" "Il faut savoir tuer qui on aime, dit la vieille femme, c'est plus humain que laisser souffrir." Par moments le livre retrouve, naturellement, la réflexion antique de la quête du sens, ou du grotesque shakespearien. C'est aussi qu'Emerence a je ne sais quoi des figures de la tragédie antique, capable d'engueuler les dieux et de ramasser dans la poussière les viscères des morts. Ou de parler le langage des oiseaux et des chiens. Qu'est-ce donc qu'un personnage, sinon un masque que l'art emprunte pour parler de ce que nous n'apprendrons jamais. à savoir du bonheur de vivre et de la sagesse de mourir ? Bref, un livre original, superbe, émouvant. Excellemment traduit. " Claude Michel Cluny, Le Figaro.
Eszter est célèbre. Pourtant, son enfance, pauvre et frustrante, la hante. Son père, aristocrate ruiné et avocat trop honnête, refuse de défendre les causes qu'il n'estime pas justes. Sa mère donne des cours de piano aux enfants du voisinage. La famille tente de survivre dans une Hongrie rurale au quotidien difficile. Eszter monnaye chacun de ses services, s'occupe de l'intendance de la maison. tandis qu'Angela, sa voisine, riche et entourée d'amour, évolue dans un « paradis ». On lui a même offert un faon ! Rongée par la jalousie, Eszter échafaude un plan qui brisera ce bonheur trop parfait.
Des années plus tard, Eszter est une actrice au sommet de son art, indépendante, mais très seule. Ses fantômes la tourmentent, l'empêchent de vivre. Elle rencontre pourtant l'amour. Jusqu'au jour où elle découvre que l'homme qu'elle aime est marié à Angela, celle qu'elle a tant haïe dans son enfance, la petite fille parfaite de son village natal ! Sa rancoeur, son amertume, la jalousie qui l'ont modelée et « pétrifiée », la conduisent à tout détruire de nouveau.
Magda Szabó distille la jalousie, goutte à goutte. Eszter se confie, se confesse et expie dans un monologue intense, désespéré et tranchant. Ce portrait de femme contradictoire, mais lucide, qui ne maîtrise ni ses sentiments ni ses pulsions, se dessine comme une tragédie grecque. Eszter sera la première à pâtir de ses propres maux.
Née à Debrecen en 1917, dans une famille cultivée de la grande bourgeoisie protestante, Magda Szabó était, de son vivant, considérée comme un auteur « classique » de la littérature hongroise. Certains la nommaient « le Mauriac protestant » car elle peignait les passions refoulées des habitants de la Grande Plaine. Ses premiers livres paraissent au lendemain de la Seconde Guerre, et elle est accueillie comme un des grands espoirs de la littérature hongroise. Cependant, en 1948, alors que sa patrie tombe dans la « corbeille » soviétique, elle rejoint le groupe littéraire « Nouvelle Lune » qui s'oppose violemment au régime en place, et qui décide, entre autres, d'utiliser le silence et de ne plus publier. C'est seulement au début des années soixante que Magda Szabó accepte à nouveau de publier et qu'elle rencontre un immense succès, tant dans son pays qu'à l'étranger. Certains de ses livres furent traduits aux éditions du Seuil dans les années 70, puis la France l'oublia. C'est en 2003 que les éd. V.H. publient La Porte qui obtient le Prix Femina Étranger. Elle décède en 2007.
Dans sa maison de la campagne hongroise, la vieille Mme Szöcs attend qu'on vienne la chercher pour aller à l'hôpital : son mari est en train de mourir. Sur place, le vieux Vince, inconscient, ne la reconnaît pas, et sa dernière phrase semble destinée à sa fille trop aimée, Iza. Iza, héroïne de cette histoire d'amour, d'incompréhension et de désespoir.
Une fois le père enterré, Iza emmène sa mère à Budapest, dans son appartement, pour qu'elle soient ensemble, à la grande joie de la vieille dame. Iza va tout préparer à la perfection, faire le tri entre les meubles à garder et ceux à abandonner, elle va arranger une chambre pour sa mère de manière parfaite, sans lui demander ni son avis ni ses envies : elle va lui offrir une vie où elle peut se « reposer », où elle ne pourra que se reposer.
Bien sûr, à Budapest, les draps usés et amoureusement raccommodés n'ont pas leur place, il y en a des neufs, les vieux costumes de Vince n'ont rien à faire dans les placards de la capitale, la bonne Terez fait impeccablement le ménage et la cuisine, quant à Kapitany, le vieux Kapitany, a-t-on idée de vouloir emmener un lapin dans un appartement ?
