Pour les croyants musulmans, le Coran est la Parole de Dieu. Selon certains d'entre eux, cette Parole doit être prise à la lettre ; selon les autres, elle peut faire l'objet d'interprétations plus ou moins subtiles. Mais pour la plupart d'entre eux, elle est imprescriptible, elle a valeur absolue, en tous temps et en tous lieux. Cette approche a été transmise depuis des siècles, de génération en génération, comme une évidence indiscutée. Mais elle pose désormais un insidieux dilemme à tous les croyants qui portent une vision sécularisée du monde et se réclament de valeurs humanistes universelles. Assumant le principe de l'égalité en droit des individus, quels que soient leur religion, leur sexe, ou leur appartenance ethnique, ces croyants se trouvent en porte à faux avec nombre de versets coraniques qui vont à l'encontre de ces valeurs. Ils ne peuvent que récuser, par exemple, l'inégalité de statut social entre l'homme et la femme, la pratique de l'esclavage, la violence contre les Infidèles, les châtiments corporels. Le dilemme de ces croyants n'est pas imputable au Coran, mais au dogme selon lequel la Parole de Dieu serait globalement imprescriptible. Dogme qui repose sur un postulat implicite, tout à fait discutable : que la Parole de Dieu est nécessairement consubstantielle à Dieu. Ce postulat a été théologiquement réfuté par certains des plus grands penseurs musulmans. C'est une thèse, qui a lentement pris corps en se confrontant à une thèse adverse, et qui n'a définitivement prévalu, à l'échelle du monde musulman, que plusieurs siècles après la mort du Prophète. Le présent essai rappelle brièvement le contexte historique dans lequel cette thèse s'est imposée, avant de démontrer qu'elle peut faire, au XXIe siècle, l'objet d'une réfutation nouvelle, dotée d'une cohérence, et d'une force d'évidence, qu'elle ne pouvait avoir il y a mille ans.
Les discours religieux fondamentalistes actuels expriment une obsession croissante de la pudeur des femmes. Réduite aux parties de son corps susceptibles d'éveiller le désir, la femme est « génitalisée » à outrance, et la pudeur est invoquée pour couvrir sa nudité. Mais cette notion ne peut-elle pas renvoyer à autre chose qu'à la dissimulation et à la frustration ? Et est-ce l'unique image que la religion propose des femmes ?
A la lumière des grands épisodes bibliques, du jardin d'Eden au Mont Sinaï, puis de la littérature religieuse, Delphine Horvilleur, Rabbin libéral et femme moderne, analyse successivement les sens de la pudeur et de la nudité, l'obsession du corps de la femme et sa représentation comme « être orificiel » pour proposer une autre interprétation de la tradition religieuse et mettre à mal les lectures fondamentalistes qui font de la femme un être tentateur et de la pudeur l'instrument de sa domination. Ainsi nous montre-t-elle comment la nudité recouverte d'Adam, d'Eve ou de Noé, renvoient à une culture du désir et non à une volonté de le tuer. Comment le voile est à l'origine destiné, non à rejeter, mais à approcher l'autre. Comment le féminin concerne aussi les hommes qui endossent, dans la prière et la pratique judaïques, les attributs des femmes et du maternel. On découvre alors, dans cette plongée au coeur des grandes traditions monothéistes, un autre visage de la femme, de la pudeur, et de la religion.
Qu'ont en commun une guerrière et une sainte ? A priori, rien. Tout semble même les opposer. L'une serait du côté du Mal et du sang, l'autre du Bien et de la lumière. A cette idée, la représentation de Thérèse de Lisieux, proclamée en 1997 trente-troisième docteur de l'Église et sainte française la plus célèbre avec Jeanne d'Arc, semble donner raison. Bouquet de roses et crucifix entre les bras, voile sur la tête et guimpe autour du visage, sourire ténu, ainsi la connait-on. Comme une sainte, et non telle une guerrière. Ce qu'elle était pourtant. C'est le paradoxe que prétend dénouer ce livre. Car aimer son prochain est un combat (qu'on nomme spirituel), une lutte que Thérèse Martin aura menée sa vie durant. Et d'abord contre elle-même.
