Au milieu de luxuriants jardins surplombant le Bosphore, l'architecte Sedad Hakki Eldem avait construit en 1948 le café Ta?lik, un édifice alliant architecture ottomane et modernisme occidental. Accessible à tous, sans distinction de classe ni de genre, ce lieu symbolisait alors l'idéal démocratique de la jeune république turque. Qu'en reste-t-il de nos jours? Démantelé et déplacé, le café, comme les jardins qui l'entouraient, a laissé place à un complexe hôtelier de luxe. La vue imprenable dont les habitants pouvaient autrefois jouir librement est désormais monnayée. Par son récit, Victor Burgin redonne vie à cet édifice. En mettant au jour des évolutions urbaines que l'on retrouve dans les métropoles du monde entier, il propose une définition de la ruine propre à l'ère capitaliste.
Certains illustrateurs se distinguent par une pratique paradoxale. Ils conçoivent des images qui, tout en étant liées à un texte, tendent à s'en émanciper. Elles provoquent le regard du lecteur en lui offrant, au lieu d'une illustration littérale du texte, une énigme à déchiffrer. Le choix d'une esthétique fantastique caractérise souvent ce processus d'autonomisation du visuel. Parmi les illustrateurs qui pratiquent ce genre, certains renversent la hiérarchie conférant la primauté à l'écrivain, ou rédigent eux-mêmes les textes qui illustrent leurs images. Le néologisme de « dessinauteur » désigne cette catégorie d'artistes qui revendiquent d'être auteurs par l'image.
On connaît l'histoire tragique de Lucrèce, mais de son portrait, peint en 1666 par Rembrandt, on ne savait presque rien jusqu'au jour où un restaurateur découvre sur la toile une trace qui avait jusque-là été masquée. C'est à partir de cet indice que l'auteur nous conduit vers une quête de sens donnant au tableau toute sa profondeur et sa sincérité.
L'auteur de ces pages découvre dans le coin droit du col du joueur au centre des Tricheurs du Caravage un détail que l'on ne voit que si on se rapproche très près du tableau. Cependant, une fois ce détail aperçu, non seulement il fait intégralement et irrémédiablement basculer le centre de gravité, l'équilibre du tableau et en change le sens, mais, de surcroît, on ne voit plus que lui. Ce détail, fut-il voulu par l'artiste ou fut-il un fait du hasard? Historien et théoricien de l'art, spécialiste de la Renaissance, Jérémie Koering interroge les traditions poétiques et picturales de l'Italie du XVIe siècle pour vérifier si, à tout le moins, l'existence de ce détail peut être plausible historiquement, ou s'il faut la mettre sur le compte d'un acte manqué ou d'un glissement involontaire du pinceau du peintre ou encore d'une aberration... Dans cette enquête, Jérémie Koering entraîne le spectateur dans un questionnement vertigineux, non sur le vrai et le faux, mais sur le visible et l'invisible ou plus exactement sur les effets de l'invisible sur le visible, autrement dit sur le regard et la vision.
L'ouvrage est une étude du Rêve, pris comme support d'une réflexion plus générale sur le statut de l'invention en art, n'est pas tant une représentation de l'état de rêve, perpétuant la tradition romantique de « l'imagination créatrice », qu'une anticipation onirique de l'abstraction, telle que peut l'entendre, au passage du siècle, un artiste baigné de spéculations anarcho-théosophiques.Le tableau anticipe ainsi une double transformation mise en mouvement autour d'un subtil jeu de (dé)matérialisation: l'évolution de l'espèce accompagne celle de la peinture ou, plus encore, la nouvelle peinture, dégagée du plan matériel de l'objet, prépare l'évolution spirituelle de l'espèce. L'espèce humaine sera bientôt faite de créatures éthérées jouissant intégralement de l'ivresse cognitive des vibrations chromo-lumineuses. C'est là un premier niveau d'interprétation « ésotérique» du Rêve où la puissance visionnaire de l'artiste propulse le corps physique du rêveur dans un devenir télépathique de l'espèce.
Jean Siméon Chardin, Edgar Degas, Vincent van Gogh et Jacqueline de Jong comptent parmi les nombreux artistes ayant pris pour motif les scènes de billard. D'abord pratiqué dans les salons de l'aristocratie européenne avant de gagner les intérieurs bourgeois et les troquets du XIXe siècle, ce jeu d'adresse et de hasard est à l'origine d'une iconographie aussi riche qu'inattendue. Se penchant sur l'histoire visuelle et sociale de ce loisir, l'auteur décrypte l'évolution de ses représentations et dresse un corpus d'oeuvres incitant à penser l'histoire de l'art comme un « jeu de position » en perpétuelle reconfiguration, selon l'expression de Michael Baxandall.
