éminents représentants de l'humanisme libéral européen du xxe siècle.
Bien qu'il ait publié beaucoup d'autres ouvrages notables (dont L'Espagne invertébrée et Le thème de notre temps), c'est dans cette Révolte des masses à l'immense retentissement que la pensée d'Ortega s'expose avec le plus de saillance. Son rude diagnostic sur la nature de la maladie qui ronge l'Europe n'a rien perdu de sa pertinence : l'irruption de l'« homme-masse », un « enfant gâté » conformiste et égalitariste qui rejette le passé, la raison et l'exigence morale - corrélée à une inquiétante « étatisation de la vie » et à l'« idolâtrie du social ». Mais il y esquisse aussi ce qui peut l'en guérir : l'avènement d'« un libéralisme de style radicalement nouveau, moins naïf et de plus adroite belligérance », et l'édification culturelle d'une Europe réellement unie.
En 1938, Ortega publie un Épilogue pour les Anglais prolongeant et actualisant la réflexion de La révolte des masses : la présente réédition inclut ce texte capital à la diffusion jusqu'alors demeurée confidentielle.
La belle mécanique n'a pas fonctionné comme prévu.
Le suffrage universel, finalement conquis (plus ou moins tard selon les pays et en Italie presqu'en dernier), a déçu trop souvent ceux qui s'étaient battus pour lui et n'a pas produit les effets espérés. Au contraire, les urnes ont servi à légitimer des équilibres, des classes, un personnel politique presque immuable - et peu importe si ce dernier est diversifié et divisé. Et si le vrai pouvoir était ailleurs ? C'est ce dont il sera question, cher lecteur, dans les pages qui suivent." Canfora insinue bien plus que de vagues soupçons sur les déguisements du pouvoir : cette domination de quelques-uns - elle n'est d'un seul qu'en apparence - qui ne peut cependant se maintenir qu'à condition de s'assurer un large consensus.
Tout en restant, bien entendu, au sens plein de ce mot, une domination.
Le Cygne Noir soulevait un problème, le fait qu'une certaine catégorie d'événements historiques successifs demeure impossible à prévoir et à évaluer. Force et fragilité va plus loin, au coeur des questions philosophiques et empiriques, et se penche sur les mesures concrètes pour faire face aux Cygnes Noirs.
Les intellectuels, c'est bien connu, sont assez souvent enclins à la grandiloquence. Ils aiment les grandes phrases, les propositions définitives et par-dessus tout la critique. Leur légendaire "sens du problème" paraît même leur interdire de découvrir des solutions simples aux questions que tout le monde se pose. Karl Popper se singularise ainsi par son mépris pour l'intellectualisme et les querelles philosophico-philosophiques. Il n'a pas de termes assez durs pour stigmatiser le culte de l'incompréhensibilité et le style digne d'un oracle antique pratiqué dans de si nombreux cénacles. "Qui ne peut s'exprimer clairement et simplement doit se taire et continuer à travailler jusqu'à ce qu'il puisse parler clairement", déclare-t-il. L'ensemble des conférences publiées ici manifeste un seul souci : exposer les résultats de ses études de façon à être entendu par le plus grand nombre. Sur des sujets aussi variés que le totalitarisme, l'art, la science ou le système libéral, Popper, homme parmi les hommes, nous donne une grande leçon de modestie et de probité.
Élevé dans une famille catholique, entouré de croyants respectueux de sa personnalité, Kurt Flasch avait tout pour rester chrétien. Ses nombreux ouvrages révèlent un spécialiste éminent de la philosophie grecque et un historien sourcilleux du christianisme. Il examine ici, à plus de 80 ans, les textes des origines à aujourd'hui et s'émeut de la cruauté et de l'injustice du Dieu de l'Ancien Testament, ce Dieu d'un seul peuple. Le Nouveau Testament fourmille d'invraisemblances et de contradictions que Kurt Flasch détaille avec gourmandise. Le christianisme est en rupture avec l'héritage de la philosophie grecque et avec la raison universelle. Il est inadapté à l'esprit de notre temps, dont l'auteur n'est pas l'ennemi. La religion et la foi n'ont pas le droit de revendiquer la vérité. Celle-ci en dehors des sciences dures et de la critique historique est source d'intolérance. Ayant laissé la religion sur son chemin, Kurt Flasch goûte avec délices les fruits de la culture, celle du christianisme y compris, dans une acceptation sereine de la condition humaine qu'il propose à ses lecteurs.
