Des voix s'élèvent de la nuit d'Athènes pour célébrer l'amour. Les invités du banquet d'Agathon - ce sont ses talents de tragédien que l'on fête - livrent tout à tour leur version d'Eros. Le vin lourd et épicé délie les langues. L'invention va atteindre des sommets d'extravagance avec le mythe d'Aristophane. L'intensité dramatique, modulée de main de maître, va crescendo. Enfin, Socrate prend la parole, mais plutôt que de pousser son avantage dialectique, il choisit de rapporter les propos que lui a tenus jadis la prêtresse de Mantinée. C'est unique dans l'oeuvre de Platon, et disons-le rarissime dans l'histoire de la pensée occidentale : c'est à une femme que revient la tâche d'initier le philosophe au mystère de l'amour.
Ce que dit Diotime va changer l'histoire de notre sensibilité ; George Steiner le montre dans la préface : "l' 'Eros authentique est une quête de l'immortalité, notre vie n'est valable que si elle aspire à la vision de la beauté absolue, qui est aussi vérité".
Texte établi et traduit par Paul Vicaire, annoté par François L'Yvonnet.
Préface de George Steiner.
Jamais, peut-être, socrate ne fut aussi tranquille qu'en cette journée particulière qui s'achève par un arrêt de mort .
Le procès, banal par certains côtés (ce n'est ni la première ni la dernière fois que l'on aura la peau d'un homme libre), a pour nous valeur de symbole. il est l'un des événements fondateurs de notre identité intellectuelle : il décidera de la vocation philosophique de platon. l'histoire de la pensée occidentale porte la marque de cette césure : il y a l'avant et l'après socrate. chaque fois qu'une communauté tente, par la censure, l'ostracisme ou le meurtre, de réduire au silence un étranger moral ou intellec tuel à l'intérieur de ses murs, de bâillonner ou d'effacer ses interrogations intolérables, elle vit une heure socratique.
" (george steiner).
« Parmi les royaumes bien organisés et gouvernés de notre temps, il y a celui de France, où l'on trouve une infinité de bonnes institutions, dont dépendent la liberté et la sécurité du roi ; au premier rang desquelles figure le parlement avec son autorité. Parce que celui qui institua ce royaume, connaissant l'ambition des puissants et leur insolence et jugeant nécessaire qu'ils aient dans la bouche un frein pour les corriger, sachant d'autre part fondée sur la peur la haine du populaire envers les grands et voulant rassurer ces derniers, ne voulut pas que ce fût là une attribution particulière du roi, pour lui épargner les éventuels griefs des grands s'il favorisait le populaire et ceux du populaire s'il favorisait les grands ; c'est pourquoi il institua un tiers juge chargé, sans qu'on en fît grief au roi, de battre les grands et favoriser les petits ; institution, celle-ci, qui ne pouvait être ni meilleure ni plus prudente, ni une plus grande source de sécurité pour le roi et le royaume. D'où l'on peut tirer un autre enseignement digne d'être noté, à savoir que les princes doivent faire en sorte que soient administrées par d'autres les choses qui sont matière à griefs, et par eux-mêmes celles qui sont matière à gratitude. Et je conclus une nouvelle fois qu'un prince doit faire cas des grands, mais ne pas se faire haïr du peuple. »
Nous ne parlons pas ici d'un art tranquille et pacifique, qui aime la probité et la modération. Cette grande, cette glorieuse éloquence est la fille de la licence, que les sots appellent liberté, la compagne des séditions, l'aiguillon d'un peuple sans frein ; incapable d'obéissance ou de sérieux, opiniâtre, téméraire, arrogante, ce n'est pas dans une société régie par une bonne constitution qu'elle peut prendre naissance. (Tacite)
Phèdre est un des nombreux dialogues socratiques transmis par Platon. Il y est question de la beauté et de l'amour, entendu comme désir, dans un premier temps, puis de la beauté d'un discours et de la rhétorique dans un second temps. L'amour comme la rhétorique peuvent éléver la beauté de l'âme mais ils peuvent tout aussi bien l'abaisser, en s'attachant seulement au plaisir et à la domination d'autrui. Au contraire, celui qui, à travers l'être aimé ou à travers le beau discours, contemple des idées pures, gagnera en sagesse et en beauté.
