L'infini : une notion qui peut être religieuse, mathématique, physique et, bien sûr, philosophique. Depuis très longtemps, une discussion s'impose : l'homme est fini, puisqu'il meurt, alors comment un être fini peut-il comprendre ce qui est infini ? Alain Badiou donne deux définitions du fini : comme limite dans l'espace et comme terme dans le temps. La vie humaine a un terme dans le temps et une limite dans l'espace. L'infini, quant à lui, est « le contraire de la mort » , c'est-à-dire ce qu'il ne connaît pas de terme dans le temps et n'a pas de limite dans l'espace. Cette Petite conférence commence par une analyse linguistique, puis traite de la mort, des mathématiques, de l'univers, de l'art... et se termine par des considérations sur le bonheur, et sur l'être humain, qui possède la propriété d'être fini et infini.
Partout dans le monde, nous voyons les lieux et les êtres qui les peuplent en fonction des habitudes reçues de notre éducation, des paysages auxquels nous sommes accoutumés et des manières de vivre qui nous sont familières depuis l'enfance Cette diversité est sans doute un gage de richesse, mais elle rend la coexistence plus difficile des peuples différents par leurs langues, leurs coutumes, les milieux qu'ils occupent et la façon de les percevoir vivent ils dans un monde commun et peuvent ils se comprendre
L'heure qu'il est, le temps qu'il fait, l'espace du souvenir ou de la prévision : de quelque côté qu'on l'aborde, par le passé, le futur ou le présent, le temps s'échappe et nous fuit. Il est sans matière et pourtant nous habitons en lui, nous sommes emportés par lui, comme tout ce qui existe. Etienne Klein, à la fois physicien et philosophe, propose ici quelques pistes pour cerner la plus immédiate et la plus difficile de toutes les questions.
Chacun naît dans la ou les langues qu'on parle autour de lui. Mais qu'est-ce qu'une langue maternelle ? Et qu'arrive-t-il quand on en apprend une autre ?
Si chaque langue dessine un monde, qu'est-ce qui se dessine quand on en parle plusieurs ? Passer d'une langue à l'autre, en apprenant, en traduisant, c'est s'aventurer dans une autre manière de faire passer le sens. Toutes ces manières, quand on les frotte les unes aux autres, s'enrichissent : on comprend mieux ce que l'on essaie de dire quand on sait que cela se dit autrement, dans une autre langue, avec des mots qui ne disent peut-être pas tout à fait la même chose. Un texte fort et passionnant, par la récente académicienne.
Notre existence n'est elle qu'une petite lumière au coeur de l'obscurité ? Il ne va pas de soi de penser que l'enfant - et tout être humain donc - vienne du néant, du rien. Socrate enseigne que la vérité est déjà en lui. Les sages du Talmud font baigner l'enfant à naître dans la lumière originelle. Pour ces pensées, pourtant très différentes, l'âme humaine est irréductible à un pur effet de la matérialité. L'autre pôle de notre finitude - la mort - a bien davantage été pensée par les philosophes et les théologiens. Vie et mort ne sont pas deux contraires, mais deux forces, l'une de création et l'autre de décréation, elles concernent tous les champs de l'existence. Dans ce texte de réflexion puissant et lumineux, Catherine Chalier invite à penser la mort autrement. Pas seulement en constatant les effractions du mal, de la souffrance ; pas seulement non plus donc en méditant sur notre destinée ultime, que ce soit avec mélancolie, sagesse, voire espérance, mais plus simplement, de façon plus grave, en faisant en sorte que la pensée de la mort insuffle en nous une nouvelle urgence dans notre amour de la vie.
L'Europe, depuis 1945, avait exporté ses guerres. Elle importe aujourd'hui une épidémie qui sème la confusion. Le coronavirus, produit de la mondialisation, déclenche une mécanique de forces techniques, économiques, dominatrices et du même coup remet en question le modèle de croissance. Cette crise sanitaire provient de nos conditions de vie, d'alimentation et d'intoxication. Ce qui était « divin » est devenu humain - trop humain comme dit Nietzsche. La loupe virale grossit les traits de nos contradictions et de nos limites. C'est un principe de réel qui cogne à notre porte. La mort, que nous avions exportée avec les guerres, elle que nous pensions confinée à quelques autres virus et aux cancers, la voilà qui nous guette au coin de la rue. Nous nous découvrons humains, mais sûrement ni surhumains ni transhumains. Trop humains ? Ou bien ne faut-il pas comprendre qu'on ne peut jamais l'être trop ? Une puissante et salutaire réflexion du plus grand philosophe français.
