En 1924, Hannah Arendt a 18 ans. C'est une jeune étudiante avide de savoir, avec des yeux rayonnants et une intelligence vive comme l'éclair. Elle rencontre Martin Heidegger, 34 ans, marié et père de famille, qui enseigne la philosophie à l'université de Marbourg. Introverti, plein de fureur mais aussi d'une surprenante modestie, il attire à son cours les étudiants les plus prometteurs. Comme l'expliquera Arendt, "la rumeur le disait: la pensée est redevenue vivante, les trésors de la culture qu'on croyait morts reprennent sens. Il y a un maître, il est peut-être possible d'apprendre à penser". Entre eux débute alors une liaison durable et turbulente où l'amour et la philosophie vont s'entremêler, et que rien, pas même la guerre, n'entamera.
Alors que Napoléon est occupé à faire l'Histoire, que Goethe fait éclore Faust et que Hegel esquisse son système philosophique, Friedrich Hölderlin, le grand poète allemand, sombre dans ce qui est peut-être la folie la plus célèbre de l'histoire de la littérature. Est-ce pour le plaisir de s'infliger un confinement de 36 années qu'Hölderlin vivra en reclus jusqu'à sa mort, locataire d'un charpentier dans une tour surplombant le Neckar ? Sa vie se divise exactement en deux moitiés : 36 ans de 1770 à 1806 et 36 ans de 1807 à 1843. Si dans la première moitié le poète vit dans le monde et participe dans la mesure de ses forces aux événements de son temps, la seconde moitié de son existence se passe entièrement en dehors du monde, comme si un mur le séparait de toute relation avec les événements extérieurs. Pour notre époque qui perd de vue la distinction entre les sphères, la vie d'Hölderlin est la prophétie de quelque chose que son siècle ne pouvait penser sans frôler la folie.
Traduit pour la première fois en français et accompagné d'une introduction de Jacques Le Rider, Le Langage permettra au public français de découvrir un texte important et représentatif de la pensée et de la personnalité de Mauthner dont, jusqu'à présent, aucune oeuvre théorique n'avait été traduite en français. Cet ouvrage permet de comprendre au plus près le scepticisme radical de Mauthner qui s'affirme des Contributions à une critique du langage au Dictionnaire de la philosophie. C'est au printemps 1906 que Martin Buber a proposé à Mauthner de rédiger un volume sur Le langage pour sa collection La société (Die Gesellschaft), afin de récapituler les thèses de ses Contributions à une critique du langage et de dégager de nouvelles perspectives sociolinguistiques. Mauthner insiste sur le caractère contraignant de la langue qu'il considère comme un facteur décisif du conditionnement social et culturel des individus. Il s'agit du condensé le plus clair et concis que Mauthner ait donné de ses thèses qui ont marqué de nombreux intellectuels au XXe siècle parmi lesquels Landauer, Hofmansthal, Wittgenstein, Hugo Ball, Döblin et les avant-gardes des années 1968, mais aussi Borges, Joyce, Beckett et George Steiner.
Jacques Le Rider a publié une biographie intellectuelle de Fritz Mauthner aux éditions Bartillat.
Cet ouvrage qui parut originellement en 1940 est le premier à reconnaître l'existence d'une philosophie de Giacomo Leopardi, alors même que les voix les plus autorisées de l'époque lui refusaient cette dimension. Dans un ouvrage d'une grande élégance d'écriture, Adriano Tilgher nous convie à un voyage dans la pensée léopardienne, selon les étapes que constituent les grands thèmes de la réflexion du poète. Le lecteur se rendra aisément à l'évidence que ces thèmes sont toujours les nôtres.
Bruno Latour est un des philosophes contemporains les plus influents. Ses études ethnographiques ont révolutionné notre compréhension des sciences, du droit, de la politique et de la religion. Il nous propose une philosophie et une approche des sciences sociales radicalement nouvelles, fondées sur un point de vue réaliste, matérialiste sur le monde.
Dans ses livres fondateurs, il proposait de renoncer aux vieilles distinctions propres à la pensée « moderne » occidentale - en particulier entre nature et société - au profit d'une nouvelle description du monde dans lequel nous vivons. Elle l'a conduit à accorder une importance considérable à la crise écologique et au rôle des sciences en démocratie.
La « philosophie empirique » de Latour a évolué au fil du temps. Gerard de Vries expose avec clarté le cheminement et la logique de tous les travaux et enquêtes qu'il a menés au cours des quarante dernières années. Il nous guide à travers ses principaux livres depuis ses premiers travaux sur les sciences et les techniques jusqu'à son anthropologie des Modernes (de Pasteur à Gaïa), montrant la façon dont ses idées se sont développées et les controverses qu'elles ont provoquées.
Sans conteste, Jürgen Habermas est l'un des derniers intellectuels majeurs au niveau international. « Défenseur de la modernité » et « conscience publique de la République fédérale », il est aussi un éminent penseur de l'Europe.
