Créé le 24 avril 1665 par la troupe de Molière au Palais-Royal, Le Favori, troisième et dernière pièce de Marie-Catherine de Villedieu, fut représenté devant Louis XIV à Versailles dans la nuit du 13 au 14 juin. Imitée d'une comedia espagnole, cette tragi-comédie met en scène la soudaine disgrâce de Moncade, le favori du roi de Barcelone. Lassé des coquettes façonnières et des flatteurs importuns qui troublent sa solitude, il s'abandonne à la mélancolie et accuse la faveur royale de le priver de toute amitié sincère, de tout amour véritable. Seul un revers de fortune lui permettrait de distinguer les amis sincères des caméléons de cour attirés par l'éclat de sa gloire. Le roi ordonne donc qu'il soit arrêté et emprisonné. Feinte disgrâce ou vrai coup d'État ? Au moment où s'achève le procès de Nicolas Fouquet, Mme de Villedieu soustrait à la représentation la prise de décision royale et plonge le spectateur dans la perplexité. Réponse au Cinna de Corneille, Le Favori interroge ainsi les fondements, les finalités et les limites de l'absolutisme.
La colonisation des Antilles a suscité une énorme quantité de textes fort divers : relations de voyage ou de séjour, traités et règlements, histoires morales et naturelles, correspondance officielle et privée... Si les grandes oeuvres publiées au XVIIe siècle, comme les Relations de Bouton et de Pelleprat ou les Histoires de Rochefort et de Dutertre, sont relativement accessibles et ont été largement utilisées pour comprendre la colonisation des Îles, il n'en va pas de même pour une foule d'écrits officiels ou privés, assez brefs, qui proposent une image fragmentée et souvent plus vivante et diversifiée de la vie et de l'évolution de la colonisation française dans les îles antillaises, avec la régression de la population amérindienne et l'augmentation fulgurante des esclaves africains provoquée par le développement de l'industrie sucrière.
Tous ces textes, établis sur l'original manuscrit ou publié, ont été annotés avec soin. Ils sont précédés d'une chronologie et suivis de divers appendices pour en faciliter la lecture : glossaire, notices biographiques sur les principaux personnages, liste descriptive « Faune et flore », index onomastique et index thématique.
Traduction d'Émile Littré. Préface de Jacques Jouanna. Textes choisis et présentés par Armelle Debru.
L'influence qu'Hippocrate a exercée sur la pensée médicale pendant plus de vingt siècles est analogue à celle qu'a exercée Aristote sur la pensée philosophique. Parfois contestée, souvent adminrée et plus souvent encore déformée, l'oeuvre hippocratique est une référence constante pour la médecine occidentale depuis l'Antiquité jusqu'au début du dix-neuvième siècle, où Hippocrate est encore lu et médité par les grands médecins. Laennec, qui fit sa thèse de médecine sur la doctrine d'Hyppocrate, rédigée en 1804, se réclame encore de lempirisme hippocratique contre la doctrine étiologique de son temps (Broussais).
C'est à Littré que revient l'honneur d'avoir donné, sinon la première traduction française d'Hippocrate, du moins la première traduction établie avec rigueur. Si son travail revêt aujourd'hui un intérêt plus grand au point de vue philologique qu'au point de vue médical, il reste admirable par sa précision, sa fermeté et ses qualités littéraires.
Présentée par l'helléniste Jacques Jouanna et annotée par Armelle Debru, spécialiste de la médecine dans l'Antiquité, cette anthologie propose, sous une forme lisible, accessible et guidée, un grand texte ancien et, surtout, restitue dans sa complexité et son humanité la relation entre médecin et malade telle que les Anciens l'envisageaient.
Les récentes découvertes et les publications établies par la communauté scientifique internationale, ces dernières années, sur le théâtre du siècle des Lumières ont attiré l'attention des chercheurs et des artistes sur l'étonnante vigueur, les innovations et l'actualité indéniable de ce théâtre. Les actes du colloque « Diversité et modernité du théâtre du XVIIIe siècle », objet de cet ouvrage, poursuivent cette investigation sur la pluralité des auteurs, des genres, des réseaux de ce théâtre ; ils développent les multiples mutations que connaît alors la dramaturgie française ainsi que les réflexions esthétique, philosophique et sociale qui s'ensuivent. L'approche pluridisciplinaire par des spécialistes historiens, littéraires, musicologues, artisans de la scène (metteur en scène, comédiens, danseurs) permet d'ajuster, d'actualiser l'approche et la perception de cette époque très complexe, d'une richesse encore loin d'être entièrement explorée, et donne la possibilité d'en améliorer ainsi la transmission ou la représentation.