C'est un moment rare lorsque s'ouvre une nouvelle bibliothèque d'histoire de l'art. Elle nous offre un nouvel espace, plus: un nouvel outil. Un nouveau rapport au temps, au savoir, à la pensée. Fût-ce avec l'héritage combiné de fonds d'ouvrages déjà constitués avant et ailleurs, elle inaugure, par sa configuration inédite et son fonctionnement, de toutes nouvelles possibilités pour la recherche, pour la connaissance et la pensée sur les images, sur leur histoire. Une nouvelle bibliothèque d'histoire de l'art serait donc, à strictement parler, un ouvroir d'histoires de l'art potentielles (il faut évidemment écrire histoires de l'art au pluriel, puisque qui dit potentialité dit aussi multiplicité des possibles).Georges Didi-Huberman
La fable de La Fontaine, « Le Loup et le Renard », met en oeuvre une approche anthropologique de l'image mangée. À partir de l'analyse de ce récit, envisagée sur l'angle d'une fiction théorique d'origine, sont mises en écho plusieurs oeuvres permettant de décliner les principaux enjeux des pratiques iconophagiques. Plus spécifiquement encore, l'étude s'appuie sur les figurations d'un aliment, le lait, dont il est fait l'hypothèse qu'il constitue l'une des substances élémentaires de l'iconophagie en art.
Les oeuvres du Land art se déploient dans le silence des déserts, nues, massives, monumentales et cependant d'une fragilité extrême. Pures présences, elles sont toujours sur le point de devenir invisibles, toujours au bord de la disparition. Penser leur restauration excède largement le domaine de spécialisation dans lequel on a souvent tendance à enfermer l'acte même de restaurer.
Les gravures de Piranèse agrandissent ou réduisent à plaisir les monuments, elles jouent de l'infiniment grand et de l'infiniment petit, elles tordent les perspectives et modulent les premiers plans comme si le graveur, conscient de ses effets, ployait les monuments à son propre plaisir pour les faire parler à sa place.
Tout se passe durant la longue construction du palais Farnèse de Caprarola (1559-1630) et la réalisation de son programme décoratif. Entre un dessin préparatoire de Taddeo Zuccaro représentant la Maison du Sommeil (1562) et la peinture à fresque du médaillon qui en découle dans la chambre d'été du cardinal Alexandre Farnèse, quelque chose a disparu... S'est perdu? C'est sur les traces de cet évanouissement que s'engage ici Jean-Claude Lebensztejn, historien de l'art dont l'oeuvre se définit plus par une méthode que par une période ou un type d'objets spécifiques. Ce qu'on peut souhaiter à l'histoire de l'art, disait-il, « ce n'est pas seulement qu'elle tienne compte de tous les paramètres de la recherche, documentaire, formel, théorique, fantasmatique, mais qu'elle les intègre davantage; que la production qui se constitue là soit un va-et-vient organique, innervant de part en part le matériau d'étude ».Ce qui se rejoue ici entre un dessin préparatoire, la peinture à fresque d'une chambre d'hiver puis d'une chambre d'été et enfin d'une chapelle d'un même palais, c'est un drame qui affecte le statut des rêves ou des songes ainsi que l'histoire de leur représentation et de leur interprétation. Drame épistémologique qui, du point de vue thématique, met en jeu le passage de motifs mythologiques à d'autres bibliques. Drame moral aussi, parce que dans ce passage le sommeil a pu aussi devenir coupable. Cette collusion des langages et des époques nous fait effectivement transiter de la maison du Sommeil au rêve proprement dit, qui n'est sans doute pas encore le rêve tel que nous le connaissons et l'interprétons aujourd'hui, mais qui n'en est pas moins déjà rêve. En un court précipité, Jean-Claude Lebensztejn convoque, dans ce cheminement sinueux entre les différents espaces du palais Farnèse de Caprarola, des siècles de spéculation sur les rêves.