Livre de référence pour toute réflexion sur la poésie et sur la théorie littéraire en Europe depuis près de vingt-trois siècles. En examinant l'épopée et la tragédie, Aristote en décrit les structures et en explique les origines et les fins. Ce faisant, il se démarque radicalement de Platon, qui avait banni toute forme de poésie de sa cité idéale.
« Être un homme complet, équilibré, c'est une entreprise difficile, mais c'est la seule qui nous soit proposée. Personne ne nous demande d'être autre chose qu'un homme. Un homme, vous entendez. Pas un ange, ni un démon. Un homme est une créature qui marche délicatement sur une corde raide, avec l'intelligence, la conscience et tout ce qui est spirituel à un bout de son balancier, et le corps et l'instinct et tout ce qui est inconscient, terrestre et mystérieux à l'autre bout. En équilibre, ce qui est diablement difficile. » Ces phrases qu'Aldous Huxley fit prononcer par un des héros de Contrepoint, pourraient servir de résumé au livre que voici.
Dans La Fin et les moyens, publié en 1937, Aldous Huxley développe les conditions et les méthodes d'un véritable humanisme. Comprendre l'homme nécessite d'interroger tout ce qui en lui participe au réel, à la vie de l'intelligence et de la sensibilité, à ses conditions de vie sociale et économique, mais aussi à sa spiritualité. Tout ce qui, aussi, nous aide à formuler nos conceptions du bien et du mal et détermine l'ensemble de nos actions.
Quel est donc le but de ce livre ? Réaliser l'homme tout entier, malgré les pressions idéologiques et sociales de son époque. À partir d'une définition de l'homme «sans attache», guidé par sa seule intelligence et son amour d'autrui, Aldous Huxley propose de manière concrète les moyens pour atteindre la finalité de l'effort humain. Ces moyens ne se limitent pas à une prise de conscience individuelle mais résident aussi dans un cadre politique et social plus juste, dans des réformes, des institutions vraiment humanistes, dans une éducation, enfin, qui libère l'être des préjugés de la pensée toute faite. Par être, Aldous Huxley désigne aussi bien l'enfant que l'adulte : il n'est jamais trop tard pour grandir, approfondir les raisons libres de ses croyances, dresser l'inventaire de ce qui nous paraît acceptable ou inacceptable au-delà de ce qui nous est imposé. Marcher à contre-courant pourrait être la devise de cet immense philosophe pacifiste du XXe siècle qui trace les grandes lignes
Introduction Livres I à XII
Lorsqu'il écrit le Cato Maior, au début de l'an - 44, à l'heure où la République agonisante s'apprête à succomber sous les dagues des assassins de César, Cicéron éprouve cruellement le poids des ans (il a soixante-deux ans).
Il imagine un court dialogue philosophique qu'il situe à l'époque glorieuse de Rome, en - 150. Les jeunes Scipion Émilien et Laelius prennent du vieux et toujours vigoureux Caton (quatre-vingt-quatre ans) une leçon de vie. Les réflexions prêtées à l'ancien censeur de - 184 agissent sur l'auteur de ce traité Sur la vieillesse comme un élixir de jouvence et une consolation dans ses malheurs personnels et ses déceptions politiques.
Des propos forts et clairs, à l'image du caractère bien trempé du personnage principal pour conjurer la peur de vieillir.
Le traité De l'âme est l'un des traités du Corpus aristotélicien qui présente le plus d'unité. Cela pourrait expliquer que son influence a été des plus importantes tant dans l'Antiquité qu'au Moyen Âge - grâce à la médiation des philosophes musulmans, de leurs commentaires et interprétations - et aux temps modernes.
Ce qui, pour l'époque contemporaine, constitue la psychologie est, aux yeux d'Aristote, une partie de la physique. Cette science étudie les effets des êtres soumis au mouvement, au changement, et en premier lieu les vivants. L'âme est d'abord la vie, ou plutôt le principe de vie.