Loin d'être secondaire, le théâtre du XVIIIe siècle n'est pas là pour déconstruire le théâtre classique du siècle précédent, mais pour sortir d'un univers théâtral qui s'est peu à peu figé, en créant des formes nouvelles qui permettront d'accueillir, le siècle suivant, « ce lion superbe et rugissant [qu'est] le théâtre romantique ».
Pourquoi Descartes et ses critiques ? Sans doute parce que le cartésianisme est exemplaire de la dimension dialectique inhérente à toute philosophie, du fait que Descartes se présente comme le critique le plus radical de la scolastique qui domine encore la pensée de son temps en prétendant refonder l'ensemble du savoir sur des bases neuves. Mais l'idée de critique n'est pas sans lien aussi avec la pensée de Descartes, qui ménage une place dans son oeuvre aux critiques en suscitant des objections à ses Méditations auxquelles il se fait fort de répondre. En outre, en autonomisant le domaine de la raison vis-à-vis de la foi et de la tradition, Descartes a accentué la dimension subjective du questionnement philosophique et encouragé l'esprit critique, avec comme conséquence la justification des attaques qui seront menées par la suite contre son propre système philosophique. C'est dire l'importance fondamentale de la notion de critique pour le cartésianisme. Dans cette optique, les contributions réunies dans ce volume envisagent la philosophie de Descartes en lien avec la doctrine de ceux qui s'en sont inspirés (critiques internes) ou qui s'y sont opposés (critiques externes), avant de s'intéresser au final à la réception critique qui en a été faite au siècle des Lumières.
À force d'écarter tous les faits, la genèse hypothétique de la société civile en arrive à se retirer tout point d'appui ; mais, de son côté, l'histoire empirique, à force de s'en tenir auxdits faits, dépouillés de toute connexion rationnelle, en arrive au pyrrhonisme : c'est pourquoi la scission genèse/histoire s'avère intenable. Dès lors, le problème devient celui de l'injection du sens dans les faits : ce qu'on appelle couramment, et obscurément, les « philosophies de l'histoire ».
Le tableau historique français, l'histoire naturelle écossaise de l'humanité et la théodicée allemande de l'histoire constituent, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, trois tentatives majeures visant à résoudre ce problème. Mais toutes trois s'élaborent en fonction de circonstances spécifiques de sorte qu'il ne s'agit ni du même sens ni des mêmes faits, encore moins de la même articulation entre sens et faits. Le présent travail a pour objet la comparaison systématique et minutieuse de ces trois entreprises dont les solutions se révèlent, à leur tour, aporétiques ce qui ne signifie pas stériles.
En régressant à de telles sources, on ne découvre pas seulement à quel point les catégories de « philosophie de l'histoire » et d'« historicisme », telles qu'elles sont manipulées aujourd'hui, sont des leurres. On peut aussi éclairer notre étrange impuissance à penser le futur, c'est-à-dire à élaborer un horizon d'expectative cohérent (quand bien même illusoire) sur lequel appuyer la maîtrise du présent.
Alphonse Leroy (1742-1816), bien connu de ses contemporains comme médecin aux opinions tranchées et tranchantes, commença une prolixe carrière d'écrivain médical avec ces Recherches sur les habillemens des femmes et des enfans. Dans cet ouvrage, il rassemble remarques, préceptes, exposés techniques et envolées lyriques à propos de la petite enfance, de l'anatomie, de la nature humaine, de la force de caractère et du danger des modes. Le vêtement, des langes au corset, en passant par la ceinture et le bonnet, lui paraît en effet au coeur des pratiques sociales ; cette protection du corps devient un péril lorsque les conventions contredisent la nature. La « nouvelle révolution », que guide Leroy, apportera le bonheur à tous : le jeune médecin dénonce la perversion des contraintes vestimentaires pour mieux persuader ses lecteurs d'une nécessaire réforme de leurs pratiques.
