« Je me révolte, donc nous sommes », affirme Albert Camus.
La révolte est le seul moyen de dépasser l'absurde. Mais le véritable sujet de L'Homme révolté est comment l'homme, au nom de la révolte, s'accommode du crime, comment la révolte a eu pour aboutissement les États policiers et concentrationnaires du XXe siècle. Comment l'orgueil humain a-t-il dévié ?
De violentes polémiques ont accompagné la sortie de cet essai.
Les contemporains de Camus n'étaient pas mûrs pour admettre des vérités qui s'imposent désormais et mettent L'Homme révolté en pleine lumière de l'actualité.
Avec un immense talent, Stéphane Varupenne donne corps à cette réflexion essentielle sur la révolte, qui reste d'une actualité farouche.
« C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dès l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée... Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été sous ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. »
Seul l'Occident moderne s'est attaché à classer les êtres selon qu'ils relèvent des lois de la matière ou des aléas des conventions. L'anthropologie n'a pas encore pris la mesure de ce constat : dans la définition même de son objet la diversité culturelle sur fond d'universalité naturelle, elle perpétue une opposition dont les peuples qu'elle étudie ont fait l'économie.
Peut-on penser le monde sans distinguer la culture de la nature ? Philippe Descola propose ici une approche nouvelle des manières de répartir continuités et discontinuités entre l'homme et son environnement. Son enquête met en évidence quatre façons d'identifier les « existants » et de les regrouper à partir de traits communs qui se répondent d'un continent à l'autre : le totémisme, qui souligne la continuité matérielle et morale entre humains et non-humains , l'analogisme, qui postule entre les éléments du monde un réseau de discontinuités structuré par des relations de correspondances ; l'animisme, qui prête aux non-humains l'intériorité des humains, mais les en différencie par le corps ; le naturalisme qui nous rattache au contraire aux non-humains par les continuités matérielles et nous en sépare par l'aptitude culturelle.
La cosmologie moderne est devenue une formule parmi d'autres. Car chaque mode d'identification autorise des configurations singulières qui redistribuent les existants dans des collectifs aux frontières bien différentes de celles que les sciences humaines nous ont rendues familières.
C'est à une recomposition radicale de ces sciences et à un réaménagement de leur domaine que ce livre invite, afin d'y inclure bien plus que l'homme, tous ces « corps associés » trop longtemps relégués dans une fonction d'entourage.
"En définissant le paysage comme "la partie d'un pays que la nature présente à un observateur", qu'avons-nous oublié ?
Car l'espace ouvert par le paysage est-il bien cette portion d'étendue qu'y découpe l'horizon? Car sommes-nous devant le paysage comme devant un "spectacle"? Et d'abord est-ce seulement par la vue qu'on peut y accéder - ou que signifie "regarder"?
En nommant le paysage "montagne(s)-eau(x)", la Chine, qui est la première civilisation à avoir pensé le paysage, nous sort puissamment de tels partis pris. Elle dit la corrélation du Haut et du Bas, de l'immobile et du mouvant, de ce qui a forme et de ce qui est sans forme, ou encore de ce qu'on voit et de ce qu'on entend... Dans ce champ tensionnel instauré par le paysage, le perceptif devient en même temps affectif ; et de ces formes qui sont aussi des flux se dégage une dimension d'"esprit" qui fait entrer en connivence.
Le paysage n'est plus affaire de "vue", mais du vivre.
Une invitation à remonter dans les choix impensés de la Raison ; ainsi qu'à reconsidérer notre implication plus originaire dans le monde." François Jullien.
« C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dès l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée... Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été sous ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. »
« C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dès l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée... Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été sous ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. »
Ce livre est une création. Il est formé de textes qui n'avaient jamais été réunis par leur auteur, alors qu'ils composent bel et bien un livre, et un livre d'un intérêt exceptionnel. Il offre l'exemple rare d'une réflexion philosophique menée à l'épreuve de l'actualité. L'auteur, Charles Renouvier, l'un des philosophes français les plus importants du XIX? siècle, est en effet un philosophe engagé avant la lettre. Grand militant de la cause républicaine, il s'en est fait le défenseur en même temps que le penseur dans un moment fécond de l'histoire de France, la décennie 1870, qui voit l'installation et l'enracinement durable, cette fois, de la République, la III? du nom. Il a fondé pour ce faire une revue, en 1872, la Critique philosophique, qu'il rédigeait presque à lui seul et qui accompagne, mois après mois, la difficile gestation du nouveau régime.Constatant la confusion et le flottement des idées du personnel républicain dans un contexte particulièrement tendu et troublé, il s'efforce de dégager une doctrine cohérente de la conduite à tenir vis-à-vis des institutions qui se cherchent. Une doctrine qu'il appelle justement «criticisme», en référence à la pensée kantienne. Dans cet esprit, il s'emploie aussi bien à éclaircir les principes fondamentaux engagés dans l'entreprise qu'à définir une méthode d'action politique ou à clarifier les enjeux des luttes politiques du moment, sans oublier de plaider pour les réformes qui s'imposent. Des modes de scrutin aux rapports entre l'Église et l'État, en passant par la décentralisation ou l'organisation de l'enseignement, ce sont toutes les questions brûlantes auxquelles est confronté le régime naissant qui se trouvent examinées à la lumière de leurs enjeux théoriques.Cet exercice de philosophie appliquée compose ainsi un véritable «traité de la République» qui éclaire de l'intérieur la signification d'un processus trop souvent réduit à un heureux produit des circonstances. Il permet d'y reconnaître un authentique moment philosophique.