Le Bibliothécaire, peint par Giuseppe Arcimboldo probablement vers 1566, est un tableau maintes fois analysé et commenté. Lui-même bibliothécaire, Yann Sordet propose dans ce texte un nouveau regard sur l'oeuvre. Historien du livre et des bibliothèques, l'auteur se livre à une lecture archéologique, examinant et caractérisant les types de livres représentés. Qu'y voit-on vraiment?Une énigme se fait jour, intrigue du regard en même temps que mystère de l'image qui se délite, se décompose, se dérobe au regard, s'éloigne à mesure que l'on s'en rapproche, qu'on la détaille (au sens de découper). Dans un texte nerveux et tendu comme une enquête, policière ou « archéologique », Yann Sordet, mobilisant une extraordinaire érudition, fait émerger du tableau d'autres images, d'autres récits, d'autres histoires. Ici, une lecture se raconte où chaque élément, présent et même absent du tableau, infléchit le récit. Dans ce travail d'analyse et de déconstruction, qui rappelle tous les enjeux de la lecture d'un tableau, que reste-t-il du bibliothécaire? Et si le bibliothécaire n'était pas un bibliothécaire? En plus d'une passionnante étude sur le Bibliothécaire d'Arcimboldo, Yann Sordet signe ici un véritable petit traité de la méthode. Dans cet instable échafaudage, l'image du bibliothécaire surgit puis se dissout. Par cette apparition-disparition, c'est la place et le rôle du bibliothécaire, au XVIe siècle comme de nos jours, que l'auteur interroge. Ce texte est issu d'une conférence prononcée à l'occasion des Sixièmes Rencontres de la galerie Colbert.
Gertrud Bing collabore à partir de 1921-1922 avec Aby Warburg à Hambourg. En 1933, elle organise le déménagement de l'Institut Warburg à Londres. En 1955, elle prend la direction du Warburg Institute. Lorsqu'en 1958, elle décide de réaliser une biographie d'Aby Warburg. L'ouvrage présente toutes les archives inédites de ce projet de bio interrompu.
Qui est cette femme représentée sur le fameux Portrait d'une femme noire réalisé en 1800 par Marie-Guilhemine Benoist (1768-1826)? Qui se cache derrière cette présence en gloire presque qui s'impose par sa beauté souveraine sur ce tableau pourtant réalisé par une peintre dont l'engagement politique en fait bien une partisane des royalistes esclavagistes plus que d'un Girodet républicain, son prédécesseur qui, avant elle, avait réalisé le portrait de Jean-Baptiste Belley, premier député noir de France? C'est en opérant un déplacement radical du point de vue et de la méthode qu'Anne Lafont, en historienne de l'art spécialisée dans la représentation des Noir.e.s,, propose une nouvelle « lecture » de ce tableau. Se détournant des intentions de son auteur, sondant à la fois la généalogie des portraits de personnes de couleurs et l'histoire des femmes noires affranchies, Anne Lafont fait l'hypothèse que l'histoire de cette femme pourrait s'apparenter à celles des signares et ou des Créoles placées, esclaves qui ont conquis leur affranchissement par des jeux d'alliance; elle imagine, par ailleurs, au-delà de toutes les influences de l'histoire de l'art, une influence exercée par la modèle elle-même sur sa portraitiste.
A un siècle de distance, trois peintres, François-Auguste Biard (1799-1882), Peder Balke (1804-1887) et Anna-Eva Bergman (1909-1987), furent marqués par leur expérience du Grand Nord. Balke fut en 1832 l'un des tout premiers artistes à effectuer un voyage dans le Finnmark (la partie la plus septentrionale de l'Europe), jusqu'au cap Nord, à une époque où aucune liaison maritime régulière ne permettait encore de s'y rendre facilement. Biard se rendit dans la même région en 1839, explorant les côtes septentrionales de la Norvège avec sa compagne Léonie d'Aunet puis rejoignant à Hammerfest l'équipage de la corvette La Recherche, qui, sous la direction du naturaliste Paul Gaimard, menait depuis 1835 des missions d'exploration dans le Grand Nord : avec celui-ci, il poussa jusqu'aux îles Spitzberg (aujourd'hui archipel du Svalbard), avant d'entamer un long périple terrestre en Laponie. Bergman fit par deux fois un voyage similaire, d'abord en 1950, puis en 1964. Ils en rapportèrent des impressions décisives, qui laissèrent leur marque sur l'ensemble de leur oeuvre postérieur, notamment, dans le cas de Balke et de Bergman, en brouillant les frontières de la figuration et de l'abstraction.