Le projet de Leroy soulève les questions de son époque sur la nature, la famille et la santé publique. Le nouveau-né peut-il survivre sans des soins éclairés par la médecine ? Les habitudes sociales nuisent-elles à l'organisme ? Le médecin a-t-il pour rôle d'éduquer la société ? Lui seul en effet connaîtrait tout autant la nature que les usages et les mirages de la culture.
Le Cid connaît depuis toujours un succès constant : le public goûte l'amour des deux protagonistes, les vers de Corneille mais surtout les qualités héroïques de Rodrigue. La pièce, portée aux nues dès 1637, se constitue ainsi en mythe littéraire tandis que son héros incarne pour les spectateurs comme pour la critique l'image d'un idéal humain représentatif de toute son époque.Pourtant, une lecture attentive du théâtre du XVIIe siècle révèle pour ses personnages un tout autre visage que celui du glorieux Cid. Elle invite même à penser que l'exégèse, aveuglée par le succès de Rodrigue, a transformé un cas unique en paradigme d'étude. Comment comprendre, alors, que la critique en soit venue à lui accorder une telle prééminence et que cette importance donnée à Rodrigue exerce une profonde influence sur nos représentations critiques comme sur notre élaboration de l'histoire littéraire ?
Le recueil des Abus, paru sous la griffe d'Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793), présente une suite d'articles et contes satiriques dans la lignée de ceux de L'Arretin. Cela va du portrait ridiculisant à la parodie anticléricale en passant par la farce scatologique, le tout sur fond de pochade philosophique. Jamais réédité depuis 1793, l'ouvrage original soulève plusieurs interrogations de par sa conception et son contenu, notamment sur l'initiative de la publication, le choix des textes, la date exacte de parution, la diatribe de l'épître où l'on porte atteinte à l'intégrité de Rousseau... Autant d'éclaircissements que nous tentons d'apporter dans l'introduction à cet assortiment de textes conforme à l'édition d'origine, présenté ici en graphie modernisée.
Dulaurens, abbé malgré lui et fugitif des Lumières, a été l'un des garnements littéraires les plus redoutables du XVIIIe siècle. La plupart de ses écrits, dont celui-ci, ont été condamnés au feu par les tribunaux civils et religieux, et à la vindicte des élites de plume. Il fut le mouton noir d'une Église qui ne lui pardonna rien autant que le trouble-fête des auteurs les plus en vue, mais aussi le chérubin d'un lectorat féru d'impertinences et autres désobéissances piquantes. Hélas, l'auteur en exil finira par être arrêté. En 1767, le tribunal ecclésiastique de Mayence le condamne seulement à la réclusion perpétuelle, eu égard à sa folie reconnue. Les Abus est l'un de ses derniers titres publiés, ultime réponse en forme de pied de nez à la condamnation de ce malheureux, mais tellement attachant, rejeton de Candide.
La première modernité a établi un dialogue entre les diverses formes d'expression que sont la peinture, la sculpture, l'architecture, la poésie, la musique, la danse, voire la mode vestimentaire. Celles-ci constituent autant de membres échangeant dans cette république artistique faisant figure de pendant à la République des lettres. Alors que s'édifient les premières institutions consacrées à l'enseignement des arts, créant une distinction entre les beaux-arts et les corporations d'artisans et apportant une certaine légitimation à l'artiste, la réflexion sur les arts trouve un nouveau souffle dans les théories esthétiques qui se développent à la même époque et qui puisent leur inspiration dans les réflexions sur le rapport entre plaisir et sensations, mettant de l'avant l'expression d'une subjectivité sensible.
À une époque où il est malséant pour les femmes de prendre la parole publiquement pour discuter de matières controversées ou pour formuler la critique de décisions ou de personnages politiques ou religieux, on peut se demander comment, dans les imprimés français de la première modernité, on fait parler une figure féminine ou un groupe anonyme de femmes, surtout lorsque celles-ci sont de basse extraction sociale. Qu'il s'agisse de locutrices agissant comme protagonistes au sein d'un récit ou d'un « je » féminin qui semble se confondre avec une instance auctoriale, ces « voix » féminines présentent une grande diversité d'ethe. Quels types de personæ les ventriloques qu'il s'agisse de rédacteurs féminins ou masculins élaborent-ils dans leurs écrits ? Le travestissement textuel, c'est-à-dire les phénomènes de ventriloquie entendue ici métaphoriquement, soulève plusieurs interrogations relatives à l'auctorialité féminine.