Dans cet essai biographique passionnant, Jean de Saint-Chéron retrace son existence pour faire, non l'éloge de la bonne soeur aux fleurs, mais celui de la sainte guerrière, et rappeler combien l'amour dont parle la Bible est « une glorieuse guerre ». En sept courts chapitres, on suit sa formation martiale, de son enfance marquée par sa vive piété, son caractère déterminé et la mort de sa mère, à sa conversion à 13 ans, lorsqu'elle comprend que, pour aimer, il lui faudra souffrir beaucoup. De Rome, où elle va conquérir la forteresse du Carmel à la pointe de l'épée en implorant le Pape de la laisser y entrer avant l'âge légal, à son entrée en religion parmi ses soeurs dont elle s'attèle à aimer les défauts, c'est un parcours du combattant qu'elle raconte dans ses écrits et que Jean de Saint-Chéron nous fait revivre en la suivant et la citant avec énergie, science et ardeur. Un éloge puissant et une leçon de foi moderne sur la bataille de l'amour et du pardon.
A l'heure des replis communautaires et des identités figées, que signifie appartenir et transmettre ? Contrairement à ce qu'affirment tous les fondamentalismes, la transmission d'un héritage ne doit pas être une réplication à l'identique. Elle dépend d'une infidélité partielle, garante de surgissements inattendus, aujourd'hui comme hier.
Mariant filiation et rupture, la tradition juive ne se renouvelle qu'en étant bousculée et nourrie par sa rencontre avec d'autres ; cela implique l'ouverture à l'Etranger, ainsi que l'ouverture au Féminin. Cet ouvrage est donc d'abord un plaidoyer pour une « religion matricielle » qui, à la manière d'un utérus, est un lieu de fertilisation. Les textes sacrés eux-mêmes y sont fécondés par des lectures inédites.
Illustrant brillamment cette vision ouverte de la religion, Delphine Horvilleur revisite, loin des interprétations convenues, quelques épisodes fameux de la Genèse, notamment Adam et Eve, Caïn et Abel, l'histoire biblique des premiers parents et des premiers enfants de l'humanité. Elle montre aussi sa capacité à repenser les grands problèmes contemporains à partir de la tradition rabbinique. Trois thèmes sont successivement abordés : Comment, selon le judaïsme, se fabriquent un parent, une identité et un désir, c'est-à-dire la possibilité d'enfanter l'avenir.
Procédant avec clarté et humour, citant aussi bien Emile Ajar et Amos Oz que la Genèse et le Talmud, elle conclut son livre par une analogie entre le Texte et le Féminin, dotés d'une même capacité de croître et de multiplier.
« Jusqu'à sa disparition en 2010, maître Isogushi enseignait au dojo d'Ishen dans le sud du Japon. Son enseignement comportait deux disciplines inséparables : pour le corps et pour le mental, la transmission de l'ensemble des arts martiaux traditionnels ; pour l'âme et pour l'esprit, un guide nouveau pour la conduite de la vie. On ignore combien d'élèves forma maître Isogushi, venus des cinq continents, et il ne reste de cet enseignement que les notes de cours prises par mon vieil ami Emiliano Zapoga dit « le Mexicain », ici rassemblées. Le maître a voulu que ses propos soit autonomes, tout en formant un modèle éthique complet, utilisable de manière concrète par n'importe quel homme ou femme. A quoi j'ajoute jeune adulte qui cherche une conduite à sa vie ».