Par ses monographies et nombreux articles, recueillis en volumes, traduits dans plus de quarante langues, il s'est acquis, en tant que philosophe, une réputation mondiale et, en tant qu'auteur, il a reçu un écho qui excède de loin le monde académique. Un tel constat conduirait aisément à en inférer que sa biographie devrait au fond être celle de son oeuvre. Mais si cette vie fascine, c'est qu'elle ne peut aucunement se résumer à une pile de livres savants.
En effet, Habermas a toujours plus quitté l'espace protégé de l'univers académique pour endosser le rôle du polémiste pugnace, et peser de cette façon sur l'histoire des mentalités de l'Allemagne et de l'Europe. Aussi l'ouvrage de Stefan Müller-Doom, à qui l'on doit déjà une biographie d'Adorno (Gallimard, 2004), noue-t-il deux trames : d'une part la description des allers-retours sinueux entre activité professionnelle principale et activité seconde, et d'autre part l'interdépendance entre les évolutions de la pensée du philosophe et les interventions de l'intellectuel public dans le contexte de son temps.
L'action conjuguée de la réflexion philosophique et de l'intervention intellectuelle, qui caractérise l'activité de Jürgen Habermas, explique que cette biographie soit celle tant d'une vie que d'une oeuvre en devenir perpétuel.
Traduction, introduction et notes par Philippe Büttgen.
Une conversion du christianisme à l'islam à la n du XVIe siècle.
L'Adam Neuser de Lessing rapporte un cas de conversion du christianisme à l'islam à la n du XVIe siècle. Réalité, apparence, enjeu ? Lessing tient pour vraisemblable que le pasteur réformé Adam Neuser (v.
1530-1576) s'est prêté à une « comédie » de conversion au terme d'une longue migration qui l'a conduit de Heidelberg à Constantinople, et en même temps s'interroger sur les motivations d'un apparent soutien d'un protestant au sultan Selim II, promu lui et les Turcs défenseur possible des antitrinitaires allemands opprimés et espérant une victoire militaire turque sur l'Empire.
Ce texte étonnant, un des plus forts des Lumières, nous rappelle qu'il y eut un temps où les esprits libres migraient vers Istanbul ; un temps aussi où c'est d'Europe qu'on fuyait les con its religieux. Publier l'Adam Neuser aujourd'hui, c'est donner à voir deux choses : la longue durée des relations entre religion et migration, en Europe et hors d'Europe, et la diversité des trajets migratoires, jamais à sens unique. À l'aube des célébrations du cinquième centenaire de la Réforme (1517-2017), le récit de la conversion d'un pasteur à l'islam pourra donner un tour moins triomphaliste aux festivités attendues.
Mais que savons-nous réellement du plus grand iconoclaste de la philosophie, Friedrich Nietzsche ?
Nietzsche considérait que toute philosophie est autobiographique. Alors, dans cette biographie bouleversante, Sue Prideaux fait découvrir aux lecteurs l'univers de cet homme brillant, excentrique et profondément troublé. Elle revient sur les événements et les personnes qui ont façonnée sa vie et son oeuvre. De son éducation paisible et pieuse - assombrie par la mort mystérieuse de son père - à sa carrière d'enseignant, en passant par ses retraites philosophiques au sommet de hautes montagnes et son égarement déchirant dans la folie, Prideaux documente la vie intellectuelle et émotionnelle de Nietzsche avec la perspicacité et la sensibilité d'une romancière.
Je suis de la dynamite ! est la biographie essentielle pour quiconque cherche à comprendre le philosophe le plus incompris de l'histoire.
Ce livre issu d'une série de discussions critiques à Berkeley et à Paris , est la première tentative d'ensemble pour établir la cohérence d'une des pensées majeures de notre temps, en la comprenant dans son temps. L'oeuvre de Michel Foucault est ici appréhendée dans son projet fondamental : constituer une méthode d'analyse de l'être humain en société dans la société d'aujourd'hui. L'interprétation chronologique des étapes du parcours permet de suivre la façon dont s'est affiné l'instrument et précisé le diagnostic ; en même temps qu'elle interroge les rapports de Foucault avec Nietzsche, Heidegger, Wittgenstein et Kuhn.
Les auteurs identifient un centre organisateur de l'oeuvre ; ce qu'ils appellent le «bio-technico-pouvoir», principe politique, de mise en ordre de tous les domaines de la vie. L'originalité de Foucault au plan de la méthode résidant, selon eux, dans la combinaison critique du point de vue du sujet et du point de vue de l'objet, de l'herméneutique et du structuralisme.
La leçon de Foucault est que nous n'avons plus rien à attendre ni d'une fausse connaissance objective ni des illusions de la subjectivité pure, mais tout à apprendre et à comprendre d'une généalogie des pratiques qui nous ont faits ce que nous sommes. C'est pourquoi, dit Foucault, «la philosophie est entièrement politique et entièrement historique, c'est la politique immanente à l'histoire et l'histoire immanente aux politiques».
Depuis sa parution en 1992, aux Etats-Unis, ce livre dérangeant nourrit d'interminables controverses autour de la vie et de l'oeuvre d'un des philosophes les plus importants du siècle. A-t-on le droit de prendre au mot Michel Foucault et de considérer sa pensée en recréant le parcours passionné d'un homme exceptionnel ?
Au lecteur français de juger.