Pour la plupart des gens, le nom de Zarathoustra n'évoque guère plus que le titre d'un livre de Nietzsche, et le zoroastrisme au mieux un dualisme opposant les deux principes du Bien et du Mal. Sur la figure historique de Zarathoustra, sur les grands principes de la religion dont il fut le prophète, sur les pratiques des communautés zoroastriennes pourtant établies dans le monde entier, les sources sont si difficiles d'accès que leur lecture et leur interprétation sont généralement réservées aux seuls spécialistes. Dans ce court ouvrage, Michael Stausberg, professeur de sciences religieuses et spécialiste du zoroastrisme, démontre qu'il est possible de dresser une synthèse claire et accessible de ces questions.
Zarathoustra a-t-il existé, quand et où a-t-il vécu ? Quels sont les textes sur lesquels reposent sa religion et que disent-ils ? Quelles sont les principales notions et figures qui composent le panthéon zoroastrien ? Quels sont les importants rituels - cérémonies funéraires ou rites d'initiation - et les fêtes qui rythment le calendrier zoroastrien ? Enfin qui sont les zoroastriens, aujourd'hui et dans l'histoire ?
Les ouvrages en français traitant du sujet sont anciens (J. Varenne, Zarathusthra, 1966, P. du Breuil, Le Zoroastrisme, 1982) et reposent sur un comparatiste indoeuropéen, déduisant du védisme l'essentiel de leurs conclusions sur le zoroastrisme. Ils ignorent les importants travaux d'édition et de traduction de textes avestiques et moyen-perses menés depuis lors, ainsi que les études plus ethnographiques auprès des communautés, qui permettent de connaître le zoroastrisme de l'intérieur.
Le 8 juin 1978 Alexandre Soljénitsyne disait aux étudiants de l'université de Harvard :
« Non, je ne peux pas recommander votre société comme idéal pour transformation de la nôtre. (.) Nous avions placé trop d'espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu'on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l'Est, c'est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l'Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n'est même pas le fait du monde éclaté, c'est que les principaux morceaux en soient atteints d'une maladie analogue. »
Il est des lieux que la plupart des hommes évitaient depuis des millénaires et devant lesquels ils éprouvaient peur et effarement : les montagnes, les océans, les forêts, les volcans. Inhospitaliers, hostiles, désolés, ils font songer à la mort et leur démesure humilie, leur puissance menace : ils rappellent à chacun son existence précaire et passagère.
Après avoir détaillé les enjeux philosophiques de la notion de sublime associée à la nature sauvage, Remo Bodei évoque ces lieux dans lesquels le sublime s'incarne. Les montagnes par leur verticalité ont ainsi fréquemment représenté l'allégorie du sacré. A la fin du XVIIe siècle, les voyageurs anglais du Grand Tour expriment leur fascination pour les Alpes, un « spectacle horrible et beau ». Avec le romantisme, l'âme du contemplateur frissonne avec la nature. Cependant Hegel, déjà, s'inscrit dans une logique nouvelle de domination technique des montagnes. Avec lui, le sublime migre de la nature à l'Histoire.
L'Océan a longtemps effrayé. Et le port était espéré comme un havre de paix. Ce n'est plus le cas au XIXe siècle comme le montre Baudelaire dans « Le Voyage » : la modernité s'accommode de l'errance. Les forêts ont longtemps été considérées comme dangereuses, inquiétantes, puis elles ont été domestiquées et l'Homme s'est contenté d'y éprouver le frisson du sacré en plein midi ou au crépuscule. Les volcans sont sublimes en ce qu'ils combinent l'élévation verticale et les entrailles inquiétantes. Le désert, lieu de solitude nous invite aussi à la solitude intérieure.
Nous vivons un temps troublé. Que faire pour sortir de l'impasse ? Peut-être un pas de côté, non pour fuir la réalité mais pour considérer nos problèmes sous des angles nouveaux, inattendus, échapper au flot des lieux communs en tâchant de mettre de l'ordre dans le désordre qui nous entoure.