Ainsi commence cet extraordinaire ouvrage de Patrice Franceschi : une « éthique » personnelle, forgée au fil des années par l'auteur, entre ses études approfondies de philosophie à la Sorbonne, sa passion pour les stoïciens ; et sa pratique des arts martiaux, de l'engagement et de la lutte, depuis l'Afghanistan jusqu'au kurdistan syrien... Ce « petit manuel de combat » rassemble 327 courts chapitres, mélodieux, philosophiques, universels. Ici une brève parabole ; là un aphorisme surprenant ; ici encore, un paradoxe. Chaque ligne étonne, secoue, oblige. C'est à la fois une éthique ; un manuel de haute tenue pour une époque où rien ne semble tenir, et nous tenir. Et la recherche d'une voie, à l'évidence humaniste, poétique - à la manière d'un Kipling écrivant à son fils.
Romancier, explorateur, baroudeur, Patrice Franceschi est aussi un passionné de sagesse, une sagesse active, vive, enthousiaste - il nous offre ici le plus beau des traités, dans une langue nette et forgée par le temps.
« Il est difficile, ces temps ci, de penser librement et encore plus de penser en athée. Affirmer que les idéaux de la philosophie des Lumières sont toujours d'actualité nous fait paradoxalement passer pour des réactionnaires, des islamophobes, voire des compagnons de route du Front National assimilé au fascisme. Dans un monde qui prétend en masse « Je suis Charlie », Voltaire revenu passerait pour un défenseur du fanatisme ! C'est le monde à l'envers.
Je me propose de réactiver la pensée des Lumières dans ce Penser l'Islam. Non pas le penser en faveur ou en défaveur, ça n'est pas le propos, mais en philosophe. Je lis le Coran, examine les hadiths et croise avec des biographies du Prophète pour montrer qu'il existe dans ce corpus matière au pire et au meilleur : le pire, ce que des minorités agissantes activent par la violence, le meilleur, ce que des majorités silencieuses pratiquent de manière privée. Comment la république doit-elle considérer ces deux façons d'être musulman ? Y-a-t-il des relations et des points de passage entre minorités agissantes et majorités silencieuses, sachant que l'histoire est faite par les premières, pas par les secondes ?
Ce livre remet également en relation ce qu'il est convenu d'appeler le terrorisme avec la politique étrangère islamophobe menée par la France derrière l'OTAN depuis des années. Nous nommons barbarie ce que nous ne voulons pas comprendre. L'islam terroriste a été partiellement créé par l'occident belliqueux. Les choses ne sont pas aussi simples que ce que, de part et d'autre, on voudrait nous faire croire. D'où la nécessité de se remettre à penser. Sur ce sujet comme sur d'autres.»
"Merci mon Père de révéler aux petits ce que vous avez dissimulé aux sages et aux intelligents." Les sages et les intelligents, depuis, se sont bien vengés : à force de concasser les Evangiles, ils en ont fait un petit tas de pièces et de morceaux trop hétéroclites pour signifier quoi que ce soit...Mais ils n'auront pas le dernier mot ! René Girard pense, comme Simone Weil, que les Evangiles sont une théorie de l'homme avant d'être une théorie de Dieu. Une carte des violences où son orgueil et son envie enferment l'humanité.Découvrir cette théorie de l'homme et l'accepter, c'est rendre vie aux grands thèmes évangéliques relatifs au mal, oubliés et évacués par les croyants - de Satan à l'apocalypse. C'est également ressusciter l'idée de la Bible tout entière comme prophétique du Christ.Ainsi les Evangiles, loin d'être "un mythe semblable à tous les autres", comme on le répète à l'envi depuis deux siècles, seraient la clef de toute mythologie derrière nous, et au-devant de nous, de l'histoire inouïe qui nous attend. Dans le dépérissement de toutes les pensées modernes, est-ce que seules les Ecritures Saintes tiendraient debout ?René Girard a longtemps enseigné à l'université de Stanford, où il réside toujours. Ses livres sont étudiés et traduits dans le monde entier. Parmi les plus célèbres : Mensonge romantique et vérité romanesque (Grasset, 1961), La violence et le sacré (Grasset, 1972), Des choses cachées depuis la fondation du monde (Grasset, 1978), Le bouc émissaire (Grasset, 1982).
