« Vous avez les plus belles jambes du monde, vous serez ma femme ou ma maîtresse. Moi, épouser un Juif, jamais ! Vous prenez votre petit déjeuner à la table de ce nazi ! Comme c'est gentil de me reconnaître, Jacques Lacan. Madame ! J'ai compris l'étymologie de con-cierge. J'aime quand tu as le corps gai... ».
Des phrases qui font passer de l'anecdote à l'idée, qui sont comme des noms propres qui titrent les souvenirs. Elles fabriquent une autobiographie philosophique, racontée à mon fils Victor et écrite avec lui. En les disant, je comprends pourquoi et comment elles m'ont fait vivre-et-penser. Si dures soient-elles parfois, elles donnent accès à la tonalité du bonheur.
B. C.
En 1924, Hannah Arendt a 18 ans. C'est une jeune étudiante avide de savoir, avec des yeux rayonnants et une intelligence vive comme l'éclair. Elle rencontre Martin Heidegger, 34 ans, marié et père de famille, qui enseigne la philosophie à l'université de Marbourg. Introverti, plein de fureur mais aussi d'une surprenante modestie, il attire à son cours les étudiants les plus prometteurs. Comme l'expliquera Arendt, "la rumeur le disait: la pensée est redevenue vivante, les trésors de la culture qu'on croyait morts reprennent sens. Il y a un maître, il est peut-être possible d'apprendre à penser". Entre eux débute alors une liaison durable et turbulente où l'amour et la philosophie vont s'entremêler, et que rien, pas même la guerre, n'entamera.
Publié initialement en 1995, cet « essai d'autocompréhension » constitue une remarquable initiation à la pensée et à l'oeuvre de Paul Ricoeur. Analysant les limites du genre de l'autobiographie, Ricoeur définit son projet en tant qu'autobiographie intellectuelle, en lien étroit avec le développement de son travail philosophique. L'évocation de son enfance à Rennes, sa découverte de la philosophie, ses années de captivité en Allemagne ou encore des événements à l'université de Nanterre en 1968, etc., chaque épisode est l'occasion de mettre au jour le fil conducteur d'une pensée qui s'articule autour de thématiques majeures : la question du mal et de la volonté ; la place de l'autre dans le rapport au monde ; l'implication du sujet dans le langage ; la philosophie de l'action et sa relation au temps et au récit ; et enfin la finalité de l'herméneutique qui vise à expliquer plus pour mieux comprendre.
Alors que Napoléon est occupé à faire l'Histoire, que Goethe fait éclore Faust et que Hegel esquisse son système philosophique, Friedrich Hölderlin, le grand poète allemand, sombre dans ce qui est peut-être la folie la plus célèbre de l'histoire de la littérature. Est-ce pour le plaisir de s'infliger un confinement de 36 années qu'Hölderlin vivra en reclus jusqu'à sa mort, locataire d'un charpentier dans une tour surplombant le Neckar ? Sa vie se divise exactement en deux moitiés : 36 ans de 1770 à 1806 et 36 ans de 1807 à 1843. Si dans la première moitié le poète vit dans le monde et participe dans la mesure de ses forces aux événements de son temps, la seconde moitié de son existence se passe entièrement en dehors du monde, comme si un mur le séparait de toute relation avec les événements extérieurs. Pour notre époque qui perd de vue la distinction entre les sphères, la vie d'Hölderlin est la prophétie de quelque chose que son siècle ne pouvait penser sans frôler la folie.
Dans une lettre à Schelling du 2 décembre 1800, Hegel annonce vouloir s'élever au-dessus des « besoins subalternes » pour atteindre la systématisation, car selon la formule célèbre, « s aisir et comprendre ce qui est, telle est la tâche de la philosophie » (préface de la Philosophie du droit). En 1801, il commence son activité d'enseignement et de polémique et écrit dans son Journal critique de philosophie deux grands articles, « Foi et savoir », et « le droit naturel », tous deux édités après sa mort. Le droit naturel, écrit au cours des années 1802-1803, est un texte essentiel qui annonce déjà La Phénoménologie de l'esprit. C'est le moment où Hegel s'éloigne de Fichte et se rapproche de Schelling. Cet écrit représente un effort pour intégrer la conscience d'une situation historique singulière à l'affirmation d'un savoir absolu et universel. Une importante préface situe Le Droit naturel dans l'ensemble de l'évolution de la pensée de Hegel.