Peu de mouvements intellectuels ont laissé une empreinte aussi profonde sur la culture européenne que l'Humanisme, et de fait les termes " humanistes " et " humanisme " se rencontrent dans les travaux les plus divers concernant la littérature, les sciences, la philosophie, l'art, le droit etc.
- mais le plus souvent dans l'ignorance complète de ce qu'a vraiment été l'Humanisme. Francisco Rico décrit ici l'Humanisme comme un vaste mouvement européen, né d'un rêve grandiose, qui s'avérera finalement irréalisable, le rêve que le retour de la culture gréco-romaine donnerait naissance à une civilisation entièrement nouvelle. Cet ouvrage présente une série de portraits des humanistes les plus importants - entre autres, Pétrarque, Alberti, Valla et Erasme - tout en replaçant leurs projets, leurs méthodes et leurs activités dans le cadre historique et social de l'époque.
Ce livre d'Erwin Schrödinger, co-créateur de la théorie quantique, porte sur les débuts de la science et de la philosophie grecques. Son objectif est de prendre un recul historique suffisant pour apercevoir la source de l'impasse dans laquelle la pensée moderne s'est engagée à son corps défendant. La crise d'intelligibilité de la physique contemporaine, en particulier, est rapportée à une occultation persistante de l'assise métaphysique léguée par la pensée grecque. Elle est attribuée à son incapacité à interroger deux des principes les plus décisifs posés par les penseurs présocratiques : que la nature peut être pleinement capturée dans les filets de la raison, et que la seule connaissance valable est celle du « monde commun à tous » de l'objectivité. À force d'oublier qu'il s'agit là d'un héritage culturel et non pas d'un donné indiscutable, les scientifiques semblent condamnés à laisser proliférer les tensions « paradoxales » entre leurs présupposés devenus intouchables et leurs plus audacieuses avancées expérimentales ou formelles. Schrödinger établit ainsi un dialogue, par dessus deux millénaires, entre les fondements et les fruits du rêve grec de l'épistémè.
Erwin Schrödinger (1887-1961) est né à Vienne (Autriche). Ses recherches en physique aboutissent en 1926 à l'« équation de Schrödinger », élément central de la théorie quantique. Il obtient le prix Nobel en 1933, et est également connu pour avoir formulé le « paradoxe du chat de Schrödinger » qui affecte la théorie quantique de la mesure.
Michel Bitbol, directeur de recherche au CNRS (Archives Husserl, École Normale Supérieure), a reçu une formation en médecine, en physique et en philosophie. Ses travaux portent sur la philosophie de l'esprit, la philosophie de la physique quantique, et la philosophie générale des sciences.Il a notamment publié : Mécanique quantique : une introduction philosophique, 1996 ; L'aveuglante proximité du réel : anti-réalisme et quasi-réalisme en physique, 1998 ; Physique et philosophie de l'esprit, 2000 ; De l'intérieur du monde : pour une philosophie et une science des relations, 2010 ; La conscience a-t-elle une origine ?, 2014.