Longtemps, lorsqu'un homme mourait, ses proches étaient heureux de pouvoir dire : " Soyez tranquille, il a eu le temps de se préparer. " Aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire, on se rassure : " Consolez-vous, il ne s'est rendu compte de rien. " De la mort, nous avons tout oublié, tout ce que notre culture avait érigé en sagesse. Même la science est devenue ignorante. Tellement que des savants tirent la sonnette d'alarme : il faut, disent-ils, réhabiliter l'agonie, écouter les mourants, étudier ce passage aussi capital que la naissance.
Psychiatres, cardiologues, chirurgiens, biologistes et physiciens, dans les laboratoires les plus sophistiqués des États-Unis, de Grande-Bretagne, de France (récemment), mais encore en Inde et partout dans le monde, analysent, sondent, interrogent la mort, ou du moins ceux qui ont frôlé la mort, collectionnent leurs récits, examinent leurs témoignages, confrontent leurs expériences... Et l'on découvre que la mort cacherait une clarté à l'éblouissante beauté, pleine de vie, pourrait-on dire. La source noire. Aux portes de la mort, c'est une nouvelle approche de la vie, de la connaissance, de la mémoire...
Rien ne serait plus périlleux, aujourd'hui, que de décrypter les tumultes qu secouent le monde arabe par le prisme de l'opposition entre démocratie et dictature. Ce sont là des catégories qui, sans être dépourvues de pertinence, ne rendent pas compte d'une réalité fondamentale : l'antagonisme immémorial des sunnites et des chiites. C'est pourquoi, dans cet ouvrage, Antoine Sfeir a choisi de remonter aux sources historiques et théologiques de cette guerre de «l'islam contre l'islam», afin d'en mieux saisir les implications géopolitiques. De l'Iran à l'Egypte, du Qatar à la Syrie, du Maghreb à «l'Orient compliqué» - et, surtout, du prophète Mahomet aux luttes de succession ouvertes par sa mort -, il brosse une freque magistrale du monde arabe tel qu'il est, de ses «printemps» à ses éventuels automnes. Une exploration minutieuse et pédagogique qui, en brassant un immense passé, éclaire singulièrement notre présent.
On pourra chercher tant qu'on voudra à tourner la difficulté, fréquenter les cafés philosophiques et les lieux initiatiques en tout genre, rien n'y fera : il est impossible d'entrer vraiment dans la philosophie si l'on ne prend pas le temps de comprendre en profondeur au moins un grand philosophe. C'est dans cette perspective que Luc Ferry offre au lecteur une introduction aux trois ouvrages majeurs de Kant - ses trois Critiques - qui correspondent à la théorie de la connaissance, à la morale et à l'esthétique. Il a cherché à lui ouvrir quelques portes, à lever les principaux obstacles qui peuvent entraver d'entrée de jeu la compréhension - expliquer, par exemple, pourquoi la Critique de la raison pure commence par une question en apparence technique, d'un intérêt très médiocre, celle des « jugements synthétiques a priori » ; ou encore, indiquer les raisons pour lesquelles la morale prend la forme d'un « impératif catégorique », dès lors que le propre de l'homme, ce qui fait sa dignité et le distingue des animaux, est situé dans sa liberté ou dans sa « perfectibilité ». Par delà le travail d'introduction proprement dit, ce livre propose une interprétation d'ensemble du système kantien qui part de ce qui en constitue à la fois le coeur et la principale difficulté : la question de la chose en soi. Lire Kant est et restera toujours difficile et ce livre ne prétend pas à la facilité. Du moins peut-on s'efforcer de rendre la tâche tout à la fois plus sensée, en souligant les enjeux, et moins ardue, en donnant les clefs de l'édifice. Le jeu, comme on dit, en vaut la chandelle.