A la rencontre de Simone Weil, philosophe, ouvrière, militante et résistante. De la guerre d'Espagne à l'usine, de l'exil à l'engagement au service de la "France libre", un itinéraire ardent et insoumis.
"Son nom est connu dans un cercle d'initiés qui la considèrent comme une icône de la pensée contemporaine et qui se ressourcent régulièrement dans ses écrits.
Je fais partie de ces personnes qui, par les hasards d'une amitié, à l'adolescence, ont eu la chance de tomber sur La Pesanteur et la Grâce, et, comme bon nombre d'étudiants, je le suppose, j'ai appris par coeur certains fragments qui résonnaient en moi comme des aphorismes de sagesse et de compréhension du monde. Pendant des années ce livre de chevet fut pour moi comme la boussole du marin au milieu de l'océan déchaîné.
Trente ans après, mes recherches sur Hannah Arendt me firent lire ou relire certains textes comme La Condition ouvrière et L'Enracinement. Je fus, de nouveau, frappée par sa profondeur d'analyse, son courage physique et intellectuel, la pertinence de ses propositions, son mystère aussi, ce mystère d'une vie brisée à trente-quatre ans dans le feu de la recherche de la vérité.
Aujourd'hui, nous avons besoin de la pensée de Simone Weil, de sa clairvoyance, de son courage, de ses propositions pour réformer la société, de ses fulgurances, de ses questionnements, de son désir de réenchanter le monde."
Simone de Beauvoir occupe une place éminente dans le monde intellectuel contemporain. Éric Touya de Marenne explore les répercussions de sa réflexion philosophique et politique, mais aussi les oppositions qu'elle a suscitée au cours du XX siècle jusqu'à nos jours en France, aux États-Unis, et dans le monde. À travers ses romans, son autobiographie, et ses récits de voyage, Simone de Beauvoir est certes un témoin privilégié de son époque, de l'Occupation à son engagement dans le MLF en passant par la guerre d'Algérie.
Le défi d'une telle étude ? Montrer en quoi elle nous permet aussi d'approfondir et d'éclairer sous un jour nouveau les grandes questions de notre temps : la liberté et la responsabilité de l'être humain, la condition de la femme dans un monde androcentrique, le dialogue entre les peuples, et le combat pour la justice, par le biais d'une pensée éthique qui nous est contemporaine.
«L'âme humaine [...] est comparable à ces créatures fabuleuses - la Chimère, Scylla ou Cerbère - qui unissent en un seul corps les formes de plusieurs espèces d'êtres vivants.» Platon (env. 428-347 av. J.-C.) fait aujourd'hui figure de mythe. Fondateur de nombreux concepts dont nous sommes les héritiers, il apparaît comme le père de la philosophie moderne. Mais quel homme fut-il? Remarquable par son physique athlétique et son esprit brillant, cet enfant de l'aristocratie athénienne se destinait à la politique ou aux arts. Sa rencontre avec Socrate bouleverse le cours de son existence. Rejetant dès lors la futilité de ses premiers penchants et condamnant les excès de la vie politique, il se voue corps et âme à la quête de la vérité.
De son oeuvre, il nous reste vingt-huit écrits, qui ont traversé vingt-cinq siècles. De son vécu, bien peu de chose. L'entreprise de Bernard Fauconnier soulève la question des sources : faute de pouvoir apporter une réponse ferme et limpide, l'auteur tente de retracer la ligne d'une vie qui, à bien des égards, fut exemplaire.