Il n'est pas exagéré de dire que la correspondance latine de Pétrarque avant tout les vingt-quatre livres des Lettres familières et les dix-huit livres des Lettres de la vieillesse constitue le chef-d'oeuvre du Pétrarque humaniste: réunissant, au sein même de l'immense oeuvre latine, un grandiose corpus auquel l'écrivain travailla jusqu'aux derniers mois de sa vie, elle peut être lue aussi bien comme une autobiographie idéale du poète et un commentaire illuminant le reste de l'oeuvre que comme un miroir de l'histoire du Trecento et comme l'inventaire des grandes découvertes philologiques qui, comme on sait, renouvelèrent la culture, la conjuguèrent à l'esprit de l'âge classique, l'imprégnèrent de toutes les inquiétudes de l'humanitas et la proposèrent comme la base même de la sensibilité occidentale.On sait que, paradoxalement et alors même que la philologie pétrarquienne parvenait à un niveau d'excellence quasiment vertigineux, l'édition européenne, malgré plusieurs contributions majeures apparues au fil du xxe siècle celles de Vittorio Rossi et Umberto Bosco pour les Lettres Familières, de Nicola Festa pour l'Africa, de Giuseppe Billanovich pour les Rerum memorandarum libri, de Guido Martellotti pour la première partie de De viris s'était montrée réticente à s'engager à fond dans la publication, autre que sporadique, du Pétrarque latin. L'approche du septième centenaire de la naissance du poète, en suscitant en Italie pour 2004 un nouvel et ambitieux élan, piloté par Michele Feo, en vue de l'édition nationale de l'oeuvre intégrale, devrait aider à combler définitivement cette lacune. Reste qu'engagée dans un esprit de collaboration fraternelle avec nos amis italiens la présente édition bilingue constitue un événement éditorial de première grandeur.Ce sera en effet la première fois que les Lettres de Pétrarque sont mises à la disposition du public français dans leur intégralité, lisibles d'un bout à l'autre à la fois dans le texte et dans une excellente traduction benemeritus de l'oeuvre de Pétrarque, Victor Develay à la fin du xixe siècle n'avait donné que des choix de lettres c'est la première fois aussi qu'un ample commentaire historique et érudit, éclipsant de loin et périmant les notes de Fracassetti (1865-1868), orientera le lecteur tant dans la saisie globale du complexe iter culturel et spirituel du poète que, livre après livre et lettre après lettre, dans la compréhension ponctuelle d'un texte toujours riche et passionnant. Enfin, c'est la première fois que le travail d'édition critique, déjà accompli pour les Lettres familières par Vittorio Rossi, sera étendu aux Lettres de la vieillesse.Redevables pour la traduction française des Familiares à la patience, à la compétence et au goût d'André Longpré, nous avons confié celle des Seniles à un groupe de jeunes et ardents chercheurs formés en Sorbonne Ugo Dotti, un des meilleurs connaisseurs de la personnalité et de l'oeuvre de Pétrarque, nous a fait l'honneur de nous donner pour les unes comme pour les autres le commentaire monumental qu'on lira dans la traduction française de Christophe Carraud et de Franck La Brasca. C'est Elvira Nota qui nous offre livre par livre, avec le texte critique des Seniles, les précieuses notes critiques relatives aux textes " pré-canoniques ".Ayant livré en guise de prémices ces sept premiers livres des Lettres familières, nous poursuivrons parallèlement l'édition des deux grands ensembles du corpus en gardant les yeux fixés sur 2004, espérant même pouvoir, chemin faisant, adjoindre, en Appendice au corps principal, les dix-neuf Sine nomine dans le texte critique de Paul Piur et, avec un texte critique établi par Elvira Nota, les " Lettere disperse ", exclues du corpus et vulgarisées par une récente édition.Ainsi Les Belles Lettres et la collection des " Classiques de l'Humanisme " espèrent-elles prendre leur part de la célébration d'une oeuvre à laquelle notre pays, depuis Pierre de Nolhac, ne s'est jamais senti ni voulu étranger.Pierre Laurens
Contestation radicale de l'ordre politique établi, L'Éthique de la liberté est devenu le texte culte de la pensée libertarienne dans sa version anarcho-capitaliste.
Lorsque The Ethics of Liberty est publié en 1982, Murray Rothbard (1926-1995) n'en est pourtant pas à son coup d'essai:dans une veine semblable cet émule de Ludwig von Mises s'est fait connaître en 1973 avec For a New Liberty:The Libertarian Manifesto. Mais dans son nouvel opus et en partant d'une décapante « robinsonnade », il radicalise le libertarianisme en prônant une liberté individuelle maximale, l'État zéro et une société totalement privatisée fondée sur l'échange volontaire et le capitalisme de laissez-faire, eux-mêmes légitimés par une réinterprétation rationaliste rigoureuse de la tradition du droit naturel, du droit de propriété et de la morale qui en découle.
