Alors que Napoléon est occupé à faire l'Histoire, que Goethe fait éclore Faust et que Hegel esquisse son système philosophique, Friedrich Hölderlin, le grand poète allemand, sombre dans ce qui est peut-être la folie la plus célèbre de l'histoire de la littérature. Est-ce pour le plaisir de s'infliger un confinement de 36 années qu'Hölderlin vivra en reclus jusqu'à sa mort, locataire d'un charpentier dans une tour surplombant le Neckar ? Sa vie se divise exactement en deux moitiés : 36 ans de 1770 à 1806 et 36 ans de 1807 à 1843. Si dans la première moitié le poète vit dans le monde et participe dans la mesure de ses forces aux événements de son temps, la seconde moitié de son existence se passe entièrement en dehors du monde, comme si un mur le séparait de toute relation avec les événements extérieurs. Pour notre époque qui perd de vue la distinction entre les sphères, la vie d'Hölderlin est la prophétie de quelque chose que son siècle ne pouvait penser sans frôler la folie.
« Enlève tout ! » Plotin l'ordonne : l'âme humaine doit tout retrancher, supprimer tout ce qui l'encombre et l'alourdit. En répétant et en appliquant ce mot d'ordre, elle délaissera la séduction des apparences sensibles et des plaisirs immédiats. Elle accomplira son être véritable et pourra atteindre les principes supérieurs, à commencer par l'Intellect, dont elle provient et auquel elle aspire. Comme Ulysse, l'âme doit accomplir sa propre odyssée.
On insiste souvent sur les ruptures qui semblent marquer le système plotinien, et sur le saut que représente l'expérience ultime et indicible de l'union avec le Bien.
Ce livre, en procédant à une relecture d'ensemble des Ennéades, entend au contraire restituer l'unité du système et la continuité qui relie les niveaux qu'il distingue : l'Âme, l'Intellect et le Bien. Il montre qu'il s'agit fondamentalement d'une continuité de la raison, sous ses différentes formes, et que l'odyssée plotinienne, plutôt qu'une ascension mystique, est avant tout une démarche rationnelle.
Cette lecture du projet plotinien comme entreprise réellement philosophique le replace dans le contexte d'exégèse - celle, d'abord, des Dialogues de Platon -, et de polémiques - en particulier avec Aristote et les stoïciens - qui caractérise le moment de son émergence, au IIIe siècle de notre ère.