Après l'ouverture du mariage aux couples homosexuels en France, les mouvements réactionnaires ont orchestré une vaste campagne contre la « théorie du genre », dangereuse propagande venuetout droit des campus américains.Bruno Perreau démontre que cette campagne s'attaque en réalité à la théorie queer, précisément parce que celle-ci est largement inspirée de penseurs français tels que Foucault, Beauvoir et Derrida. Il propose une enquête sur les liens entre identité, communauté et nation en France : si la théorie queer dérange autant, c'est parce qu'elle soutient l'idée que le sentiment d'appartenance ne naît pas d'un socle de valeurs et de références communes mais, au contraire, de la capacité à en contester le bien-fondé.Qui a peur de la théorie queer ? présente les nombreuses facettes de la réponse à la théorie queer en France, de la Manif pour tous au militantisme lesbien, gay, bi et trans, en passant par les séminaires de recherche, l'émergence de nouveaux médias, les politiques de traduction ou encore les débats autour du nationalisme etde l'intersectionnalité.Contre l'idée de « tyrannie des minorités », Bruno Perreau propose une théorie critique de la représentation, plus attentive et plus hospitalière.
« Chacun comprend aisément qu'une croissance infinie dans un monde fi ni est impossible, tout en agissant comme si cela n'était pas vrai. Nous sommes collectivement affligés d'une dissonance cognitive : pour assurer notre confort psychique, nous renonçons à considérer la vérité qui nous embarrasse en espérant que, finalement - mais sans trop savoir comment - tout finira par s'arranger... » En réalité nous savons comment sortir de l'impasse. Pour nous guérir de notre addiction à la croissance, nous devons restaurer la notion de biens communs, réhabiliter la réciprocité, en fi nir avec l'endettement, renouer le dialogue avec la nature.
L'Anthropocène a fait une entrée tonitruante dans la pensée contemporaine. Pour la première fois dans l'histoire de la planète, une époque géologique serait défi nie par l'action d'une espèce : l'espèce humaine. Mais que l'on isole l'humanité en tant qu'acteur unique ou que l'on pointe le rôle récent de la révolution industrielle, c'est toujours une vision occidentale que l'on adopte pour décrire le basculement annoncé, au risque de tenir à l'écart le reste du monde, humain et non humain.
Issu d'un colloque organisé par Philippe Descola et Catherine Larrère au Collège de France, à l'initiative de la Fondation de l'écologie politique, cet ouvrage réunit les contributions de chercheurs d'horizons multiples sur un sujet qui par défi nition traverse toutes les disciplines. Sans négliger les controverses entre géologues, il prend le parti de la pluralité des récits anthropocéniques, en privilégiant le point de vue des peuples sur un changement qu'ils subissent et que l'on nomme à leur place, et en tenant compte de la dimension sociale, genrée et inégalitaire de la question climatique.
Ouvrant la réflexion à d'autres manières d'habiter la terre, aussi improbables paraissent-elles, il montre que l'avenir n'est pas que le prolongement linéaire du présent.
Ville durable, frugale, sobre, résiliente, intelligente... Face à l'urgence environnementale, partout à travers le monde se multiplient les projets urbains innovants pour réduire la pollution et le gaspillage.Mais que valent ces expériences à l'échelle de la planète ?Quelles sont leurs limites ? Est-il possible de rendre une ville durable sans nuire à son voisinage ? Comment détecter les fausses bonnes idées ?C'est ce à quoi s'emploie cet ouvrage, qui ne se contente pas de dresser un panorama d'expériences pionnières menées dans neuf métropoles de pays industrialisés et émergents, du Nord comme du Sud, mais qui s'intéresse à des procédés d'échelles et de natures très différentes - un objet urbain comme une ville entière - pour tenter d'en dresser le bilan et de discerner des pistes de généralisation.
Évolution aussi majeure que silencieuse, les promoteurs immobiliers sont devenus, en France, des partenaires incontournables des politiques publiques du logement. Afin de continuer à soutenir la construction - y compris celle de logements sociaux - tout en limitant leurs investissements, l'État et les maires choisissent depuis vingt ans de « faire faire » aux promoteurs. Ils négocient avec eux, les orientent ou les sanctionnent, utilisant volontiers les outils de régulation fiscale pour encourager ces acteurs peu étudiés, qui comptent dans leurs rangs les filiales de grands groupes tels que Bouygues, Vinci, BNP Paribas, Société générale, etc.Mais alors que les coûts de l'immobilier explosent et que le droit au logement peine à s'exercer, cette nouvelle forme de fabrication des politiques publiques a son revers : en se rendant dépendants des promoteurs, les acteurs publics risquent de se voir dépossédés de la conduite de leur action.