Traduit pour la première fois en français et accompagné d'une introduction de Jacques Le Rider, Le Langage permettra au public français de découvrir un texte important et représentatif de la pensée et de la personnalité de Mauthner dont, jusqu'à présent, aucune oeuvre théorique n'avait été traduite en français. Cet ouvrage permet de comprendre au plus près le scepticisme radical de Mauthner qui s'affirme des Contributions à une critique du langage au Dictionnaire de la philosophie. C'est au printemps 1906 que Martin Buber a proposé à Mauthner de rédiger un volume sur Le langage pour sa collection La société (Die Gesellschaft), afin de récapituler les thèses de ses Contributions à une critique du langage et de dégager de nouvelles perspectives sociolinguistiques. Mauthner insiste sur le caractère contraignant de la langue qu'il considère comme un facteur décisif du conditionnement social et culturel des individus. Il s'agit du condensé le plus clair et concis que Mauthner ait donné de ses thèses qui ont marqué de nombreux intellectuels au XXe siècle parmi lesquels Landauer, Hofmansthal, Wittgenstein, Hugo Ball, Döblin et les avant-gardes des années 1968, mais aussi Borges, Joyce, Beckett et George Steiner.
Jacques Le Rider a publié une biographie intellectuelle de Fritz Mauthner aux éditions Bartillat.
Cette première biographie d'André Gorz (1923-2007) retrace le parcours de l'un des penseurs les plus clairvoyants de la critique du capitalisme contemporain. Né Gerhart Hirsch à Vienne, ce « métis inauthentique », existentialiste, autodidacte, qui pose la question fondamentale du sens de la vie et du travail, explore de nouveaux territoires théoriques. Anticapitaliste, il est très proche de l'extrême gauche italienne et incarne l'esprit de 68. Il est aussi l'un des premiers artisans de l'écologie politique et de la décroissance. Une pensée en mouvement, au service de l'autonomie, du temps libéré, de l'activité créatrice et du bien-vivre. L'intellectuel André Gorz, rédacteur aux Temps modernes, se double du journaliste qui signe Michel Bosquet dans L'Express avant de participer à la fondation du Nouvel Observateur. Cette biographie d'une figure singulière revisite aussi un demi-siècle de vie intellectuelle et politique, un voyage au cours duquel on croise Sartre et Beauvoir, mais aussi Marcuse, Castro, Cohn-Bendit, Illich, Guattari, Negri et bien d'autres. Au-delà de ses poignants récits autobiographiques -Le Traître (1958) et Lettre à D. (2006) -, qui témoignent de sa profonde humanité, André Gorz offre une boussole précieuse à tous ceux qui croient qu'un autre monde reste possible.
Emmanuel Levinas a renouvelé en profondeur la philosophie, qu'il s'agisse de la définition de la subjectivité par la responsabilité, des implications politiques de cette conception du sujet ou de son insistance sur la corporéité, pensée comme vulnérabilité ou associée à une phénoménologie du « vivre de » et des nourritures.
Dans un séminaire qui s'adressait à des étudiants en philosophie et à des soignants, Corine Pelluchon donne les clefs pour comprendre cette oeuvre exigeante et communique une expérience de pensée liée à la manière dont la réflexion et le style de Levinas l'ont bouleversée. Elle montre en quel sens il a inspiré ses propres travaux, qui prolongent et parfois discutent ses thèses, soulignant aussi l'actualité de Levinas, y compris lorsqu'on s'intéresse à des sujets sur lesquels il ne s'est pas exprimé, comme la médecine, l'écologie et le rapport aux animaux.
Ce dernier livre prévu par l'auteur voyant son état de santé décliné montre l'importance qu'Emmanuel Levinas avait prise dans la vie philosophique de Miguel Abensour. Le sommaire, constitué de textes «bruts» ou «sans ambages», montre parfaitement les multitudes d'angles que cette pensée inspirait à M. Abensour, il l'imaginait comme l'une des plus libres qui soient, y compris sur des questions aussi délicates qu'inextricables qui se posaient en son temps et se posent toujours dans le nôtre.
On a souvent voulu expliquer les oeuvres par la vie de leur auteur. Ariel Suhamy fait l'inverse : il raconte ce qu'on sait de la vie de Spinoza à la lumière de sa doctrine.