« L'Islam revenait très souvent à la une de l'actualité à l'époque où parut Crépuscule sur l'Islam - on aurait même pu croire que j'avais écrit cet essai pour capitaliser sur l'atmosphère et les remous de l'époque, et le livre fit beaucoup parler de lui, pas toujours en bien. Au cours des années qui suivirent, cet accueil critique m'incita à réévaluer ce que j'avais écrit.
Jusqu'au bout de la foi est le fruit de cette révision. Il m'apparut que je n'avais pas pris assez de distance avec le matériau à l'origine de ce premier livre, que je l'avais par trop tenu pour acquis. Il m'apparut qu'il y avait là matière à s'interroger, comme ce dut sans doute être le cas dans le monde classique à l'époque où celui-ci fut supplanté par ce phénomène inconnu qu'était alors le christianisme. De nombreux ouvrages avaient été écrits sur cette transition, et ce dont j'étais témoin, me semblait-il, méritait plus ample réflexion. Au lieu de le tenir pour un fait acquis, il me fallait considérer l'effet que pouvait avoir sur les individus la mise à mal ou le renversement de leur culture. Ainsi ce livre a-t-il pour thème l'histoire d'individus pris dans la déferlante de changements historiques.
Jusqu'au bout de la foi est donc, en toute logique, la suite de ce précédent essai. L'avenir est contenu dans le passé, et la douleur du second livre est contenue dans le premier. »
« Il est la première référence. Le premier secours. Grâce à une étincelle venant de lui comme un sourire, tout s'éclaire. » Ainsi parle Elie Wiesel, qui rend un hommage poignant, dans ce livre bref et singulier, à l'une des figures majeures de la pensée juive : Salomon, fils d'Isaac, rabbin de Troyes au XIème siècle, plus connu sous le nom de Rashi. Né en 1040 et mort en 1105, Rashi fut l'un des plus grands commentateurs du Talmud. La légende rapporte que ses parents possédaient une pierre précieuse, que l'Eglise voulut leur acheter ; plutôt que de céder à la tentation, ils jetèrent cette pierre à la mer - et le ciel, en récompense, leur donna un fils qui, par son esprit, brillait plus encore que cette pierre précieuse. Mais Rashi n'est pas que légende : il est aussi le témoin d'une époque où la communauté juive, en France, jouissait d'un certain prestige et d'une certaine renommée. L'érudition rabbinique de Rashi, sous la plume à son tour lumineuse d'Elie Wiesel, est le signe d'une extraordinaire ouverture à toutes choses de l'esprit. Un appétit de chercher, de connaître, de comprendre, qui va bien au-delà de la lecture des textes sacrés ; un gai savoir qui nous parle encore, par delà les siècles.
Jean-Claude Milner y poursuit la réflexion sur le judaïsme engagée dans Les Penchants criminels de l?Europe démocratique ainsi que dans les Leçons données, ces dernières années, dans le cadre de l?Institut d?Etudes lévinassiennes de Jérusalem. ?Le livre oppose ces deux figures apparemment voisines et, en réalité, parfaitement antinomiques que sont la figure du « Juif de l?Etude » et la figure, plus moderne, fruit et coeur de ce que l?on a appelé le processus de l?assimilation, du Juif de Savoir. ?Comment Judaïsme et Savoir se sont-ils noués demande Milner ? Comment, au terme de quel processus, la figure traditionnelle du Sage, voué à la lecture et au commentaire des « lettres de feu » du Talmud, a-t-elle cédé la place à cet autre type d?humain qu?incarnent, pour aller vite, Leo Strauss, Gershom Scholem, Sigmund Freud ou Walter Benjamin ? D?où vient que cette histoire se soit jouée, pour l?essentiel, sur la scène de la culture et de la langue allemande ? Et d?où vient qu?elle se soit dénouée, enfin, dans la forme de la tragédie ? ?A travers ce livre - dont les protagonistes sont, aussi, Hannah Arendt, Michel Foucault, Martin Heidegger - c?est toute l?aventure de l?Europe qui se profile : passée et, surtout, à venir.??
