Pour le physicien, le monde est un et il tourne rond. Pour l'homme avisé, en revanche, il est constitué de plusieurs mondes, qui ne tournent pas exactement dans le même sens. À l'Est, un bloc solide va, fortifiant ses positions fondées sur la méfiance. Au Nord, les populations accroissent leur richesse, et s'appauvrissent en enfants. Au Sud, dans un mouvement inverse, le nombre des enfants grandit, mais pas celui des richesses. Sans être prophète, on peut prévoir qu'il résultera fatalement de cette situation un mouvement des pauvres vers les riches. Ce sont les conditions de cette marche et ses implications, qu'Alfred Sauvy étudie avec son brio habituel et cette étonnante façon de nous rendre absolument limpide et évident, le tableau complexe de la situation mondiale. En suivant avec lui les migrations de population sur la planète - et l'on s'aperçoit combien sont proches, par leurs problèmes, tous les travailleurs immigrés ou clandestins, qu'ils arrivent en France ou aux États-Unis - nous effectuons un tour historique, sociologique, économique et démographique de la Terre, pour nous arrêter sur ce point d'interrogation qui nous concerne au plus près : l'Europe peut-elle encore se sauver ?
Hier mythe à la mode, le tiers mondisme est aujourd'hui contrebattu et dénoncé. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les mouvements de libération nationaux (Viêt Minh, F.L.N. algérien, etc.) profitent de l'affaiblissement de l'Europe et de l'esprit du temps, ils imposent l'indépendance du monde asiatique et africain. L'européocentrisme, naguère triomphant, est contesté et rejeté. C'est l'émergence de peuples conquis, dominés, qui furent longtemps cantonnés dans ce que le grand écrivain mexicain Octavio Paz a nommé les faubourgs de l'histoire : qu'il s'agisse de l'Égypte, de l'Inde, du Maghreb, de l'Angola, du Mozambique, et autres. Leur réapparition violente, en tant que sujets de l'histoire active, est une réalité majeure de notre temps. Il n'est pas possible de sous-estimer l'importance de la fin de la période coloniale, de la prise de conscience des rapports Nord-Sud et de la situation particulière des pays d'Asie, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Amérique latine (Chili, Bolivie, Brésil, etc.). Désormais, le reflux de l'idéologie tiers-mondiste est à peu près total. Ce phénomène est dû à une conjonction de facteurs : fin de l'illusion lyrique (Algérie, Cuba, Palestiniens, etc.) ; émergence d'États dont la nature est tyrannique ou totalitaire (Ouganda, Guinée, Cambodge de Pol Pot, Iran de Khomeny) ; oppression de minorités (Kurdes, comme hier Arméniens, etc.) ; développement économique médiocre, et réalités politiques aux antipodes le plus souvent des déclarations de principe. Ce reflux est aussi dû à une meilleure appréciation du totalitarisme soviétique, et de l'échec de l'utopie chinoise. Il est dû, enfin, aux conséquences multiples de la crise économique, et du renforcement de la puissance militaire de l'U.R.S.S. et de l'opposition qu'elle suscite (Afghanistan, Pologne, etc.). Le présent ouvrage évalue, pour la première fois, ces thèmes sans manichéisme et regroupe (dans une seconde partie) une série de textes, de 1965 à nos jours, qui retracent un itinéraire et une époque à travers le tiers monde.
Depuis la crise pétrolière, nombre de pratiques et d'idées dominantes, en matière de relations économiques internationales, ont été ébranlées : certains pays en développement ne sont plus seulement des vendeurs de matières premières et de produits énergétiques, mais ils se mettent également à concurrencer les pays industriels sur les marchés des produits manufacturés ; les pays industriels à monnaie forte, comme l'Allemagne et le Japon, continuent d'accroître leurs exportations, en dépit de la réévaluation constante de leur devise ; les prix mondiaux, enfin, grimpent souvent plus vite que les prix nationaux. Ces faits récents sont-ils cependant suffisants, pour remettre en cause la marche vers le libre-échange qui a caractérisé l'économie mondiale des vingt dernières années ? C'est à cette question capitale que se propose de répondre Christian Mégrelis, en se fondant à la fois sur une expérience personnelle concrète, et sur une réflexion historique approfondie. Son diagnostic est clair et sans équivoque. Nous sommes aujourd'hui condamnés à une interdépendance mondiale accrue, et le retour au protectionnisme, qui pourrait tenter certains esprits, est désormais impossible. Mais laisser-passer n'est pas synonyme de laisser-faire et les leçons, parfois fructueuses, d'une politique économique nationale et volontaire, méritent d'être méditées. C'est pourquoi la solution réside dans des formules nouvelles de coopération internationale, associant étroitement les anciens et les nouveaux pays industriels dans un redéploiement des structures mondiales de production, qui s'accompagnerait d'une redistribution des responsabilités des uns et des autres. Précis et réaliste, l'ouvrage de C. Mégrelis dépasse le terrain de la seule spéculation intellectuelle, pour esquisser des formules inédites, susceptibles de fournir des ouvertures à la crise actuelle. Danger : protectionnisme ne représente pas seulement une mise en garde, c'est aussi, et surtout, un exercice de prospective appliquée, qui concerne directement les témoins et les acteurs internationaux des deux prochaines décennies.