La lecture de cet ouvrage offre un excellent aperçu des positions éthiques et économiques de la pensée libertarienne qui occupe une place plus importante qu'on ne le croit en France, mais aussi dans le paysage intellectuel et politique américain - au point d'avoir en bonne partie inspiré l'orientation anti-étatiste de l'actuelle vague des « Tea parties »...
Combien de textes jadis célèbres et aujourd'hui méconnus. Parmi les oeuvres qui, de l'Antiquité à la Renaissance, ont formé les esprits, beaucoup sont aujourd'hui reléguées dans les arrière-boutiques parce qu'elles ont cédé la place à des ouvrages qui les ont utilisées en les recouvrant d'oubli ou parce qu'elles ont cessé de nourrir ouvertement la réflexion des Modernes.
Devenus indisponibles, ces textes attendaient qu'on les redécouvre. Tel est le but de « La Roue à Livres ».
La collection offre l'occasion unique de lire des textes intégraux, traduits du grec, du latin ou d'autres langues anciennes, munis de notes succinctes qui ne les alourdissent pas et d'une introduction qui restitue une époque et son auteur et justifie le succès qu'ils remportèrent et qu'ils méritent encore. La collection publie des traductions originales, à partir des meilleures éditions du texte originel, ou d'anciennes traductions révisées par un spécialiste.
Sont ainsi livrés à la curiosité renouvelée des lecteurs de bonne foi des textes poétiques, historiques, juridiques, philosophiques, esthétiques, etc. En outre la série "documents" présente des recueils d'inscriptions, monnaies, témoignages archéologiques, etc... pour donner aux étudiants et au public lettré les sources indispensables qu'il fallait auparavant chercher dans divers ouvrages, livres ou articles, difficilement accessibles.
Le terme "Nyaya" est fréquemment rendu par "logique" ou "dialectique", mais cette traduction ne doit pas masquer la radicale différence qui existe entre la logique occidentale, héritée principalement d'Aristote (384-322 av. J.-C.), et le mode de pensée qui est exposé dans ces textes fondateurs de la sixième et dernière école orthodoxe de la philosophie hindoue. En effet, Aristote, avec l'introduction de la notion de variable, avec l'évacuation du contenu concret des propositions, a développé une logique formelle permettant de dégager des lois universelles et abstraites profondément étrangères aux intentions de Gautama : si celui-ci vise une science, cette science ne peut se comprendre sans faire référence au sujet connaissant. Dans cette perspective, une proposition est vraie pour celui qui l'a exprimée et non en elle-même, elle n'a pas de structure qui en assure en elle-même la validité. Elle est inséparable de l'intention de l'auteur et du contexte particulier dans lequel celui-ci s'est exprimé. Autrement dit, le logicien occidental énonce des propositions puis sort de sa construction pour analyser ces propositions et décider de leurs valeurs universelles, tandis que le naiyayika énonce des vérités d'expérience, des vérités existentielles. Cette manière d'appréhender la connaissance, si étrangère à nos habitudes mentales, est inséparable d'une préoccupation religieuse au sens le plus large : le Nyaya est un système de salut dont l'objectif n'est pas de connaître le monde ou de constituer un savoir sur le monde mais de connaître ma réalité dans le monde, ma personne connaissant le monde ; c'est dans la mesure où cette réalité extérieure s'identifie avec mon propre corps qu'elle devient un objet de réflexion pour le Nyaya, et cette connaissance débouche sur une sortie du monde. Tout le Nyaya ancien est orienté vers cette connaissance libératrice et non vers une connaissance objective : pour lui, c'est l'homme qui doit être véridique, car une vérité qui lui serait
Comment écrire une histoire qui présente le passé dans sa dimension étrangère passée ? Dans les deux textes traduits ici, Kurt Flasch pose cette question de manière historique, à partir de l'oeuvre du philosophe Wilhelm Dilthey (1833-1911). Sa réponse en forme de proposition se dessine sur le canevas d'une discussion de la théorie diltheyenne de la compréhension. Cette théorie raffinée thématise la possibilité d'une rencontre entre l'historien et les " grands hommes " du passé. Selon Dilthey, l'historien peut comprendre le passé dans son présent dans la mesure où ses propres expériences vécues lui permettent de revivre ce qui a été vécu par autrui. La théorie de Dilthey postule donc un vecteur transhistorique et un lieu originaire du sens : la vie de l'esprit ou vie psychique. Dans la lecture de Kurt Flasch, la théorie de Dilthey vient incarner un moment révolu de la réflexion historiographique, antérieur à Verdun, Kafka et l'Ecole des Annales. Kurt Flasch projette dans le passé et pare de sa différence celui qui figure souvent au côté de Martin Heidegger comme l'un des deux principaux fondateurs de l'herméneutique philosophique actuelle. La question initiale est donc reformulée ainsi : comment écrire l'histoire aujourd'hui, en renonçant à " comprendre " les hommes du passé ?