Le temps passe et nous emporte, mais il est aussi le sel de toute vie. Il y a la « flèche du temps » et la linéarité du temps comptable, mais il y a aussi quantité de chemins par lesquels le temps, au lieu de nous échapper, nous revient, et comme un bien malléable et une manne dont on peut disposer. Prendre en considération le temps, le « voir venir » et l'accueillir au lieu de l'enfourcher, ce n'est pas seulement s'opposer à sa consommation effrénée, c'est surtout inventer d'autres manières de le vivre, et de vivre tout court. Le projet à l'origine de ce livre n'est pas de donner des recettes d'emploi du temps mais de réfléchir à la possibilité d'un ralentissement généralisé, en phase avec les exigences de notre époque. Cet ouvrage collectif très original, cohérent et réjouissant, regroupe onze intellectuels connus, sous la direction de Jean-Christophe Bailly.
"J'ai peur que nous ayons les yeux plus grands que le ventre, et plus de curiosité, que nous n'avons de capacité : nous embrassons tout, mais nous n'étreignons que du vent". Montaigne Etymologiquement dérivée de cura, le "soin", la curiosité apparaît tantôt comme un louable désir de connaître, tantôt comme la recherche insatiable de vaines nouveautés ou de vérités hors de portée de la condition humaine.
Les auteurs rassemblés dans ce petit recueil, de Sénèque à Rousseau, en passant par Voltaire et Montaigne, oscillent en permanence entre un éloge de la "bonne curiosité, celle qui mène à l'apprentissage des sciences naturelles et des sciences de l'homme, et une profonde réflexion sur les limites de la connaissance. Cet appétit de savoir, soupçonné d'être le ferment de l'orgueil et de faire oublier la priorité de la foi, doit être bridé, voire censuré parfois, pour se recentrer sur l'essentiel.
Du traumatisme des esclavages aux mouvements de protestation contre le racisme et les violences policières, comment réinventer la relation dans nos sociétés fractionnées, confrontées aux tumultes de l'Histoire ? Pour le penseur antillais Édouard Glissant, le monde nous bouscule et il faut entrer dans le chaos pour y porter l'action, le rêve, l'espoir du renouveau.
Le philosophe Aliocha Wald Lasowski saisit dans cet ouvrage toute l'actualité de Glissant pour déchiffrer le monde, dix ans après sa disparition. Comment ancrer le multiculturalisme dans la république ? Comment éviter à la fois les pièges de l'universalisme abstrait et du repli identitaire ? Du débat avec Aimé Césaire sur la négritude à la lutte anticoloniale avec Frantz Fanon, du projet d'indépendance par l'antillanité à l'interdépendance de la créolisation, Glissant nous invite à une pensée-monde qui décrypte nos paysages bouleversés.
Poésie, roman, philosophie mêlés, la mémoire historique redonne chance au langage. L'humanité vaut par la rencontre des cultures. La volonté de liberté rythme ses passions. Tel est le pari et la beauté d'une philosophie de la relation que ce livre met en scène.
La crise de notre modèle politique éveille le plus grand pessimisme. Face à cette peur de l'avenir, Guillaume le Blanc nous propose une hypothèse détonante, aussi ludique qu'originale : l'hypothèse Charlot.
Chaplin invente le témoin précaire de son temps, celui qui, au bord de la désintégration, parvient néanmoins à survivre. Charlot appartient à une humanité vulnérable qui déroule sous nos yeux une vie minuscule. Et pourtant, que l'on regarde Les Temps modernes, The Kid ou Le dictateur, c'est bien lui qui remet en question tous les partages sociaux entre le grand et le petit, le centre et la périphérie, le dedans et le dehors, le normal et le pathologique : faut-il vraiment vivre en travaillant ? Qu'est-ce qu'être amoureux ? Etre père ? Sommes-nous tenus d'être des citoyens patriotes ?
L'hypothèse Charlot, c'est cela : contester les normes du monde commun pour le rendre justement encore plus commun, plus partageable, pour inventer et réinventer la démocratie. N'est-ce pas la force ultime de Chaplin et de son personnage de nous éloigner du nihilisme qui semble à nouveau guetter notre époque ?
Le sourire n'a jamais été vraiment pris au sérieux comme objet de réflexion par les philosophes.