Petit à petit, la fragile vieille dame se pétrifie dans le mutisme et la non-existence dans laquelle sa fille l'enferme sans même sans rendre compte, jusqu'au jour où elle décide de retourner au village pour faire élever une stèle sur la tombe de son mari.
Les personnages qui gravitent autour d'Iza et de sa mère, Antal - l'ex-mari d'Iza - Lidia, l'infirmière si douce et généreuse, Domokos, l'amant d'Iza, apparaissent comme en flash-back, en noir et blanc très contrastés pour faire ressortir la beauté d'Iza en même temps que sa froideur, sa terrible incapacité à s'oublier et à donner, véritablement donner.
« L'occupation se mit en place presque instantanément, avec la facilité d'une loi naturelle. Ce qui explique peut-être que la ville ne connut guère la panique. Au début, les habitants restèrent chez eux ; la plupart des administrations chômèrent, et les épiceries ouvrirent tardivement leurs portes. L'essentiel avait eu lieu pendant que la ville dormait, et les habitants, surpris, s'accommodaient du nouvel état de choses comme un malade qui revient à lui après une anesthésie et qui apprend qu'on l'a déjà opéré et qu'il ne lui reste plus qu'à s'habituer à vivre sans ses jambes. » Lors de la Seconde Guerre mondiale, le Grand Reich envahit le royaume de Cédric X. Longtemps, lui et ses sujets vont accepter l'humiliation jusqu'au jour où les Juifs sont tenus de porter l'étoile jaune...
Budapest. Juillet 1919. Les « Rouges » de Béla Kun ont perdu. Une ère nouvelle débute pour la bourgeoisie. Seule Mme Vizy, la femme du haut fonctionnaire Kornél Vizy, est obsédée par tout autre chose : Anna, la bonne promise par le concierge, viendra-t-elle ? Enfin Anna paraît :
« Alors commença pour eux une existence idyllique dont ils sentaient en permanence le goût dans la bouche. Non, ils n'étaient pas victimes d'un mirage surpassant leur imagination. L'impossible s'était réalisé ; ils avaient mis la main sur la bonne, la vraie, celle dont ils avaient rêvé. » Pourtant, la bonne idéale, la domestique inégalée que tout le quartier Krisztina envie aux Vizy, assassinera ses maîtres au cours d'une nuit, transperçant leurs corps de neuf coups de couteau.
Pourquoi ? La meurtrière elle-même ne saura répondre à la question. Le procès n'apportera aucune réponse. Kosztolányi, dont on a dit qu'il était le plus grand écrivain hongrois du XXe siècle, nous laisse seuls juges de l'acte d'Anna, Anna la bonne, Anna la douce
« C'était la mort et non le sexe, le secret dont les grandes personnes parlaient en chuchotant, et sur lequel on aurait bien voulu en apprendre davantage. » Cet uppercut à la mâchoire, c'est la première phrase de Refus de témoigner.
Il est difficile de dire l' « indocilité » du récit dont Ruth Klüger nous fait ici l'abrupt et magnifique présent. Martin Walser ne s'y est pas trompé en commentant ainsi - à la Radio Bavaroise - sa parution en 1992 : « La précision du style, qui met en doute le témoignage de la mémoire, ne nous permet pas de nous dédouaner par la compassion. Je ne crois pas qu'on puisse lire ce livre sans se sentir provoqué... Chaque lecteur devra y répondre avec sa propre histoire. »
« Il est des livres qu'on sirote sans se presser, en modérant volontairement les signes d'impatience de l'index qui froisse les pages, comme si on voulait en préserver le parfum le plus longtemps possible. Le Traducteur cleptomane a le bonheur de faire partie de ces ouvrages-là. » Le Journal de Charleroi (Belgique).
« L'humour de Kosztolányi fait des ravages dans ces récits tranchants comme des rasoirs : l'avant-dernier, qui raconte les tribulations d'un chapeau melon, est un petit chef-d'oeuvre de dérision chaplinesque. Kafka chez Ubu... » - André Clavel, L'Événement du jeudi « Ne mourez pas avant d'avoir lu ces nouvelles ! » - Florence Lorrain, Librairie Atout-Livre (Paris XII)
Tout commence à Budapest un matin de mars 1936. Frigyes Karinthy, assis à sa table habituelle au café Central, entend partir des trains. Or il n'y a pas de gare aux environs. Victime d'une tumeur au cerveau, il va tourner vers lui-même l'humour féroce et décapant qui caractérise son oeuvre pour, une fois guéri, écrire ce Voyage autour de mon crâne. Ecrivain, caricaturiste littéraire, philosophe, poète, Frigyes Karinthy est l'une des grandes figures des lettres hongroises de ce siècle. L'exorcisme auquel il se livre dans ce récit autobiographique est un incomparable feu d'artifice de drôlerie, d'introspection et de désespoir transcendé.