Son objet, c'est donc la vie humaine, la « vie véritable », celle qui ne se définit pas par la simple circulation du sang et la durée de l'existence, mais par l'intelligence de Dieu, du monde et de soi, et par les actes qui en découlent. Alors, comment l'auteur de l'Éthique a-t-il vécu ? Comment a-t-il mis en application sa pensée ? Les mythes qui entourent cet homme, ce que l'Histoire peut reconstituer de sa vie, ne dériventils pas aussi de cette pensée et de sa réception ?
Un livre novateur pour redécouvrir Spinoza.
Nul n'était aussi bien armé que François Dosse pour relever le défi : une histoire panoramique et systématique de l'aventure historique et créatrice des intellectuels français de la Libération au Bicentenaire de la Révolution et à la chute du Mur de Berlin.
Son Histoire orale du structuralisme en deux volumes, son attention à la marche des idées, ses nombreuses biographies (Michel de Certeau, Paul Ricoeur, Pierre Nora, Cornelius Castoriadis) lui ont donné une connaissance assez intime de la vie intellectuelle de la seconde moitié du XX e siècle pour lui permettre de couronner son oeuvre par une tentative de cette envergure.
S'il fallait résumer d'un mot l'idée générale qui porte cet ensemble, on pourrait dire que l'on passe de la période dominée par l'épreuve de l'histoire, l'influence du communisme et ses désillusions à une période dominée par la crise de l'avenir et l'hégémonie des sciences humaines. Mais cette idée porteuse ne rend pas compte de l'incroyable richesse de ces volumes, où l'on passe du féminisme à l'écologie, de la guerre d'Algérie à celle du Vietnam, du nazisme au patrimoine... Même ceux qui ont vécu la période et en furent parfois les acteurs en apprennent davantage.
Le premier volume, de 1944 à 1968, couvre les années Sartre et Beauvoir et leurs contestations, les rapports contrastés avec le communisme, le choc de 1956, la guerre d'Algérie, les débuts du tiers-mondisme, l'irruption du moment gaullien, et sa contestation.
Ce ne sont là que quelques-uns des points de repère de cette saga, qui représente une des périodes les plus effervescentes et créatrices de cette époque qui passe de Marx à Nietzsche, de Sartre à Lévi-Strauss et Foucault, de Freud à Heidegger. Une des périodes les plus extraordinaires, tragiques et parfois comiques, que la France a connues.
Cet ouvrage qui parut originellement en 1940 est le premier à reconnaître l'existence d'une philosophie de Giacomo Leopardi, alors même que les voix les plus autorisées de l'époque lui refusaient cette dimension. Dans un ouvrage d'une grande élégance d'écriture, Adriano Tilgher nous convie à un voyage dans la pensée léopardienne, selon les étapes que constituent les grands thèmes de la réflexion du poète. Le lecteur se rendra aisément à l'évidence que ces thèmes sont toujours les nôtres.
Nul n'était aussi bien armé que François Dosse pour relever le défi : une histoire panoramique et systématique de l'aventure historique et créatrice des intellectuels français de la Libération au Bicentenaire de la Révolution et à la chute du Mur de Berlin.
Son Histoire orale du structuralisme en deux volumes, son attention à la marche des idées, ses nombreuses biographies (Michel de Certeau, Paul Ricoeur, Pierre Nora, Cornelius Castoriadis) lui ont donné une connaissance assez intime de la vie intellectuelle de la seconde moitié du XXe siècle pour lui permettre de couronner son oeuvre par une tentative de cette envergure.
S'il fallait résumer d'un mot l'idée générale qui porte cet ensemble, on pourrait dire que l'on passe de la période dominée par l'épreuve de l'histoire, l'influence du communisme et ses désillusions à une période dominée par la crise de l'avenir et l'hégémonie des sciences humaines. Mais cette idée porteuse ne rend pas compte de l'incroyable richesse de ces volumes, où l'on passe du féminisme à l'écologie, de la guerre d'Algérie à celle du Vietnam, du nazisme au patrimoine... Même ceux qui ont vécu la période et en furent parfois les acteurs en apprennent davantage.