Marie-Françoise Salès se demande pourquoi. Elle choisit donc d'explorer ce que notre sourire peut signifier et découvre " un quelque chose échappant aux déterminismes sociaux et aux règles institutionnelles". Elle souligne la force souvent insoupçonnée du sourire : lui qui est soumis à des règles sociales strictes peut toujours être perçu comme la manifestation parfois inquiétante, dérangeante, mais aussi fascinante, d'un autre plan que ceux du physique et des contraintes sociales. Cette hypothèse peut bouleverser la façon dont nous considérons non seulement le sourire, mais encore l'être humain. En effet, le sourire apparaît alors comme une fenêtre ouverte sur notre humanité, dans toutes ses dimensions : naturelle et culturelle, sensible et intellectuelle, matérielle et spirituelle. Pour Marie-Françoise Salès, la contemplation d'un sourire est peutêtre l'occasion d'une mise en abîme de la pensée par elle-même. Parce qu'il révélerait l'existence d'une dimension spirituelle à l'oeuvre dans le quotidien le plus banal de nos vies humaines, voir un sourire peut signifier percevoir la pensée et son mouvement de liberté. Une formidable réflexion philosophique, profondément originale.
Dans ce livre, Marie-José Mondzain, connu pour son travail sur les Pères de l'église et les iconoclastes, remontait à la scène primitive : l'homme face aux premières images produites par sa main. Que joue cette première scène et que nous apprend-elle de notre rapport aux images ? Comme le rappelle l'auteur dans une préface inédite, il est urgent en effet de comprendre l'énergie en jeu dans ces opérations qu'il nous faut aujourd'hui sauver de la communication toute-puissante pour préserver notre vie politique au-delà du commerce des marchandises. Il nous reste à comprendre et à imaginer les opérations susceptibles de former une communauté vivante, capable de reprendre à son compte la formule de Cocteau : « Nous ne savions pas que c'était impossible, alors nous l'avons fait. »
Dans cet entretien qu'il a accordé à un journaliste allemand, Alain Badiou revient sur son parcours, sur l'influence du contexte politique sur sa pensée, sur ses relations avec Sartre, Derrida ou Lacan, sur sa philosophie du sujet notamment, dans laquelle ce n'est pas l'infini mais la finitude qui pose problème.
C'est par l'échange autour de sa lecture de Marx qu'il en vient à discuter de l'idée du communisme, et de son actualité possible. Toute la question du rapport entre théorie et pratique se pose alors. Les années de dictature invalident-elles de fait cette idée ?
Dans un langage très accessible, Alain Badiou revient ainsi sur l'un des plus grands malentendus intellectuels du XXème siècle et sur la force de cette idée, qui porte en elle la conviction qu'un autre type d'organisation de la société est possible.
Désirer, qu'est-ce que c'est ? Quelle différence entre désirer, vouloir ou avoir besoin ? Jean-Luc Nancy, auteur fidèle de la collection, s'attache à percevoir comment le désir travaille en nous, et comment nous vivons avec cette force toujours à l'oeuvre, quels que soient nos âges et nos situations.
Pour Alain Cugno, la philosophie est à la fois une science de la vie et un art de la pensée. Dans ce témoignage d'une vie de philosophe et d'enseignant, l'auteur partage aussi bien les souvenirs d'enfance que le cheminement intellectuel d'un chercheur. Sur cet itinéraire, on croise évidemment Platon, Kant et saint Augustin mais aussi Proust ou Rantanplan. Les anecdotes vécues avec les étudiants ou encore les leçons reçues de la littérature donnent à Alain Cugno l'occasion d'un récit enthousiaste et joyeux sur ce que la philosophie peut susciter dans l'existence.
Combien de fois des parents ou des profs excédés lancent : « Mais tu vas obéir, à la fin ? » Obéir n'est pas spontané, le plus souvent on ne sait pas pourquoi il le faut. Et peut-être ne le faut-il pas toujours. Peut-être que la question « vas-tu obéir ? », on peut l'entendre aussi comme : vas-tu faire ce qu'on t'ordonne sans savoir pourquoi ? N'y a-t-il pas des ordres injustes ? Pourquoi peut-on parler de « désobéissance civile » ?
Dans ce livre clair, destiné au grand public, André Guigot montre que la révolte a des visages multiples et que c'est l'esprit qui élève la révolte en lui donnant un sens.
À l'opposé de la société du spectacle, les résistances silencieuses et nourries de la puissance de la foi (en l'homme, en la révélation ou dans la nature...) transforment lentement l'ordre des choses.
L'auteur énumère douze bonnes raisons de se révolter et pour chacune d'elle propose une réflexion pertinente, éclairante, en convoquant des révoltés célèbres pour nous servir de guides : Camus, Thoreau, Gandhi, Martin Luther King...
Pour l'auteur, il est urgent de redonner à la révolte un sens spirituel et positif, pour que les refus du racisme, de l'antisémitisme, du sexisme, de l'exploitation humaine sous toutes ses formes ne soient plus mises en avant par la violence mais par un appel renouvelé à la dignité de l'humanité.