" il y a environ cinquante ans, écrit peler kingsley, plusieurs inscriptions grecques ont été découvertes dans le sud de l'italie, sur le site de la ville de vélia, la patrie de parménide.
Leur étude révèle les traditions de philosophes antiques qui furent nos ancêtres, mystiques cloués d'un merveilleux sens pratique. [. ] parmi eux se détache le personnage de parménide dont le monde moderne a presque oublié la véritable figure. ce livre s'attache à la faire revivre. " ces inscriptions amènent à situer parménide dans un tout autre monde que celui oú nous le placions. ce qui nous est alors dévoilé, c'est le monde de la grèce archaïque, avec ses sages devins, ses législateurs et ses rituels d'initiation, et parménide (re)devient l'un d'entre eux.
En particulier, on restitue l'existence d'une sorte de tanière d'initiation, d'un antre, oú l'on allait recevoir par rêve la révélation des dieux. l'ouvrage, qui repose sur une très solide documentation, est écrit d'une manière parfaitement accessible, et toutes les discussions savantes, par exemple, ont été reléguées dans les notes. il se développe à la manière d'un puzzle, dont les éléments se révèlent les uns après les autres et prennent sens les uns par rapport aux autres.
Nul doute que l'ouvrage ne soit destiné à être âprement discuté, tant il attaque de positions ordinairement tenues.
Après avoir consacré plusieurs livres à la présentation des thérapeutiques tirées de la botanique (xviii à xxxii), pline examine dans le livre xxx tous les remèdes provenant du monde animal et les pathologies qu'ils peuvent soigner.
Témoignage capital pour l'histoire de la magie dans l'antiquité, ce texte est aussi une source extraordinaire pour aborder les relations entre science et savoirs traditionnels : comment se construisent les catégories concernant les maladies, comment s'élaborent les savoirs destinés à les interpréter et à les traiter ?
Au carrefour de disciplines différentes, pline nous livre ici, à la manière d'un " ethnomédecin ", ses connaissances sur les recettes pratiques de la pharmacopée médico-magique du monde romain.
Premier catalogue de la fameuse Bibliothèque d'Alexandrie, Callimaque exerça une grande attirance sur les poètes latins, qui le lisaient, l'expliquaient et parfois même le traduisirent. Lire la poésie de Callimaque, c'est se placer au confluent des traditions littéraires grecques archaïques et classiques, mais aussi de la culture égyptienne, dans ce formidable creuset que fut l'Alexandrie lagide. Callimaque, suivant les traces d'Hésiode sur le Mont Hélicon, rencontra les Muses et engagea avec les déesses un dialogue fait d'érudition et de poésie subtile qui s'est prolongé dans la culture européenne. Depuis le début du XX'e siècle les découvertes papyrologiques réalisées en Egypte ont permis de retrouver plusieurs centaines de fragments qui, combinés avec la tradition indirecte, permettent de découvrir une poésie inédite en France à ce jour. Le lecteur dispose du texte grec et de sa traduction, principe de la collection Fragments, avec d'abondantes notes qui éclairent le texte.