Les pages lumineuses que le regretté Jean Starobinski consacre aux Rêveries du promeneur solitaire incitent le lecteur à se glisser dans l'ouvrage avec confiance, sans trop s'alarmer de ses évidents paradoxes, au premier titre celui d'une expérience intérieure de la rêverie qui est pourtant soumise à l'extériorité par l'écriture. Car telle serait la rêverie chez Rousseau : non pas l'acte de cesser de penser, mais l'expérience de seulement penser, sans les médiations du savoir ou des autres ; un pur jaillissement avec sa durée propre, où la pensée ne se laisserait distraire ni par des contenus de connaissance ni par le souci du comment dire. Cette conversation de l'homme désocialisé avec lui-même, qui l'ouvre sur des réalités morales inaccessibles à l'homme corrompu, resterait une tâche sans doute - une sorte d'exercice spirituel - mais elle ne reposerait désormais sur rien d'autre que le sentiment intérieur. Si le sentiment de l'existence dit la vérité de l'aventure rousseauiste, il garde son énigme en prenant dans les Rêveries la forme d'une parole énoncée dans la quasi-solitude, qui n'évite la dénaturation qu'en restant adressée à soi seul. Les articles réunis dans le présent volume entendent proposer une contribution à cette question et ainsi, du moins est-ce le souhait qui traverse ces lignes, affiner le goût du lecteur et relancer son étonnement.
Que « tout parle » en l'ouvrage de La Fontaine ne doit pas tromper sur ses intentions élégamment tournées en vers joueurs. Les fables (« choses de paroles », selon leur étymologie) sont des histoires de gueules ouvertes et de dents acérées, l'animal fût-il doté du propre de l'homme : le langage. Car la faculté de parler y rencontre le plaisir de manger, dont elle est le prolongement au bout de la langue. La raison du plus fort se donne les raisons de souiller l'innocence pure ; la parole arme la violence et la méchanceté qui séparent des autres. Langage et pouvoir font cause commune dans ces contes âpres, criblés de loups cruels, de seigneurs voraces ou de moucherons vengeurs qui ruinent tout espoir dans l'élan civilisateur du discours et dans le profit pacificateur de la rhétorique. Par l'articulation du pouvoir et de la parole, La Fontaine fouille l'étendue de nos désirs, parcourt par maintes voies éperdues le passage de la nature à la culture, l'État, le droit, marqués par l'exercice des forces. Il passe au tamis de son anthropologie négative l'homme dans son rapport hostile au monde qu'il parasite des bruits du conflit ; et il conclut à l'hypocrisie, au leurre des solutions politiques.Ce faisant, le fabuliste se demande pourquoi parler aux hommes qui n'entendent que leurs passions, et si même la fable ne serait pas, elle aussi, compromise avec le pouvoir. À quoi sert d'écrire ? À rien peut-être sinon à l'essentiel : se laisser prendre, sans abandonner la lucidité, au charme des fictions, à s'engager dans l'alternative de l'imagination.
La recension - ou compte rendu critique - a une longue histoire que rappelle l'avant-propos de ce livre : « Regards rétrospectifs ». Depuis ses origines au XVIIe siècle jusqu'à son expansion avec la naissance de l'histoire littéraire, elle a pris, adossée à l'esprit de modernité, une multiplicité de formes liées au développement de la communication - sites internet et autres ressources médiatiques.
Mais, dans le champ de la recherche historique ou littéraire, il semble qu'elle ait aujourd'hui tendance à s'étioler et à se dégrader sous la pression de plusieurs facteurs : inflation de publications, emprise de l'informatique, bouleversement de la hiérarchie universitaire. Sans être un mausolée ou un cénotaphe, ce recueil singulier et ponctuel se veut un plaidoyer, un rappel et un appel à une résurrection. Si ordinateurs et tablettes rendent plus aisé au chercheur l'établissement d'une bibliographie, la recension critique, minutieuse et élaborée, ne reste-t-elle pas une indispensable et précieuse boussole dans le maquis des publications qui prolifèrent ?