Le second volume, 1968-1989 va de l'utopie gauchiste, de Soljenitsyne et du combat contre le totalitarisme à la « nouvelle philosophie », l'avènement d'une conscience écologique, la désorientation des années 80.
Ce ne sont là que quelques-uns des points de repère de cette saga, qui représente une des périodes les plus effervescentes et créatrices de cette époque qui passe de Marx à Nietzsche, de Sartre à Lévi-Strauss et Foucault, de Freud à Heidegger. Une des périodes les plus extraordinaires, tragiques et parfois comiques, que la France a connues.
Ce livre est la première biographie consacrée à l'une des plus grandes figures intellectuelles et politiques du XXe siècle : Cornelius Castoriadis (1922-1997). Arrivé en France à l'âge de vingt-trois ans, il a contribué à créer, avec Claude Lefort et Jean-François Lyotard, l'une des branches les plus vivaces de la gauche radicale, « Socialisme ou Barbarie », qui deviendra ensuite une revue mythique et l'une des grandes influences de Mai 68, notamment par sa critique de gauche des régimes dits « communistes ».
Économiste, philosophe, psychanalyste, militant politique, Castoriadis est l'auteur d'une oeuvre essentielle pour quiconque s'intéresse à la question de l'institution hors du cadre de l'État. Il n'a en effet cessé, en croisant l'analyse historienne et l'approche psychanalytique, de s'attacher à penser la conquête de l'autonomie comme condition de l'approfondissement démocratique.
Fruit d'une enquête menée auprès d'une centaine de témoins, cet ouvrage permet enfin de lever le voile sur cette figure hors norme et trop méconnue, restée marginale jusqu'au bout, mais qui est très certainement appelée, en ces temps de grandes turbulences des souverainetés établies, à devenir l'un des penseurs-clés du XXIe siècle.
« Il ne t'arrivera rien de terrible si tu es vraiment un homme de bien ».
Célèbre depuis 2 400 ans, Platon est sans doute le philosophe le plus lu au monde, le plus aimé, le plus commenté. Le plus intimidant aussi, parce qu'il est tout de même cet écrivain qui inventa la philosophie...
Conçu comme une introduction à sa pensée, à ses écrits, à son époque, à sa critique même, cet essai biographique mêle et démêle la vie et l'oeuvre du plus fascinant des philosophes, pour offrir à tous le portrait vrai d'un citoyen du monde, qui bouleversa les mentalités occidentales par la seule force du dialogue.
L'un était philosophe, l'autre psychanalyste. Figures majeures de la vie intellectuelle française de la seconde moitié du XXe siècle, leurs vies et leur oeuvre commune sont emblématiques de cette période de bouillonnement politique et intellectuel que constituèrent l'avant et l'après-mai 1968. Gilles Deleuze (1925-1995) a enseigné la philosophie à l'université expérimentale de Vincennes. À partir d'une réflexion magistrale sur l'histoire de la philosophie, il s'engage dans un travail de création conceptuelle unique en son genre. Félix Guattari (1930-1992) était psychanalyste de formation et ancien disciple de Lacan. Militant de gauche aux multiples engagements, praticien à la clinique de La Borde, il a créé un collectif de recherche autogéré en 1966 : le Centre d'étude de recherches et de formation institutionnelles.
Les deux hommes se rencontrent en 1969. Ce sera le début d'une grande complicité amicale, d'une aventure intellectuelle sans guère de précédents. De L'Anti-Oedipe à Qu'est-ce que la philosophie ? en passant par Mille plateaux, ils produiront une oeuvre à quatre mains, exceptionnelle par son inventivité conceptuelle et la diversité de ses références, le tout au service de leur combat commun contre la psychanalyse et le capitalisme. Dans cette biographie croisée, François Dosse, à partir d'archives inédites et d'une longue enquête auprès de nombreux témoins, met en évidence la logique d'un travail alliant théorie et expérimentation, création des concepts, pensée critique et pratique sociale. Il explore les mystères d'une collaboration unique, qui constitue une page toujours actuelle de notre histoire intellectuelle.