Les livres de morale, shanshu sont encore peu étudiés et traduits en langues occidentales en dépit de leur importance fondamentale dans la pratique sociale, éthique et religieuse de la Chine moderne, depuis le XIIe siècle jusqu'à nos jours. On peut les définir comme des ouvrages consacrés à exhorter leurs lecteurs, par le raisonnement et l'exemple, à se conduire vertueusement. Ces exhortations se fondent sur la notion, commune à l'ensemble de la religion chinoise, de la rétribution morale des actes (bao ), notion que l'on trouve également exprimée, quoique sur des bases théologiques distinctes, dans les classiques des Trois enseignements (confucianisme, bouddhisme et taoïsme). Par religion chinoise, il faut entendre l'ensemble des croyances et pratiques faisant appel aux ressources (textes, clergés, rites, symboles) des Trois enseignements tout en étant le plus souvent largement indépendants. Les livres de morale, en accord avec les trois religions, affirment que tout acte vertueux (shan ) entraîne, immédiatement ou à terme, des conséquences favorables des bénédictions, fu , tandis que les actes vicieux (e ) entraînent des conséquences défavorables des malédictions, huo . Ils mettent en garde le lecteur contre les punitions qu'entraînent les péchés et les enjoignent à faire leur salut en détaillant de façon concrète un programme de vie pure menant à une bonne mort voire à la divinisation. Leurs thèmes principaux de réflexion sont le respect des dieux et des règles de pureté rituelle qui leur sont associées, la libre circulation des êtres et des biens ainsi que les Cinq normes sociales, très marquées par le confucianisme, qui déterminent les liens entre parents et enfants, mari et femme, frères aînés et cadets, souverain et sujet, ami et ami.Vincent Goossaert est historien, directeur d'études à l'EPHE et directeur adjoint du GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités, EPHE-CNRS). Il travaille sur l'histoire sociale de la religion chinoise moderne, et s'intéresse particulièrement au taoïsme, aux spécialistes religieux, aux politiques religieuses et à la production des normes morales. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages seul ou en collectif, dont La Question religieuse en Chine (avec D.A. Palmer, 2012).
Rompant avec les préjugés de toute la recherche traditionnelle sur la philosophie présocratique, Peter Kingsley renouvelle dans cet ouvrage l'approche d'Empédocle : au lieu d'interpréter les fragments de sa poésie à partir d'une idée post-platonicienne ou post-aristotélicienne de la philosophie, il entreprend de nous faire entendre leur étrangeté en les replaçant dans leur contexte originel, un contexte où la philosophie n'est pas d'abord conçue comme une entreprise rationnelle mais comme un mode de vie où la pensée est étroitement liée à la mythologie, aux mystères et à la magie.
Sont ainsi reconstruites les relations d'Empédocle avec le pythagorisme ancien, mais aussi l'origine pythagoricienne des mythes de Platon, notamment celui du Phédon qui fait l'objet d'une étude approfondie, avec un certain nombre de conséquences méthodologiques pour l'étude de la philosophie antique en général. La deuxième moitié du livre réexamine le problème des liens entre magie, science et religion dans la philosophie ancienne.
Elle met en évidence une ligne de transmission qui, partant d'Empédocle et des premiers pythagoriciens, atteindra l'Égypte puis le monde islamique. Ce processus de transmission, jusqu'ici négligé, bouleverse notre compréhension non seulement de la philosophie grecque, mais aussi de l'arrière-plan culturel de l'alchimie ancienne, du soufisme et du mysticisme médiéval.
Xénophane de Colophon, poète et penseur de la fin du VIe siècle et du début du siècle suivant, est un personnage énigmatique, au coeur de nombreuses interrogations. Sur sa vie, il ne nous reste que très peu de témoignages, très peu de certitudes et quelques légendes qui ont suffi à lui forger une réputation. Critiquant sévèrement Homère et Hésiode pour les « mensonges » qu'ils ont contés au sujet des dieux, attaquant les croyances populaires, les superstitions, les idées reçues et les comportements de ses contemporains, il a laissé à ses successeurs, pour des siècles, le souvenir d'un satiriste acerbe et d'un austère moralisateur. Mais Xénophane est aussi lié à l'histoire de la philosophie : disciple des philosophes de Milet d'Archélaos ou d'Anaximandre selon les sources , il aurait pris position contre certaines théories de Thalès et de Pythagore, serait l'auteur d'un grand poème didactique intitulé Sur la nature et aurait le premier affirmé l'unité de la divinité et celle de l'être. En tant que tel, il aurait été le maître de Parménide et le fondateur de l'école d'Élée.