Appréhender les arts visuels comme un certain rapport à la danse et, réciproquement, la performance dansée en tant qu'image en mouvement, tel est l'objet de ce numéro. De l'Antiquité à nos jours, le sommaire décline une diversité de thèmes et d'approches méthodologiques, incluant des études traitant des danses comme autant de pratiques sociales genrées, situées au confluent de l'artistique, du politique et du transcendant. La question de la médiation de la danse, qu'elle relève de la représentation graphique - incluant les différents systèmes de notation chorégraphique - ou de l'image (fixe ou mobile), y tient une place significative, puisqu'elle modèle non seulement notre manière de l'imaginer et de la décrire, mais également notre façon d'en faire l'expérience. Thématique privilégiée pour penser la porosité disciplinaire de laquelle procède l'histoire de l'art, la danse, à travers les notions d'empathie, de kinesthésie, comme de vie des images, vient déstabiliser notre rapport au temps et à l'espace, créant une continuité entre des réalités hétérogènes. À travers son prisme, sont notamment repensées les questions afférentes à l'espace muséal et à ses collections, aux catégories artistiques de la performance ou de la théâtralité, ainsi qu'à certaines notions anthropologiques, tels le rituel, le divertissement, ou celle, plus générique, de geste.
Au milieu du XXe siècle, Robert Klein s'est attelé à une tâche immense: repenser l'art et son histoire à partir de la notion aristotélicienne de technè. Loin d'être réductible à la représentation ou à la production du beau idéal, l'art est manière de faire, habitus ou disposition à produire selon une « droite raison » (recta ratio). Dans L'Esthétique de la technè, cette thèse placée sous la direction d'André Chastel et restée jusqu'à ce jour inédite, Klein montre de quelle façon cette conception artificialiste de l'art irrigue l'essentiel de la pensée et de la production artistique du XVIe siècle. L'oeuvre maniériste, qu'il s'agisse d'une sculpture « terrible » de Michel-Ange, d'un tableau « capricieux » d'Arcimboldo ou d'un bronze « virtuose » de Cellini, a pour finalité de susciter la stupeur et l'émerveillement, conduisant le spectateur à s'interroger sur les procès techniques (alliance d'intelligence et d'habilité manuelle) qui l'ont fait advenir sous cette forme. En mettant ainsi l'accent sur le comment, Klein conteste le privilège de l'idée sur les moyens et offre une vision « aristotélicienne » de la Renaissance bien différente de celle, essentiellement néoplatonicienne et idéaliste, à laquelle on la réduit encore trop souvent.
En livrant des échos des dialogues, échanges, disputes savantes entre Louis Grodecki et ses correspondants, le millier de lettres colligées dans ce recueil - et ce n'est qu'une petite part d'un ensemble monumental - ouvre de plain-pied sur la fabrique de l'histoire de l'art médiéval et les débats qui l'animent en Europe et en Amérique, entre 1933 et 1980.Les lettres rassemblées ici viennent de ou sont adressées à Henri Focillon, André Chastel, Hélène ou Jurgis Baltrusaitis, Erwin Panofsky, Willibald Sauerländer, Louis Massignon jusqu'à Roland Recht ou Xavier Baral y Altet. Elles donnent à lire les discussions qui se sont tramées entre plusieurs générations de chercheurs en quête de vérités et de méthodes. Toujours denses, rigoureusement structurées, elles sont une part majeure de la production littéraire de Louis Grodecki et livrent un aperçu du temps et du sérieux mis dans cet exercice par les derniers épistoliers du xxe siècle.
Alors que, récemment, partout sur la planète, des populations entières ont été assignées à domicile, Perspective revient dans ce numéro sur les imaginaires plastiques de l'habiter, à différentes époques et en différents lieux.Les auteurs des textes ici rassemblés - essais et débats collectifs autour de questions historiographiques - explorent certaines de nos manières d'habiter un espace, un territoire, une maison ou nos corps, et les représentations peintes, écrites, construites ou rêvées, que ces pratiques ont suscités de l'Antiquité à nos jours. Historiennes et historiens de l'art, de la mode, de l'architecture, de l'urbanisme, ou encore archéologues, philosophes et architectes, s'emparent dans ce numéro de cette question à l'intersection de l'intellectuel et du sensible, de l'individuel et du collectif. « Habiter » pose aussi la question des communs et du monde que nous avons, précisément, en partage: de l'écologie, donc, au sens propre du terme (de oikos, la maison, en grec).À travers trois grandes conversations, la revue retrace par ailleurs les parcours de trois chercheurs - Monique Eleb, Tim Ingold et Bruno Latour - qui ont modifié nos manières de voir, de mettre en images et de penser nos façons d'habiter le monde. De l'histoire de l'habitat et de ses évolutions en France, aux correspondances incarnées et fécondes entre anthropologie, art et histoire de l'art, jusqu'à la question de l'habitabilité et de ses représentations à l'heure de l'anthropocène, ces contributions nous permettent d'explorer la manière dont s'entrelacent les mises en forme multiples de nos existences et de nos voisinages.