Dispersé jusqu'à présent en trois volumes, Les origines du totalitarisme retrouve son unité dans la réunion des trois parties qui le constituent. L'ensemble est accompagné d'un dossier critique qui donne à la fois des textes inédits préparatoires ou complémentaires aux Origines, comme «La révolution hongroise», un débat avec Eric Voegelin, des extraits de correspondances avec Blumenfeld et Jaspers.
Pour Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, des correspondances avec Jaspers, Blücher, Mary McCarthy, Scholem éclairent l'arrière-plan de l'écriture de l'ouvrage et la violente polémique qu'il a suscitée.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Loup Bourget, Robert Davreu, Anne Guérin, Martine Leiris, Patrick Lévy et Micheline Pouteau et révisé par Michelle-Irène Brudny-de Launay, Hélène Frappat et Martine Leibovici. Édition publiée sous la direction de Pierre Bouretz.
Ce volume contient :
Introduction, par Philippe Raynaud La Condition de l'homme moderne - De la révolution - La Crise de la culture - Du mensonge à la violence Glossaire des principaux concepts
Oeuvre maîtresse de la seconde manière wittgensteinienne, les Recherches philosophiques ont été à maintes reprises remises sur le métier par leur auteur. Elles ne sont cependant pas un texte achevé, mais un work in progress. Publiées en 1953 après la mort de Wittgenstein par deux de ses exécuteurs littéraires et saluées dès leur parution par des comptes rendus substantiels et élogieux, dont l'un présente Wittgenstein comme «le premier philosophe de l'époque», les Recherches se sont très vite imposées non seulement comme un texte de référence en philosophie du langage, mais aussi comme un classique de la philosophie contemporaine. Elles ont eu une influence considérable sur divers courants dominants de la philosophie de la fin du XXe siècle, et elles sont à la source de bien des débats actuels qui débordent très largement le cadre de la philosophie académique.
À vrai dire, elles occupent une position singulière dans le champ contemporain qui tient notamment à leur remise en question des sublimités métaphysiques et des réductionnismes en tout genre et à leur refus catégorique de toute théorie de la signication et de toute quête d'une terre ferme de l'origine - refus qui les tient à l'écart, d'une part des ambitions de la tradition analytique, et d'autre part des présupposés de la tradition continentale, et qui les conduit sur la voie d'une analytique de la quotidienneté dont on n'a certainement pas fini de mesure la fécondité.
Cette nouvelle édition revue par Marc B. de Launay remplace l'édition en deux volumes de 1968
" l'essence de l'homme se détermine à partir de la vérité de l'être, laquelle se déploie en son essence du fait de l'être lui-même.
" ce que tente de faire le traité intitulé etre et temps, c'est de partir de la vérité de l'être - et non plus de la vérité de l'étant - pour déterminer l'essence de l'homme en ne la demandant à rien d'autre qu'à sa relation à l'être et pour concevoir en son tréfonds l'essence de l'homme, elle-même désignée comme da - sein au sens clairement fixé à ce terme.
En dépit du fait qu'un concept plus original de la vérité ait été simultanément développé, parce qu'il était devenu intrinsèquement nécessaire, et depuis maintenant treize ans que le livre est paru, il n'y a pas eu la moindre trace qu'un minimum d'entente se soit produit à l'égard de cette mise en question. si elle est restée sans écho, il y a à cela deux raisons. d'une part l'habitude d'ores et déjà invétérée, et qui tend même à s'implanter définitivement, à penser de la manière moderne - l'homme est pensé comme sujet ; toute réflexion sur l'homme est entendue comme anthropologie.