Que sait-on de la justice chinoise contemporaine ? Quelles sontles caractéristiques et la marge d'indépendance d'un systèmejudiciaire qui a muté au rythme de l'évolution de la Chine postmaoïstepour devenir, aujourd'hui, l'un des plus vastes et l'un desplus high-tech du monde ?Pour répondre à ces questions, Stéphanie Balme a choisi d'observerla justice chinoise de l'intérieur. Son ouvrage s'appuie sur desenquêtes de terrain menées auprès des cours populaires denombreuses localités. Il dévoile ainsi les multiples visages de lajustice ordinaire tout en montrant les écarts entre les discoursoffi ciels, le droit positif et le droit en action.Ce travail inédit révèle les contradictions majeures d'un appareiljudiciaire qui se réforme de façon chaotique en plaquant lesprincipes internationaux de bonne gouvernance sur des ritesancrés dans une double tradition impériale et maoïste. Comprendrecette réalité est essentiel alors que la Chine est au coeurde la globalisation et que son modèle tant juridique que politiquedéfi e les principes fondateurs de l'État de droit.
Plus de vingt ans avant le « printemps arabe », le régime du partiunique s'est subitement effondré en Algérie pour laisser place à unsystème pluripartisan. Comment cette première expérience démocratiquede la région s'est-elle organisée ? Et comment a-t-elle échouétrois ans plus tard ?L'ouvrage reconstitue ce processus, à partir d'un matériau d'uneampleur inégalée : entretiens avec les responsables des principauxpartis politiques (FLN, FIS, RCD, FFS), des ministres, des généraux, desfonctionnaires locaux et départementaux ; décryptage de nombreusesarchives originales (du FIS et du ministère de l'Intérieur notamment), dela presse et de textes juridiques. Il retrace la mise en place des nouvellesrègles du jeu politique, la sélection des acteurs habilités à participer àla compétition électorale, les apprentissages politiques soutenant laconstruction d'un système partisan pluraliste, les alternances deconfi ance et de méfi ance.Tel un laboratoire du changement démocratique, où s'éprouvèrenttoutes les conditions nécessaires à ce passage, l'expérience algériennen'a résulté ni d'un simple basculement, ni d'une évolution linéaireconsécutive à une crise de régime. Mais plutôt d'un processus erratiqueet imprévisible livrant à chaque étape de nouvelles confi gurationsd'acteurs pris collectivement dans une dynamique que personne nemaîtrisait.Un livre clé pour comprendre la place singulière de l'Algérieainsi que sa « stabilité » lors des « révolutions arabes ». Une grilled'analyse pour porter un regard plus averti sur les bouleversementsactuels du monde arabe.
Fracture entre le peuple et les élites, inégalités sociales etsexuées, faiblesses de la démocratie participative, rejet du projeteuropéen au profi t du nationalisme, primauté de l'intime dansla construction de l'engagement politique et du lien citoyen,incertitudes du socialisme et du libéralisme de demain...Que nous disent ces signaux sur l'évolution de la démocratie enFrance se demande ici une équipe de chercheurs du CEVIPOF ?Que le « commun » ne se fabrique plus à partir du public maisdu privé. Que le politique a désormais pour creusets des espacescommunautaires de toutes sortes, famille, obédiences religieuses,partis politiques, oligarchies... Qu'à cette confusion des répertoiresrépond une fragmentation sociale assumée, malgré lescélébrations républicaines et les appels à l'union nationale.Ainsi s'élabore une démocratie de l'entre-soi, en rupture avec leprincipe de séparation des espaces public et privé qui a fondé lavie démocratique depuis les révolutions américaine et française.
La biodiversité est omniprésente dans les arènes nationales et internationales. Affranchie d'une approche exclusivement écologique, elle est devenue un enjeu d'action publique.C'est à cette mise en politique de la biodiversité que s'intéresse cet ouvrage pluridisciplinaire, en reliant des champs scientifiques éclatés et en traitant d'aspects négligés tels que les effets d'échelle, l'impact politique des catégories scientifiques mobilisées par les acteurs et l'instrumentalisation par les États des normes internationales.Ce panorama inédit laisse entrevoir, malgré l'urgence affirmée par les scientifiques et l'enjeu social incontournable qu'elles représentent, un avenir incertain pour les politiques de biodiversité.