Le prochain numéro de la revue de l'Institut national d'histoire de l'art, Perspective: actualité en histoire de l'art, est consacré au Maghreb, aux histoires de l'art qui s'y pratiquent comme aux études et aux travaux que suscitent son patrimoine et sa création contemporaine à l'échelle internationale. Ainsi la revue poursuit-elle son projet: proposer régulièrement des numéros thématiques dont la géographie est le point d'ancrage. Pour la première fois, et après des numéros consacrés notamment à l'Espagne (2009-2), aux Pays-Bas (2011-2), au Brésil (2013-2) ou encore aux États-Unis (2015-2), elle se détourne de l'État-nation au profit d'une région. Chacune des contributions de ce numéro en redéfinit le sens et les frontières selon les périodes envisagées et les sujets abordés.Cette gageure est aussi une occasion pour Perspective d'éprouver l'opportunité des catégories traditionnelles de l'histoire de l'art. Sur ce plan, le numéro présente, entre autres, des voix de personnalités, à l'instar de Rachida Triki (philosophe et critique d'art, Université de Tunis), Kader Attia (artiste plasticien) et Yto Barrada (artiste plasticienne), mais aussi des articles collectifs sur les questions de savoirs archéologiques au Maghreb, sur la notion de musée universel telle qu'elle s'élabore depuis la rive sud de la Méditerranée, ou encore sur la façon dont les institutions patrimoniales ont traversé les indépendances. Figurent au sommaire des articles de fond consacrés à l'architecture de l'Empire almohade ou encore à l'historiographie des corans maghrébins pendant le Moyen Âge et, sur la période contemporaine, une contribution retraçant l'histoire urbaine d'Alger. L'architecture de Fernand Pouillon, l'ornementation des manuscrits à la période moderne, l'Algérie de Fanon dans sa relation aux arts, l'architecture moderne vernaculaire tunisienne, l'histoire connectée d'une galerie marocaine, les artistes de la lettre et de l'écrit... autant de questions qui viennent nourrir ce volume et dont la somme révèle la multiplicité des recherches en cours et à venir sur l'art et l'histoire d'Afrique du Nord.
Ce numéro est consacré aux transferts culturels entre le Portugal et les espaces lusophones (Angola, Brésil, Macao, Mozambique notamment). Se détournant des approches endogènes ou essentialistes, il s'agit d'envisager ces espaces au-delà des stéréotypes que constituent la mythologie des grandes découvertes et le luso-tropicalisme, la dichotomie entre beaux-arts et arts populaires ou encore l'opposition centre-périphérie. Les auteurs y explorent l'historiographie de l'histoire de l'art au Portugal, mais aussi l'histoire moderne de l'architecture et de ses décors, à travers les illustres azulejos, mais aussi le patrimoine aguda du golfe du Bénin, ou la plus récente École de Porto. Sont abordées les dernières recherches sur le commerce, la production et la réception des objets d'arts décoratifs au début de la période moderne, ainsi que le cinéma lusophone et le livre de photographie au prisme de la décolonisation, sans oublier certains aspects de l'histoire des musées et des collections portugaises issues de cet héritage complexe. Autant de sujets qui permettront d'interroger, depuis une perspective à la fois historique et théorique, les processus de migrations, de transferts et de déplacements ou encore d'hybridation des objets et des idées, les circuits coloniaux et postcoloniaux, et la question des réseaux culturels à travers les âges et au prisme de différents médiums artistiques.
Ce numéro de Perspective est consacré aux manières dont l'histoire de l'art peut penser les actes de destruction qui touchent les oeuvres dans leurs dimensions matérielle, conceptuelle, symbolique, métaphysique. Si la guerre et, en miroir, la question de la préservation et de la protection du patrimoine figurent bien au centre d'une telle thématique, celle-ci ne saurait pour autant se réduire à la violence de l'anéantissement, la destruction ne pouvant se comprendre que dans son rapport dialectique à la construction. Les différentes contributions rassemblées ici abordent ces pratiques à travers la diversité des motifs qui les sous-tendent (religieux, rituels, ludiques, guerriers, polémiques, etc.), en interrogeant les moyens de leur documentation et la mémoire qui en subsiste. De l'Égypte pharaonique au monde contemporain occidental, des Premières Nations de la côte nord-ouest de l'Amérique au continent africain moderne et contemporain, les questions du vandalisme et de l'iconoclasme y sont déployées jusqu'à explorer la fécondité du geste destructeur et la manière dont les artistes s'en sont diversement emparé.