Il est probable que la légende exagère l'importance qu'a pu avoir Xénophane dans l'histoire de la philosophie. On retrouve cependant des échos de sa pensée chez les plus grands philosophes des siècles postérieurs, et notamment chez Platon, chez Aristote, ses élèves et ses commentateurs, chez Cicéron, ou encore, bien plus tard, dans les écrits des auteurs chrétiens qui ont vu en Xénophane le premier théologien monothéiste.
L'oeuvre de Xénophane a malheureusement souffert d'une très mauvaise transmission. Les fragments qui nous en restent sont écrits en vers, dans une langue qui tente de concilier archaïsmes poétiques d'une part, précision philosophique, rigueur de raisonnement, vocabulaire moderne d'autre part. Ces vers sont manifestement l'oeuvre d'un esprit critique des plus vifs, exigeant et rigoureux, et laissent entrevoir une personnalité profondément originale, avide de connaissance et de vérité.
Le lecteur dispose du texte grec et de sa traduction, accompagnée de notes qui donnent un aperçu des différentes interprétations poétiques et philosophiques proposées pour ces fragments par les commentateurs antiques et modernes.Traduction et note de Laetitia Reibaud, agrégée de grammaire.
Spécialiste mondialement renommé de Hobbes et professeur de sciences politiques à la prestigieuse London School of economics, le philosophe Michael Oakeshott (1901-1990) est une figure intellectuelle britannique majeure. D'une sensibilité conservatrice à tendance libertarienne mais surtout foncièrement sceptique en politique et de fait inclassable, il est l'auteur d'une oeuvre plus considérable en densité qu'en quantité - dont un titre (De la conduite humaine, PUF, 1995) a déjà été traduit en français. Dans Morale et politique dans l'Europe moderne (1958), ce non-conformiste viscéral soutient la thèse originale et décapante que l'histoire de la pensée politique occidentale se caractérise essentiellement par le développement et l'antagonisme de deux théories : l'individualisme (l'association civile d'individus autonomes avec le moins de gouvernement possible), qui a sa nette préférence, et le collectivisme (sous les deux visages « productiviste » et « distributif ») - l'un et l'autre sous-tendus par des positions morales premières.
Composés de textes déjà parus entre 1944 et 1967, ces Essais ont d'abord pour intérêt de précieusement renseigner sur l'élaboration des grandes thèses (entre autres celle de l'« ordre spontané » et de l'« évolutionnisme culturel ») que Hayek développera plus tard dans La Constitution de la liberté (1961) puis Droit, législation et liberté (1973-1979). Ils soulignent également le rôle capital que la création de la « Société du Mont-Pèlerin » a joué dans son itinéraire intellectuel comme dans l'histoire des idées libérales. Mais la lecture des Essais permet aussi de découvrir que le plus mondialement célèbre et influent des penseurs néo-libéraux a été bien davantage qu'un théoricien de l'économie de libre marché : un historien des idées politiques à l'impressionnante érudition et l'auteur d'une puissante réflexion en philosophie cognitive et en épistémologie fondamentale - où ses conceptions économiques ont puisé une grande part de leur originalité et de leur pertinence.
C'est uniquement quand on ne parvient pas à défendre son opinion et que la vérité ne nous intéresse pas qu'on tente d'étouffer le débat sous de bonnes manières. Ceux qui prennent la religion, la politique et la sexualité au sérieux n'adhèrent pas à l'omerta générale dont elles font l'objet, et ils ne se vexent pas quand on leur montre qu'ils ont tort.
Si, au cours d'une discussion, vous avez soudain le sentiment de n'être pas tant incorrect qu'insensible, vous avez sans doute affaire à un respectable sectaire.
Il faudrait être une brute pour oser le démasquer.
Dans ce guide destiné à nous apprendre à repérer les raisonnements bidons, le philosophe Jamie Whyte démasque respectables sectaires, hommes d'église et politiciens. Il recense toutes les infractions à la logique commises à dessein d'obtenir nos suffrages, notre argent ou notre adhésion, ou simplement pour changer de sujet, à travers un plaidoyer spirituel et polémique en faveur de l'usage de la raison dans les débats publics et privés.
Traduit de l'anglais par Christine Rimoldy.