Mais, d'autre part, l'incompréhension tient à la tentative elle-même qui pourrait bien tirer de l'histoire sa sève et sa vigueur sans rien en elle de " fabriqué ", qui provient de ce qui a prévalu jusqu'ici mais lutte pour s'en extraire et par là renvoie nécessairement et constamment à cette tradition et l'appelle même à l'aide (cf. ce que le livre sur kant entend par " métaphysique du dasein ") pour dire tout autre chose.
Mais surtout ce chemin s'interrompt à un endroit décisif. interruption qui s'explique du fait que, malgré tout, la tentative faite dans cette voie court, contre sa volonté, le danger de n'aboutir qu'à renforcer encore la subjectivité et à empêcher pour ainsi dire elle-même le dépassement du point de non-retour ou plus exactement : la présentation où elle atteindrait ce à quoi elle tend par définition.
Toute orientation vers l' "objectivisme " ou le " réalisme " demeure du " subjectivisme " ; la question de l'être n'est que dans la relation sujet-objet. "
« Admettons donc que la rhétorique est la faculté de découvrir spéculativement ce qui, dans chaque cas, peut être propre à persuader. Aucun autre art n'a cette fonction ; tous les autres sont, chacun pour son objet, propres à l'enseignement et à la persuasion ; par exemple, la médecine sur les états de santé et de maladie ; la géométrie pour les variations des grandeurs ; l'arithmétique au sujet des nombres, et ainsi des autres arts et sciences ; mais peut-on dire, la rhétorique semble être la faculté de découvrir spéculativement sur toute donnée le persuasif ; c'est ce qui nous permet d'affirmer que la technique n'en appartient pas à un genre propre et distinct. » (Rhétorique, livre I, p. 22)
Ni confessions ni journal intime, mais plutôt dialogue avec lui-même, les Pensées de l'empereur Marc Aurèle (121-180 après J.-C.) sont un document humain exceptionnel. Inspirées des principes du stoïcisme, ces méditations pleines de sagesse révèlent un homme en proie au doute qui cherche la paix intérieure. Un examen de conscience étonnamment moderne à lire et à relire.
Si Montaigne eut le grec et le latin comme premières langues, ce qui lui donna une aisance parfaite avec les classiques, qu'advient-il quatre siècles plus tard des lecteurs de Montaigne qui n'ont pas appris le français du XVIe siècle ?
Peu nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, parlent et lisent couramment la langue de Montaigne, hormis quelques élus qui ont eu la chance de l'acquérir sur le tard. Mais nombreux ceux qui sont condamnés à faire semblant, sinon de la lire, du moins de la comprendre, car c'est une langue pleine de pièges : on ne peut même pas se fier à quelque sentiment de familiarité tant elle a évolué.
Devant ce constat d'une transformation si radicale du français, la « traduction » d'André Lanly, publiée en 1983 aux éditions Champion, prend tout son sens et trouve sa destination. Ce professeur, excellent spécialiste de Montaigne, confronté au désarroi de ses élèves, a surmonté sans honte le snobisme qui entoure Montaigne - snobisme qui consiste à multiplier les éditions proposées sans en pouvoir « lire » aucune. Il ne fait subir aux obscurités du texte que ce qui s'impose, sans nous infliger ses propres « Essais ». Il ne touche en rien à la structure de la phrase, se contente de substituer un terme moderne à celui qui nous égare. Le commentaire en note achève de lever la difficulté.
L'édition proposée ici a été établie à partir de l'exemplaire dit « de Bordeaux ».
«Kant (1724-1804) est un professeur : c'est à travers son enseignement et ses lectures que sa pensée acquiert sa forme propre. Il marque la fin de la métaphysique sous son aspect dogmatique : s'interrogeant sur le pouvoir de connaître, il montre qu'il n'est pas à la mesure de sa prétention à saisir l'inconditionné. Mais il a pris au sérieux l'ambition métaphysique, qu'il attribue à la raison elle-même. L'inconditionné, refusé au savoir, mais manifesté dans l'autonomie de la raison pratique et anticipé dans l'espérance, est le vrai fil conducteur de sa pensée qui le découvre non plus dans l'objet mais dans l'acte, la spontanéité et la liberté.» Alexandre J.-L. Delamarre.