Juin 1940.
« C'était le temps où ils étaient « corrects », qui précéda le temps où ils nous donnèrent des leçons de politesse ».
Ainsi débute le récit de ces 33 jours d'exode sur la route de Paris à Saint-Amour, dans le Jura.
Il aura fallu attendre plus de cinquante ans pour découvrir ce « grand livre » dont par Saint-Exupéry dans Pilote de guerre, cinquante ans pour avoir accès à ce précieux témoignage d'un spectateur « engagé » sur l'un des épisodes les plus douloureux de notre histoire.
Frigyes Karinthy disait : « je ne plaisante jamais avec l'humour ». Et on vous en donne la preuve avec les quarante nouvelles rassemblées dans Je dénonce l'humanité.
L'ironie karinthienne appuie férocement sur les petits défauts et les grandes manies de l'espèce humaine. Ses mesquines préoccupations quotidiennes, ses nombreuses inquiétudes existentielles et métaphysiques pointent ici leur nez dans des tableaux où l'absurde et le paradoxal sont rois.
Un père essaie d'aider son fils à résoudre un problème de mathématiques, un joueur d'échecs se met à chanter pour retrouver vigueur et courage, un arrogant clame sa discrétion légendaire, un détective tire des conclusions bien trop hâtives... et le banal devient grandiose.
La modernité insolente de ces « tranches de vie » résonne fort dans notre XXIe siècle. Leur humour corrosif convoque celui de Charlie Chaplin, ou de Pierre Desproges.
Traduction de Judith et Pierre Karinthy.
"Je naquis en la noble ville de Madrid le 6 janvier 1582. Je fus baptisé en la paroisse de San Miguel ; mes parrain et marraine furent Alonso de Roa et Maria de Roa, frère et soeur de ma mère. Mes parents se nommaient Gabriel Guillén et Juana de Roa et Contreras. Je voulus prendre le nom de ma mère lorsque j'allai servir le Roi, étant enfant, et quand je m'aperçus de l'erreur que j'avais commise, je ne la pus réparer parce que dans mes états de services il y avait "Contreras".
J'ai vécu jusques aujourd'hui et suis connu sous ce nom, et nonobstant qu'au baptême on m'ait appelé Alonso de Guillén, moi, je m'appelle Alonso de Contreras." Les Mémoires du capitan Alonso de Contreras, découverts à la fin du XIXe, sont un splendide et captivant récit d'aventures, vécues sur terre et sur mer par un capitaine de l'ordre de Malte au début du XVIIe siècle. Il nous raconte la guerre des galères en Méditerranée, les abordages entre les galions espagnols et les corsaires anglais, sans oublier les expéditions sous le soleil des côtes barbaresques.
Alonso de Contreras a séduit, de son vivant, Lope de Vega qui lui dédia sa pièce Le Roi sans royaume.
Gazdanov, comme des milliers de ses compatriotes en 1920, s'exile et se retrouve l'observateur fasciné et horrifié des bas-fonds parisiens. Au volant de son taxi, toutes les nuits, il parcourt le labyrinthe des rues de la capitale et de sa banlieue, en même temps que celui de sa mémoire.
S'élabore ainsi une géographie où s'entrecroisent les destins d'individus qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Apparaissent les figures, tragiques et comiques à la fois, de Raldi, la courtisane déchue, de Fédortchenko, l'ouvrier russe content de son sort et de Vassiliev, son âme damnée, de Suzanne à la dent d'or et de Platon enfin, l'ivrogne philosophe, qui est comme le récitant de cette histoire.
Cette conduite nocturne, qui accuse les ombres et les lumières des âmes, vibre de nostalgie et d'une espérance ample comme un printemps russe.
Dans ce roman antimilitariste publié en 1919, l'auteur livre sa propre expérience de la guerre. L. Werth a 36 ans lorsqu'il s'engage volontaire pour le front. Il y restera quinze mois pendant lesquels il prendra conscience de toute l'horreur de la guerre.
Le Cerf-volant d'or est le dernier roman de Kosztolányi à sortir en bis.
Les livres de l'auteur hongrois remportent un vrai succès dans la collection (plus de 15 000 ex. du Traducteur cleptomane vendus à ce jour). Si Alouette et Anna la douce présentaient deux destins de femme, Le Cerf-volant d'or « cerne » l'existence d'Antal Novàk, professeur de mathématiques-physique-chimie du lycée de Szárzeg (ville imaginaire où évoluent déjà les protagonistes d'Alouette). Positif, épris de son métier, ayant foi en sa mission d'éducateur, amoureux de la nature, Antal Novàk est respecté par ses élèves qui l'estiment et le craignent à la fois.