Tel est l'objectif que poursuivent ces courts essais. Sans prétendre apporter des réponses définitives, ils éclairent nos problèmes, les plus personnels - qu'est-ce que le bonheur ? qu'est-ce qu'être soi-même ? - comme les plus partagés de notre époque - la mondialisation, les fake news.
Tantôt parcourant des sentiers battus, tantôt frayant des voies nouvelles, ils font entendre des voix devenues souvent inaudibles dans le tintamarre de l'actualité, peut-être aussi contradictoires - pourquoi pas ? En vertu de quoi devrions-nous toujours aller sans délai vers une conclusio
Le présent volume rassemble une édition du texte grec, une traduction et un commentaire linéaire de l'Ion de Platon. Ce dialogue est un document inestimable sur la pratique des anciens rhapsodes, qui allaient de cité en cité déclamant les grandes oeuvres épiques et se présentaient à des concours où ils étaient honorées de prix fastueux. Nous avons peu de traces anciennes pour nous approcher de ces moments particulièrement prisés de la vie des cités grecques de l'Antiquité. Le jeune Platon nous offre pourtant une fenêtre sur ce phénomène en décrivant la rencontre, peut-être fictive, entre Socrate et Ion, un rhapsode spécialisé dans la récitation d'Homère, et couronné de succès. C'est l'occasion de voir naître l'enquête platonicienne comme une philosophie des pratiques, attentive à tous les traits de l'activité du rhapsode et curieuse de comprendre ce qu'un tel homme devrait savoir pour dire et faire ce qu'il dit et ce qu'il fait. La méthode est riche : elle consiste à proposer à un praticien différentes représentations de son activité qui permettraient d'étayer le type de savoir qu'elle suppose.
Même si Ion échoue à se reconnaître tout à fait dans chacun des miroirs qui lui sont tendus, le dialogue nous offre, à chaque pas, de précieuses informations sur la façon dont on percevait l'art du rhapsode au début du IVe siècle avant J.- C., à l'heure où les concours musicaux réjouissaient encore les Anciens.
Petits traités d'histoire naturelle De la sensation et des sensibles. De la mémoire et de la réminiscence. Du sommeil et de la veille. Des rêves. De la divination dans le sommeil. De la longévité et de la vie brève. De la jeunesse et de la vieillesse. De la respiration. De la vie et de la mort.
Les Petits traités d'histoire naturelle (Parva naturalia) d'Aristote traitent tout à la fois de la sensation, de la mémoire, de l'apparition des rêves et de leur signification, mais aussi de la longévité des animaux et des plantes, de la respiration, de la vie et de la mort. Derrière cette apparente diversité, se dessine une question essentielle qu'Aristote ne pose nulle part ailleurs avec autant de précision : quels liens faut-il établir entre l'étude des représentations et la connaissance du vivant ?
Prolongeant les analyses du traité De l'âme, ces opuscules sont des textes fondateurs dans l'histoire de la psychologie et ils formulent des hypothèses décisives pour la philosophie de la connaissance.
En quoi un dialogue renouvelé entre les deux cultures, les sciences et les humanités, prolongeant celui dessiné par Charles Percy Snow en 1959, peut-il être d'une extraordinaire fécondité et permettre d'aborder des questions traditionnelles de philosophie politique sous un jour tout à fait nouveau ?
Sir Charles Snow, homme de sciences et homme de lettres, parle pour la première fois du fossé qui sépare les deux cultures (la culture traditionnelle, littéraire, et la culture scientifique) lors d'une conférence à Cambridge en 1959. Ce fossé, lié au problème de la spécialisation abusive, devrait être comblé d'urgence pour obtenir de notre civilisation technologique le maximum d'avantages, et pour les faire partager aux classes et aux pays sous-développés.