Cet ouvrage en présente les enjeux et quelques visages, à la manière d'un hommage engagé.
L'année 2011 aura été marquée par le printemps arabe et dans son sillage, le mouvement des indignés dans de nombreux pays européens. Cette expression d'un désir de démocratie est venue comme un démenti des discours si souvent entendus de l'apathie politique dans laquelle nous aurait tous plongé la société de consommation et du spectacle.
Comment comprendre ces mouvements de contestation ? Qu'est-ce qui les distingue de la dissidence et de la participation ? Quelle démocratie désironsnous ? Quels gouvernants voulons-nous ? Autant de questions que Fabienne Brugère tente ici d'éclairer, comme un préambule à l'élection présidentielle à venir.
Plusieurs épreuves peuvent être engagées avec l'image, depuis les « devinettes » du Sphinx auxquelles répond brillamment OEdipe jusqu'à la panique télévisuelle que déclenche l'entrée en eau d'Éric Moussambani aux jeux Olympiques de Sydney. Chacune des épreuves prises en compte dans cet ouvrage implique la mise en relation de l'image et du corps. Cet ouvrage se propose de mener une enquête pour tenter de comprendre comment, pour faire-image, un corps doit s'insérer dans une nouvelle configuration du sensible, à partir d'un choix d'objets issus du théâtre, de la littérature, de la philosophie, du cinéma et de la télévision. Depuis OEdipe jusqu'aux Monty Pythons, de La Bruyère à Hrundi V. Bakshi - le héros du film The Party, de Blake Edwards -, avec les traités de Balzac, de Barbey d'Aurevilly ou de Marcel Mauss, une « épreuve de l'image » se précise dans une nouvelle transaction des corps et de l'espace, où se déploient également de nouvelles puissances des corps.
Il est simple de voir dans le cours des choses et des événements matière à désespérer. Ce recueil de courts textes philosophiques affirme qu'on peut être heureux... malgré tout. Des récits étonnants, des éclairs d'humour, des anecdotes poétiques sous-tendent une vraie réflexion philosophique. Ils invitent à penser la vie quotidienne et à y trouver des raisons de sourire, de résister, d'espérer.
Entendre, voir, toucher, sentir, goûter - c'est avec nos sens que nous palpons et réévaluons ce qui nous entoure. Mais comment travaillent nos sens et comment, avec eux, pourrions-nous être encore plus vivants ?
Jean-Christophe Bailly nous convie à une leçon de philosophie mais aussi tout simplement de vie.
« Je suis quelqu'un qui n'aime pas parler et qui aime les mots, qui pense que la puissance de l'évènement est malgré tout liée à la puissance des mots capables de le qualifier. » Littéraire et cinéphile, Jacques Rancière élabore depuis les années 1960/1970 une philosophie de l'émancipation, celle de la participation de tous à l'exercice de la pensée, et donc au gouvernement de la cité. Contre ces intellectuels qui prétendent détenir la vérité, il se bat pour l'abandon de la traditionnelle distinction entre savants et ignorants. Dans ce livre d'entretien, Dork Zabunyan et Laurent Jeanpierre croisent avec lui le parcours biographique, l'oeuvre philosophique et le regard du philosophe sur le monde. Nous relisons avec eux les années de formation et le parcours intellectuel, l'ENS, les maîtres, le séminaire d'Althusser, la thèse sur la nuit des prolétaires, Foucault, le cinéma, mais aussi des moments et des questions de notre histoire commune comme la guerre d'Algérie, le Parti communiste, 68, ou encore les révoltes arabes, l'écologie politique, le vote des étrangers...
Une vie qui se veut tout sauf exemplaire, dédiée à l'exercice de la philosophie c'està- dire à l'émergence de nouveaux mondes possibles.
Les oiseaux migrateurs, qui accomplissent de très longs parcours réguliers, sont des voyageurs exemplaires. Mais il est d'autres voyages que leurs fabuleux allers-retours : voyages errants, voyages forcés. Entre la découverte et l'exil, innombrables en sont les raisons et les formes.
Élisabeth de Fontenay prolonge ici sa réflexion sur l'animal de manière accessible et ludique. Et en même temps, elle nous entretient de la liberté, dont les oiseaux restent pour nous humains, la figure privilégiée.
L'infini est une notion qui peut être religieuse (Dieu est infini), mathématique (il existe un calcul de l'infini), physique (l'univers est-il infini ?), et qui est aussi, bien sûr, une idée philosophique.
Depuis très longtemps, la discussion est la suivante : l'homme est fini, puisqu'il meurt ; comment un être fini peut-il comprendre ce qui est infini ?