Mais le professeur est aussi le père d'une jeune fille de dix-sept ans, qu'il élève seul. Au faîte de sa carrière, jouissant de la reconnaissance de tous, le conflit qui l'oppose à Hilda et le mutisme obstiné d'un de ses élèves de terminale bouleversent ses certitudes et font basculer son univers...
Alouette doit partir une semaine à la campagne ! Ses vieux parents achèvent amoureusement la valise. Comment vont-ils survivre à une si longue absence ? Quand Alouette paraît, le sourire se fige. Elle a trente-cinq ans. Elle est laide. Très laide.
Cette semaine sera la semaine de tous les possibles.
Mais Alouette revient. Grossie, encore plus laide, encore plus grotesque. Tout rentre dans l'ordre. Et les parents, émus, soupireront : « À tire-d'aile notre petit oiseau nous est revenu ».
Alouette est un des classiques incontestés de la littérature hongroise, et Kosztolányi le considérait comme son plus grand roman.
Traduction de Maurice Regnaut et Ádám Péter.
Quinze ans après Refus de Témoigner, Ruth Klüger donne à lire ici le récit de sa vie, celle d'une petite Viennoise juive déportée à onze ans, échappée d'Auschwitz, avec sa mère, à seize ans, exilée aux États-Unis par nécessité, où elle est devenue adulte. Cette femme s'installe dans un pays neuf, et se confronte au « quotidien » complexe et ambigu des années 1950.
Ruth Klüger appartient à cette génération des femmes qui ont dû se battre pour l'« égalité » dans tous les domaines : mariage, maternité, vie professionnelle... Elle analyse les relations qu'elle entretient avec les personnes (parents, amis, collègues), avec les lieux (les villes où elle a habité aux États-Unis), ses séjours dans diverses villes d'Allemagne, ses retours à Vienne, sa ville natale, lieu de tous les malaises.
Le fil rouge est la discrimination constante, ressentie sans jamais parvenir à déterminer si elle la concerne en tant que « Femme » ou en tant que « Juive ». Ruth Klüger analyse, débat avec elle-même et avec les autres ; que garde-t-on, que refoule-t-on de ce que l'on a vécu ? Quels sont les mécanismes si complexes de la mémoire individuelle et de l'attitude collective envers les horreurs du passé et leurs victimes, leurs auteurs et leurs témoins ?
Compte-rendu et accusation - énoncés avec un humour « klügerien » - se recoupent sans délimitation. Ce qui de prime abord peut faire l'effet d'une susceptibilité excessive au moindre manquement impressionne l'instant d'après par une lumineuse exigence d'équité. Et tout le récit submerge le lecteur par cette sincérité d'une intelligence souveraine, aux antipodes de toute paranoïa, qui est le cadeau qu'offre la générosité exceptionnelle d'une femme exceptionnelle.
(Dans le livre, les poèmes sont traduits de l'allemand par Jean-Léon Muller).
Dans un pays et un temps indéterminés, quinze jours avant d'être démobilisé, le lieutenant Livius fait l'objet d'une mutation dans la montagne, vers une lointaine forteresse. Une fois sur place, le jeune homme découvre un univers à part, absurde et paranoïde, où des hommes qui ne savent rien de leur situation, sinon qu'ils doivent obéir à un Ordre énigmatique, s'accrochent à leur passé et à leurs certitudes...
On connaît Léon Werth quand il était petit garçon puisque Saint-Exupéry lui a dédié «Le Petit prince». Il reste à découvrir L. Werth écrivain, amoureux des gens, des formes et de la vie, grâce à un roman qui aborde la douleur et la maladie.
Quand Martine Fauré meurt, son fils quitte Paris pour passer le mois d'août en Provence, chez un ami. La rencontre avec la forêt, ses senteurs, sa lumière, son immuabilité et son silence vivants fait pressentir à Pierre - cet homme simple, comptable dans une petite entreprise - un royaume insoupçonné où le temps, l'espace et les sensations sont souverains.
Syrie, an 900.
Un étranger à cheval traverse nonchalamment le souk al- Kibir de Damas. Soudain, sa main tombe sur le bras du jeune garçon qui tente de s'emparer de la bourse qui bat le flanc de sa monture.
Ainsi débute la quête du prince Ahmed revenu sur sa terre d'origine avec le fol espoir de retrouver sa femme et son fils qu'il a été contraint d'abandonner dix années auparavant pour suivre son seigneur réfugié à Cordoue.