On entend souvent prononcer les mots d'humanisme et de liberté. C'est d'abord qu'humanitas et libertas sont liées par des rapports pratiques, historiques et philosophiques très profonds. On se doute que des valeurs aussi vitales dans la culture européenne ont toujours besoin d'être étudiées pour être défendues. Voilà précisément la fonction que l'auteur reconnaît aux intellectuels humanistes. Si telle est leur utilité, loin de constituer une catégorie nouvelle, les intellectuels humanistes ont toujours existé depuis Pic de la Mirandole et depuis Érasme. Mais mieux vaudrait demander : qui sont-ils actuellement ? Ils appartiennent à ces travailleurs de l'esprit, chercheurs, professeurs, savants, confrontés à leur condition d'intelligences modernes assiégées par l'économie. Ils sont les premiers concernés par l'inexorable métamorphose des institutions du savoir, universités et autres, censées garantir la liberté de penser. Depuis que celles-ci ont franchi le cap qui sépare leur devoir-être humaniste du règne des purs échanges techniques, elles n'opposent plus aucune résistance à la rentabilité où une idée, fût-elle la libertas, vaut son seul prix d'objet marchand.
Dans ce livre la théorie mène à la pratique. Cette recherche définit la liberté d'esprit et parle pour elle en compagnie des grands précurseurs de la Renaissance. Avec eux et souvent dans leur sillage figurent quelques noms prestigieux de l'humanisme intellectuel du XXe siècle : Aby Warburg, Alfred Weber, Erwin Panofsky, Edgar Wind, Eugenio Garin ou Ezio Raimondi. À entrer dans leur pensée et à les écouter, le lecteur retrouve sa propre liberté d'esprit.
Il existe peu d'histoires de la philosophie en français, et celles que l'on peut lire s'adressent à des spécialistes ou à des étudiants.
L'oeuvre de Bertrand Russell, en revanche, est accessible à tous, sans que pour cela l'exposé des différents systèmes perde en quoi que ce soit de son exactitude et de sa rigueur. C'est donc un tableau cohérent et complet de la philosophie occidentale, de l'Antiquité à nos jours que "l'honnête homme" trouvera ici. Complet, cela va de soi, car l'érudition de l'auteur ne saurait être mise en défaut. Cohérent, car une pensée sous-entend et anime cet ouvrage, cette pensée que les philosophes sont à la fois des effets et des causes : ils sont les effets des circonstances sociales, de la politique et des institutions de leur temps ; ils sont la cause (s'ils sont heureux) des nouvelles croyances qui façonneront la politique et les institutions des âges futurs.
Cet ouvrage capital de Bertrand Russell, grand penseur anglais, Prix Nobel 1950, a un double caractère : non seulement il est nourri de pensée comme un livre de philosophie, mais il se lit avec tout l'intérêt qu'on apporte à un livre d'histoire. Redisons-le, c'est une oeuvre qui pourra, et devra, figurer dans la bibliothèque de tout "honnête homme". Bertrand Russell est le plus éminent philosophe britannique du XXe siècle, qui apporta des contributions décisives dans les domaines de la logique et de l'épistémologie.
Ses principes éthiques, qu'il incarna à travers ses engagements politiques.
On a pu dire de l'oeuvre considérable de George Steiner qu'elle tourne tout entière autour du langage, de son sens et de ses conséquences morales et religieuses. On le verra en lisant cet ouvrage écrit voici quarante ans par l'auteur de Après Babel et Réelles présences et qui, dans un style clair et rigoureux, analyse les menaces qui pèsent sur le langage, sur la position du poète face à la barbarie et la survie d'un sens lié à la culture occidentale. Les humanités survivront-elles ? Chacun sait que la réponse est un combat qui ne cessera jamais.
La philosophie, qui, à cette époque, se réduit pour l'essentiel au platonisme, est devenue une méthode pour détourner l'âme du sensible et l'unir à Dieu, par le moyen des vertus, de la connaissance, en particulier la théologie, et de l'ascèse. Les historiens de la piété ancienne ont salué l'écriture totalisante et la haute spiritualité de cet opuscule, école de relation à soi, aux autres et au divin, qui jette une lumière renouvelée sur les mutations profondes de la philosophie au seuil du IVe siècle, et cela avant que ne vienne l'âge d'or de la littérature chrétienne et de la domination politique et culturelle du christianisme.