La montée de l'abstention, celle des partis d'extrêmedroite, l'émergence d'une consommation engagée ou deformes de mobilisation des minorités ethniques, la placede l'identité nationale, le rôle des associations dans la viedémocratique... la sociologie politique se trouve au défid'expliquer le maintien ou les transformations des formesde politisation.Ce défi , Nonna Mayer l'a relevé tout au long de sa carrière,en alliant ouverture intellectuelle et rigueur méthodologique.Hommage à la sociologie politique plurielle quecette pionnière de la survey research expérimentale à lafrançaise a pratiquée et soutenue, l'ouvrage dresse unétat des lieux des recherches et des controverses qui animentaujourd'hui ce champ de la science politique. Il compose ainsiune introduction à l'analyse des comportements politiques.
Il est probable que nous vivions vieux, incertain que nous vivions en bonne santé. Pour mieux cerner la question de la dépendance des personnes âgées, de plus en plus aiguë avec le vieillissement de la population, Christophe Capuano apporte son regard d'historien et revient sur la genèse de l'État social depuis les années 1880.Les dispositifs mis en place, fondés sur l'assistance ou l'aide sociale, ont toujours été déficients. Longtemps assimilées aux grands infirmes ou aux handicapés, les personnes âgées ont perdu les bénéfices de la politique du handicap à la fin du XXe siècle. Quant au cinquième risque de la Sécurité sociale - celui de la dépendance -, sa création s'est vue constamment repoussée jusqu'à nos jours.Au travers du sujet de la dépendance, l'auteur souligne la priorité donnée aux économies budgétaires et aux logiques des finances publiques dans les politiques sociales menées envers les troisième et quatrième âges. Il insiste également sur le rôle essentiel des familles, qui se maintient au fil du temps n'en déplaise aux pouvoirs publics qui ne cessent de pointer leur désengagement.
Le constat est patent : le métier de député a changé.Cherchant à analyser les effets de l'intégration européenne sur l'Assemblée nationale, Olivier Rozenberg a interrogé une soixantaine de députés sur leur conception de l'activité parlementaire.Sous la pression de l'Europe, le rapport de l'élu à son électeur, à la loi, aux ministres ou à lui-même s'est modifi é. Il doit monter des dossiers de subvention, se faire le relais des griefs des électeurs, agir en lobbyiste à Bruxelles, ourdir des « coups » politiques autour des enjeux européens, etc.Ainsi, différents profils de parlementaires s'européanisent. Entrepreneurs locaux, défenseurs du terroir, souverainistes, présidentiables ou experts peuplent de « tristes hémicycles », théâtres d'une profonde transformation depuis Maastricht. Une tristesse qui doit autant aux difficultés d'adaptation des deux assemblées à l'Union européenne qu'aux émotions que les représentants mobilisent quotidiennement dans l'action.
La critique n'est pas nouvelle. Apparue dès l'« échec » du Frontpopulaire, elle est revenue depuis comme une antienne : les socialistesfrançais seraient incompétents en matière économique. Mais nes'agit-il pas d'un stéréotype ?S'appuyant sur des sources et des témoignages inédits, Mathieu Fullaentreprend d'analyser les programmes économiques du parti socialiste,depuis les discussions entre experts jusqu'à leur intégration dans lesdiscours partisans. Il propose ainsi une histoire économique du politiquequi éclaire les débats actuels au sein de la gauche. Au fi l de cetouvrage, le lecteur apprendra notamment que, dès 1936, Léon Blumpratiquait la « détente fi scale » chère à Pierre Moscovici. Quant auxdéclarations énamourées de Manuel Valls ou d'Emmanuel Macron auxentreprises, la perspective historique permet d'y voir, plutôt que l'actede naissance d'un « social-libéralisme à la française », l'avènementd'un socialisme qui tend à préférer l'offre productive au relèvement dupouvoir d'achat des classes populaires.
Si les États européens ont, en permanence inventé de nouvelles fonctions, lÉtat en Allemagne présente la particularité que sa restructuration tient compte de lagrandissement du territoire et de la population. Les auteurs de ce livre posent une double question : ces transformations induisent-elles plus ou moins dÉtat ? LÉtat allemand nest-il pas, en dernier ressort, mieux adapté que dautres pour exercer ces nouvelles fonctions, dans la mesure où il est, depuis longtemps, un vrai négociateur, partageant avec dautres acteurs les fonctions de régulation ?