"Choses vues" dans les dernières années du XXe siècle, les chroniques ici rassemblées dressent un portrait aussi précis que possible de notre temps; et, simultanément, elles ébauchent une théorie générale de ce moment de la civilisation que Philippe Muray appelle l'ère hyperfestive, car l'accumulation illimitée de fêtes en est devenue l'occupation la plus fervente et la consolation la plus quotidienne. L'individu inédit que cette civilisation est en train de façonner a donc lui aussi un nom qui n'était encore jamais apparu nulle part Homo festivus. Après l'Histoire est le récit, à la fois inquiétant et comique, des aventures de ce personnage qui ne ressemble plus à rien de connu jusque-là. On y trouvera des aperçus étonnants sur son idéologie, son langage, ses habitudes, son comportement intime, sa morale publique, ses nouvelles méthodes pour faire régner l'ordre et même, de plus en plus souvent, et de manière impunie, la terreur. Pour espérer comprendre quelque chose à notre époque, il est indispensable de faire le pari que la métamorphose des hommes a déjà eu lieu et que leur mutation n'est envisageable qu'à partir de l'hypothèse d'une sortie définitive de la période historique, pour autant qu'Histoire et humanité étaient synonymes. Après l'Histoire veut donc dire aussi : après l'humain.
La question paraît aujourd'hui grossière, elle n'a pourtant toujours pas reçu de réponse : qu'est-ce qui habilite un homme ou une femme à " enseigner " à un autre être humain, oú réside la source de l'autorité ? l'enseignement authentique est le dévoilement d'un logos révélé, diront les uns : c'est le modèle du maître qui enseigne la torah, explique le coran ou commente le nouveau testament.
Au contraire, argueront d'autres, l'enseignement passe par la seule vertu de l'exemple : socrate et les saints enseignent en existant. l'enseignement est un rapport de force, une forme de violence, protesteront les troisièmes : le maître possède un pouvoir psychologique, social et physique dont ionesco fait la satire dans la leçon. c'est compter sans les refus d'enseigner, faute de destinataire jugé par le maître digne de son héritage.
Les exemples abondent dans l'histoire de la tradition alchimique et kabbalistique, ou bien de la philosophie. puis il y a les pertes, les disparitions par accident, voire les auto-illusions - fermat avait-il résolu son propre théorème ? que sont devenus les textes d'aristote sur la comédie, les recettes de fabrication de certains pigments de van eyck, les manières de jouer des triples points d'orgue que paganini refusait d'enseigner ? par-delà une réflexion qu'inspirent nombre de témoignages religieux, philosophiques, littéraires et scientifiques, george steiner, au terme de sa carrière d'enseignant, laisse son lecteur se risquer à conclure : la seule réponse qui vaille n'est-elle pas la question de savoir s'il existe quelque chose à transmettre, sinon un premier éveil, une aurore de l'intelligence ?.
Mullâ Sadrâ vécut à la charnière des XVIe et XVIIe siècles de notre ère. De celui qui fut surnommé « le tout premier des métaphysiciens », l'ayatollah Khomeiny n'eut de cesse de se réclamer lors de la révolution de 1979 en Iran.
Mullâ Sadrâ, en effet, pose la question de la guidance de la communauté des croyants : revient-elle au plus pieux qui suit l'enseignement du Coran à la lettre ou au philosophe qui, à la suite des Grecs et de Platon en particulier, vise au perfectionnement de l'âme humaine jusqu'à atteindre le bonheur par la connaissance de la vérité ? L'ascension de l'âme savante vers l'lntellect débouche sur la vraie révélation coranique. Mais la religion philosophique se déploie cachée, ésotérique, face à l'exotérisme d'une orthodoxie bornée par la lettre de la Révélation. C'est le drame de l'islam contemporain.
Quel qu'il soit, le guide ne peut ignorer les enseignements relatifs à la connaissance de Dieu, au message prophétique, aux êtres suprasensibles, à la connaissance de l'âme humaine. Sinon, sans le relai herméneutique que la philosophie offre aux enseignements des imâms, les théologiens et les juristes se substituent, par leur rationalité propre, à celui qu'ils entendent représenter. Le pouvoir spirituel se dégrade inéluctablement en une autorité limitée, juridique, policière. C'est le drame de l'Iran depuis 1979.
Connaissez-vous George Steiner? L'arpenteur de toutes nos cultures, présentes et passées, le philosophe qui nous convainc que penser c'est aussi dialoguer avec d'autres langues, d'autres cultures. Car pour Steiner, le don des langues dont il est doté c'est la jubilation de communiquer au lecteur le savoir le plus érudit mais c'est aussi le talent sans égal de raconter la pensée, de la mettre en scène, d'en faire un événement. Il est l'homme aussi bien de l'essai, du récit, de la critique que du roman - pour ce qui relève de la forme - ; quant à son «matériau», en définir les contours reviendrait à défier la Culture même. Pour celui qui «a commis l'indiscrétion d'être juif», le coeur de l'oeuvre est habité par «la volonté d'être présent», dans tous les sens du terme, «après la Shoah». Est-ce à cet héritage talmudique que nous lui devons ce statut de maître de lecture? Un maître qui nous fait la courte échelle pour gravir des sommets autrement inaccessibles.