Annie Messina entremêle les histoires avec la maîtrise du conteur oriental. Elle nous tient en haleine telle Shéhérazade captivant le Sultan durant mille et une nuits.
Printemps à Stockholm. La nature renaît, reprend peu à peu ses droits sur l'hiver et les rues grouillent de monde. Thomas Weber vient d'obtenir sa licence en médecine. N'exerçant encore aucune activité sérieuse, il flâne par les rues du centre-ville et non loin du port, prêt à se jeter dans l'aventure au grès des rencontres fortuites. Un seul but occupe son esprit : dépenser au plus vite l'argent que son père lui a offert en récompense de son succès universitaire. Son premier achat sera une élégante paire de gants rouges ; d'ailleurs la vendeuse, au cou gracile et à l'épaisse chevelure, va vite hanter sa rêverie.
Égarements est un roman de la sensation, d'une belle mélancolie, sur les soubresauts de la jeunesse et l'entrée dans l'âge adulte. À sa parution, en 1895, il provoque un scandale, car jugé indécent et pornographique ; depuis, il est devenu un classique de la littérature scandinave.
Contemporain de Strindberg, Hjalmar Söderberg fut aussi réputé que lui dans les pays nordiques où il demeure l'un des écrivains du XIXe siècle les plus lus.
Pourquoi Napoléon a-t-il recouvert le manteau impérial d'abeilles ? Pasolini, apiculteur passionné sur l'île d'Elbe, est sûr que le destin de l'Empereur est lié à l'insecte ; sa stratégie militaire n'est-elle pas copiée sur celle des abeilles autour de leur reine ? Quelle n'est pas l'émotion de ce bonapartiste convaincu lorsqu'en 1814, Napoléon arrive sur l'île dont il se voit octroyer le règne. Le monarque déchu prend vite possession du territoire, il l'explore, mais il s'intéresse mystérieusement à une des richesses locales : le miel.
La visite des ruches serait une façon de donner corps à l'emblème impérial. Le rendez-vous avec Pasolini est pris. L'affaire tombe bien puisque ce dernier a été désigné par un mouvement secret pour le convaincre de prendre la tête d'une armée afin de libérer l'Italie. Dans l'univers étouffant de l'île, l'apiculteur s'emballe dans l'expectative de la rencontre jusqu'à la folie. Il finira mal... et l'autre, son histoire est écrite dans les livres.
Ce court roman est un récit à plusieurs voix. On est témoin à la fois des conflits intérieurs de Napoléon, des obsessions de Pasolini, mais aussi du plaisir gai et pervers du narrateur à se perdre dans les fantaisies de ses personnages. C'est une merveille d'originalité, un de ces ouvrages marginaux, qui dérangent autant qu'ils émerveillent, exerçant un pouvoir hypnotique, servi par une langue belle, froide et sensuelle.
Cette réflexion sur la nature, sur les rêves de puissance, et sur l'équilibre fragile des forces qui nous dominent est une fable sur la liberté et sur l'Histoire.
Une fois installé dans une petite ville de province grâce à Askanius le restaurateur, Libotz, l'étranger, fait le bien et résiste au mal, car la vertu est son destin. Mais Libotz le bouc émissaire ne parvient pas à sauver Askanius du désastre déclenché par le procureur Tjärne, pas plus qu'il ne se fait accepter dans la ville.
Chacune des nouvelles de Cygnes noirs est une fenêtre ouverte sur la destinée de Russes que l'auteur a côtoyés, perdus de vue ou retrouvés. Tout l'art de Gazdanov consiste à observer sans a priori ses frères humains, particulièrement les exilés, les déracinés en quête d'identité, pour les fixer d'un trait et en faire des personnages inoubliables. La révolution bolchevique gronde et des cohortes de Russes blancs ont rejoint la France, où leur sort a basculé. Les protagonistes des quatre nouvelles inédites rassemblées ici incarnent magnifiquement le tragique, l'absurde et le hasard des destinées. Les souvenirs, les portraits, les intrigues nous sont contés entre rêve et réalité, dans un Paris minutieusement détaillé. Le lecteur sera fasciné et se laissera hypnotiser par l'écriture d'un des plus grands auteurs russes du XXe siècle. Ces nouvelles ont été réunies et préfacées avec brio par Elena Balzamo, traductrice et spécialiste de Gaïto Gazdanov. Depuis 1990, les éditions Viviane Hamy poursuivent la traduction de l'ouvre de cet écrivain russe, souvent comparée à celle de Proust ou de Camus ; s'en dévoile ici une facette inconnue.