En 1881, sans parler un mot d'anglais mais avec quarante mille dollars en poche, l'architecte valencien Rafael Guastavino embarque pour New York. Son rêve : apporter sa pierre à l'édifice de la modernité américaine en faisant triompher « une architecture sans feu dans un monde sans fantômes ». Épaulé dans l'ombre par son fils et homonyme, il va découvrir la réalité misérable de l'immigration et batailler d'un chantier à l'autre (la gare de Grand Central, la cathédrale Saint-Jean-le-Théologien ou le pont de Queensboro) pour se faire une place au milieu des gratte-ciel. Les Guastavino père et fils, largement oubliés par la grande Histoire, finiront par se fondre en un iconique self-made man dont l'odyssée demeure nimbée de mystère.
Avançant en funambule sur la frontière ténue entre fiction et biographie, ce « roman américain » d'Andrés Barba offre une réflexion fascinante sur l'identité, la filiation et les mirages de la gloire.
« On hérite une fortune. Ou une entreprise. Ou une maison. Ou une maladie. Ou une ethnie avec sa charge historique et mentale. C'est ce qu'illustrent les habitants qui pendant un siècle se succèdent et se côtoient dans la villa Séléné, hantée par son premier propriétaire, le pendu. Ce sont, pour n'en citer que quelques-uns, Félix Méry-Chandeau, bibliophile et joueur de roulette russe ; Constance Azaïs, belle dévote torturée par le doute ; Claire Pons qui peint ses visions ; le sordide couple Vandelieu ; l'inspecteur Mausoléo et Andrée, sa femme qui selon le mot d'Oscar Wilde, tue ce qu'elle aime ; ce sont les émigrés juifs réfugiés dans les caves du sous-sol ; le fossoyeur Jérôme Labille et l'évocatrice des morts ; Hugo, le déserteur allemand et sa compagne Antoinette cachés dans les combles ; Mauricette la Martiniquaise ; les soeurs féministes et leur duel d'araignées ; Joseph, le pharmacien exhibitionniste ; l'égyptologue James Marshall Wilton ; Cédric le sidéen et son seul ami, le rat Astérix... Cent ans et deux guerres. Cent ans et quelques destinées dans la vie d'une maison. »
G.W.