La question du sujet n'en finit pas d'alimenter les plumes des historiens, des philosophes et des littéraires. Si l'on n'affirme plus vraiment que l'individu est l'une des réalisations majeures de la Renaissance européenne, les études les plus récentes persistent à interroger les moyens d'expression d'une subjectivité fuyante. Dans leur continuité, ce volume collectif se propose de reconsidérer le sujet à la Renaissance à travers le prisme de la rhétorique, des formes et des genres. Il entend repenser cette notion problématique en examinant le rôle joué par l'écriture dans la représentation de soi, comme instrument herméneutique, comme outil stratégique d'affirmation ou de dissimulation, comme quête d'une identité d'auteur. Il s'intéresse plus précisément à l'image de soi que construit le texte à destination du lecteur, aux modalités d'une hypothétique « subjectivité littéraire », toujours difficile à identifier et à définir.
Le présent volume d'actes réunit quatorze articles qui tracent un trait d'union entre les jeunes communautés scientifiques française et canadienne. Alors que, dans le courant de l'année universitaire 2014-2015, le séminaire annuel « Polysémie », tenu à l'École normale supérieure de Paris, consacrait sa réflexion annuelle au thème « Dés-ordre(s) », à l'Université de Sherbrooke était organisé un colloque intitulé « Désordres, débats et discordances à l'époque moderne ». Il s'avéra que les deux comités organisateurs partageaient de mêmes principes méthodologiques : tous deux nourrissaient le souhait de faire dialoguer, autour de préoccupations similaires, les intérêts de jeunes chercheurs modernistes issus d'horizons disciplinaires variés (aussi bien historiens que littéraires, philosophes ou historiens de l'art). Aussi, de part et d'autre de l'Atlantique, résolution fut-elle prise de cultiver les fruits communs de ces travaux.
De la simple escarmouche dans une oeuvre fictionnelle jusqu'aux grandes querelles philosophiques en passant par les polémiques à caractère social ou politique, les quatorze contributions issues de ces riches échanges entendent ainsi scruter le désordre dans ses diverses manifestations et ses dimensions multiples. À l'horizon de toutes les formes d'expressions discordantes venant troubler l'ordre établi, sur les plans tant socio-politiques qu'esthétiques, de la littérature aux arts, se dévoile, sous des facettes plurielles, l'esprit inquiet et toujours alerte animant cette période engagée dans la recherche d'elle-même.
Le Journal s'accélère.
Le ton de Siméon-Prosper Hardy se fait en effet un peu plus personnel ; le promeneur un peu plus curieux ; l'observateur un peu plus critique. De cette décennie désormais modelée par une circulation sans précédent des informations de toute nature, et pleinement engagée dans la méfiance et les doléances de tout un chacun, ce volume s'ouvre avec la signature de la paix entre l'Amérique et l'Angleterre (1783) et se termine avec le scandale de l'Affaire du collier (1785).
Sous la plume de Hardy, le lecteur sera témoin, parmi tant d'autres tableaux, de vols de montgolfières et des expériences de Mesmer ; de la mort de Diderot et de celle de d'Alembert ; de l'arrestation du brigand Poulailler et d'une visite scrupuleuse du donjon de Vincennes.
Www.journaldehardy.org
Le théâtre des collèges jésuites constitue l'une des formes les plus mal connues et les plus passionnantes de l'engouement pour l'art dramatique qu'a connue l'Europe des siècles classiques. Le Cyrus du P. de La Rue, un proche de Pierre Corneille, a été représenté en 1679 au Collège de Clermont, actuel lycée Louis-le-Grand à Paris. Membre de l'équipe qui oeuvre alors pour l'instruction du dauphin, fils de Louis XIV, ce jésuite hautement cultivé et fin latiniste produit là un chef-d'oeuvre de la tragédie historique destiné à des représentations organisées dans le cadre de l'enseignement ouvert, pionnier et brillant de la Compagnie de Jésus, qui recrute les enfants de l'élite sociale dans la France de Louis XIV. Traduit pour la première fois en français, introduit, annoté et expliqué minutieusement, ce texte ouvre la porte au lecteur moderne sur un univers pédagogique, intellectuel et culturel qui allie à l'exotisme d'un passé oublié l'actualité brûlante des formes et des moyens offerts à l'éducation et à la formation des jeunes lettrés.
