Ce bref essai procède d'une idée à première vue insupportable : le temps est passé où nous pouvions espérer, par une sorte de dernier sursaut collectif, empêcher l'anéantissement prochain de notre monde. Le temps commence donc où la fin de l'humanité est devenue tout à fait certaine dans un horizon historique assez bref - autrement dit quelques siècles.
Que s'ensuit-il ? Ceci, d'également insupportable à concevoir : jouir en hâte de tout détruire va devenir non seulement de plus en plus tentant (que reste-t-il d'autre si tout est perdu ?), mais même de plus en plus raisonnable.
La tentation du pire, à certains égards, anime d'ores et déjà ceux qui savent que nous vivons les temps de la fin. Sous ce jour crépusculaire, le Mal, la violence et le sens de la vie changent de valeur et de contenu. Pierre-Henri Castel explore ici quelques paradoxes de ce nouvel état de fait, entre argument philosophique et farce sinistre.
Êtes-vous prêts pour la fin du monde ?
Pendant trop longtemps, la philosophie nous a raconté une histoire déprimante. Il y aurait un Moi qui, à travers le langage et la pensée, construirait le monde, les autres moi et, si absurde que cela puisse paraître, le passé lui-même. Cette histoire est triste parce que cette position, qui se prétend révolutionnaire, est de fait profondément conservatrice : c'est la réaction pure, c'est la négation de tout événement. Elle nous enseigne que rien de nouveau ne pourra jamais nous frapper, au titre de menace ou de promesse, et cela parce que le monde est tout entier à l'intérieur de nous.
Avec un langage créatif et des arguments aussi ironiques que contraignants, Ferraris nous raconte une autre histoire. La réalité et la pensée qui la connaît proviennent du monde, à travers des processus et des explosions, des chocs, des interactions, des résistances et des altérités qui ne cessent de nous surprendre. Du Big Bang aux termites, du web à la responsabilité morale, ce que le monde nous donne (c'est-à-dire tout ce qui existe) émerge indépendamment du moi et de ses claustrophobies.