Philosophe éprise de justice et engagée, mystique passionnée et tourmentée, Simone Weil - en dépit de sa vie météorique (1909-1943) - est considérée comme l'un des plus grands et inclassables esprits du XXe siècle. La puissance synthétique de son intelligence bouillonnante et l'intensité de ses exigences éthique et métaphysique font d'elle un phare pour les temps nouveaux. On trouvera ici ses pensées les plus stimulantes choisies par Christiane Rancé, l'une de ses plus ferventes et assidues lectrices.
Vaut-il encore la peine de s'intéresser à Marx, un auteur du XIXe siècle ? Plusieurs de ses prophéties furent réfutées, et l'on sait ce qu'il est advenu du socialisme « réellement existant », se réclamant de lui. Pourtant, nos économies ne sont-elles pas gouvernées par la dynamique du capitalisme et soumises à ses crises ? Les prédictions de la marchandisation de la société et de la mondialisation du marché ne se sont-elles pas vérifiées ?
L'aliénation, l'exploitation, les classes sociales ont-elles disparu ? Ce livre invite à lire Marx, certes pour le critiquer et le dépasser, mais sans ignorer tout ce qui demeure indispensable à l'analyse de nos sociétés. Cette introduction veut rendre accessible ce qui reste actuel dans cette oeuvre foisonnante, à la fois philosophique, historique, économique, sociologique, politique... La vie de Marx fut un mouvement incessant d'acquisition de connaissances encyclopédiques, de critique de ces connaissances, d'avancées théoriques, de remises en question, dans un tourbillon toujours relancé par la confrontation à la réalité historique et à l'expérience de longues périodes d'action politique. C'est ce mouvement, animé par l'espoir d'une émancipation radicale de ce qui asservit les hommes, que nous avons voulu restituer, afin que le lecteur y puise de quoi nourrir sa propre réflexion.
Une persistance ou une rémanence qu'on aurait cru impossible de l'antisémitisme oblige à reprendre à nouveaux frais l'analyse de ce dont cette disposition hideuse et morbide peut être l'effet. Il est nécessaire de creuser plus profondément dans ses origines. Celles-ci sont en effet à repérer au plus intime de notre culture européenne et pré-européenne. Elles tiennent à la conjonction conflictuelle des deux réponses à l'effacement des cultures archaïques : la réponse grecque et la réponse juive se rencontrent comme deux affirmations d'une humanité émancipée du mythe mais s'opposent comme deux façons de concevoir l'autonomie.
D'un côté l'autonomie tendanciellement infinie du logos, de l'autre l'autonomie paradoxale d'une hétéronomie répondant à un dieu caché. A première ne savait que repousser la proximité de la seconde, et donc l'exclure tout en l'engobant dans sa domination. La seconde ne pouvait que se replier dans cette exclusion au sein même de la domination.
Comment de ces prémices intrinsèquement contradictoires a pu s'engendrer l'histoire si longue et si terrible de la haine du Juif masquant une haine de soi ? On essaie de rendre possible une réponse.
Du traumatisme des esclavages aux mouvements de protestation contre le racisme et les violences policières, comment réinventer la relation dans nos sociétés fractionnées, confrontées aux tumultes de l'Histoire ? Pour le penseur antillais Édouard Glissant, le monde nous bouscule et il faut entrer dans le chaos pour y porter l'action, le rêve, l'espoir du renouveau.
Le philosophe Aliocha Wald Lasowski saisit dans cet ouvrage toute l'actualité de Glissant pour déchiffrer le monde, dix ans après sa disparition. Comment ancrer le multiculturalisme dans la république ? Comment éviter à la fois les pièges de l'universalisme abstrait et du repli identitaire ? Du débat avec Aimé Césaire sur la négritude à la lutte anticoloniale avec Frantz Fanon, du projet d'indépendance par l'antillanité à l'interdépendance de la créolisation, Glissant nous invite à une pensée-monde qui décrypte nos paysages bouleversés.
Poésie, roman, philosophie mêlés, la mémoire historique redonne chance au langage. L'humanité vaut par la rencontre des cultures. La volonté de liberté rythme ses passions. Tel est le pari et la beauté d'une philosophie de la relation que ce livre met en scène.