L'ouvrage De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales datant de 1800 est un livre dont l'importance tient au rôle qu'il a joué dans la naissance de l'histoire littéraire et plus généralement des sciences humaines. Germaine de Staël a voulu traiter des relations complexes de la littérature avec la vie sociale.
L'argent, le commerce et les échanges économiques, en tant qu'objets d'études, mobilisent la recherche depuis de nombreuses années. Si pendant un certain temps l'historiographie a privilégié les descriptions économiques et sociales dans un cadre étroit - limité à une localité ou un État -, les chercheurs s'intéressent aujourd'hui aux réseaux d'échange et de commerce internationaux et transnationaux, aux différentes théories économiques, ainsi qu'aux individus au centre de ces échanges. De surcroît, l'examen du commerce, de l'argent et des échanges ne se limite pas à ces déclinaisons pratiques. Les représentations artistiques qui s'attachent aux différents aspects du monde des finances et de sa sphère d'influence constituent un monde en soi. Les figures du bourgeois, du marchand, de l'huissier et de l'avare ont été jouées sur scène, peintes, et mises en fiction à plusieurs reprises. Les participants du XIIe colloque « Jeunes chercheurs » du CIERL ont abordé ces différents aspects de l'argent, du commerce et des échanges sous l'Ancien régime. Les actes issus de ce colloque entendent approfondir les réflexions qui y ont été amorcées. Ces dernières, autant en études littéraires, en histoire, qu'en sciences économiques, ont recouvert un large espace - la France, l'Italie et l'Angleterre - à travers des temporalités diverses - du XVIe siècle jusqu'à la Révolution française.
La colonisation des Antilles a suscité une énorme quantité de textes fort divers : relations de voyage ou de séjour, traités et règlements, histoires morales et naturelles, correspondance officielle et privée... Si les grandes oeuvres publiées au xviie siècle, comme les Relations de Bouton et de Pelleprat ou les Histoires de Rochefort et de Dutertre, sont relativement accessibles et ont été largement utilisées pour comprendre la colonisation des Îles, il n' en va pas de même pour une foule d' écrits officiels ou privés, assez brefs, qui proposent une image fragmentée et souvent plus vivante et diversifiée de la vie et de l' évolution de la colonisation française dans les îles antillaises, avec la régression de la population amérindienne et l' augmentation fulgurante des esclaves africains provoquée par le développement de l' industrie sucrière.
Tous ces textes, établis sur l' original manuscrit ou publié, ont été annotés avec soin. Ils sont précédés d' une chronologie et suivis de divers appendices pour en faciliter la lecture : glossaire, notices biographiques sur les principaux personnages, liste descriptive « Faune et flore », index onomastique et index thématique.
Qui écrit l'histoire ? Quelle histoire écrire ? Comment penser l'histoire ? À quelles fins écrire l'histoire ? Objets de réflexion soumis aux participants du colloque international « Les songes de Clio : Fiction et Histoire sous l'Ancien Régime », organisé du 3 au 6 octobre 2001 à Québec, ces questions programmatiques se recoupent et interfèrent entre elles.
Regroupé sous le signe de la « Poétique de l'histoire », un premier ensemble de textes examine les difficultés qu'éprouvent les auteurs de l'Ancien Régime à penser Clio hors du cénacle de ses soeurs. Un deuxième ensemble s'attache aux « Pratiques de l'histoire », pratiques aux prises avec une volonté nouvelle de « raisonner » Clio, et qui se manifeste par une conscience émergente des spécificités des genres historiques. Ponctuations douloureuses et régulières de l'Ancien Régime, les guerres de religion inaugurent la réflexion sur les « Usages de l'histoire », et permettent de rappeler une ligne de pensée, une manière d'agir qui traverse la Renaissance, le Grand Siècle et les Lumières.
Si les études rassemblées dans ce triptyque sont loin d'épuiser les occasions de dialogue entre l'histoire et la fiction, leur variété d'approches et de sujets, tout en révélant constantes et variations, témoigne en revanche de l'omniprésence de Clio dans l'esprit des lettrés sous l'Ancien Régime.