Le Prophète de l'Islam a vécu il y a quatorze siècles, dans une société de tradition orale. Les témoignages de ses contemporains, sur sa personne et son action, ont été fixés par écrit plus d'un siècle, voire deux, après sa mort. Ils ont d'abord été transmis sur des supports de fortune, avant d'être recueillis par différents chroniqueurs, qui les ont triés, compilés, rédigés chacun à sa manière. Les textes laissés par ces chroniqueurs forment un volumineux corpus, portant le titre générique d'Al Sîra, ou " Chroniques du Prophète de l'Islam " (à distinguer des " Dits du Prophète " - Hadîths - et des commentaires du texte sacré - Le Coran). Grasset en a publié un premier choix : " Le Prophète del'Islam raconté par ses compagnons ". Voici la suite. Le portrait de Mahomet que nous livre la Sîra est celui d'un être supérieur, aux prédispositions spirituelles précoces, enclin à la solitude et à la méditation. Sa vie bascule, à l'âge de quarante ans, quand il entend la voix de l'Ange Gabriel, qui lui révèle que Dieu l'a choisi comme Son Messager. Il va défier les siens, renier ses ancêtres, insulter leurs idoles et assumer l'immense solitude qui en découle. Puis il va se muer en homme d'Etat, en chef de guerre, en bâtisseur d'une Cité nouvelle. Les Chroniques qui retracent cette trajectoire constituent pour les musulmans un réservoir d'exemples à suivre, de gestes à méditer, de vérités à retrouver au quotidien. Mais peu de gens les lisent dans le texte. A la mosquée, à l'école ou à la télévision, ils en reçoivent sans cesse des bribes, le plus souvent extraites de leurs contextes, tronquées, voire carrémenmt réinventées, afin de servir les différents discours du moment. C'est en partant de ce constat, et pour contribuer à rétablir la vérité de ces textes, que les Mahmoud Hussein ont voulu présenter la Sîra sous une forme accessible au lecteur d'aujourd'hui. Ajoutons enfin - et ce point est essentiel - que les chroniques de la Sîra proposent une vision de l'Islam plus " libérale ", plus tolérante, plus ouverte à l'individu. Cette caractéristique explique peut-être le fait que cette source théologique ait été, si souvent, négligée ou dissimulée, au profit d'une orthodoxie coranique plus stricte. Le premier volume rassemblait, essentiellement, des " chroniques " relatives à la vie du Prophète. Celui-ci, en revanche, rassemble les chroniques qui illustrent son action de " chef d'Etat ". Du coup, ce second volume est plus politique et moins théologique que le premier.
Le soufi égyptien Ibn 'Atâ' Allâh (l259-1309) est l'auteur d'une oeuvre qui a pénétré tous les milieux mystiques de l'islam. Dans la Sagesse des maîtres soufis, son dernier ouvrage, Ibn 'Atâ' Allâh rend hommage à son maître al-Mursî et au maître de celui-ci, le Marocain Abû I-Hassan al-Shâdhilî, fondateur de l'ordre shâdhilî - l'une des principales composantes du soufisme actuel.
Ibn 'Atâ Allâh le premier - ni al-Shâdhilî n'avaient écrit -, nous révèle l'essentiel de la doctrine de son ordre et dresse un plaidoyer très étayé en faveur du soufisme et de la sainteté. Soucieux de toucher un public large, Ibn 'Atâ' Allâh émaille son récit d'anecdotes savoureuses ayant pour cadre l'Egypte du XIIIe siècle.
" Il est plus difficile de connaître le saint que de connaître Dieu ", affirmait al-Mursî. A l'évidence, la relation privilégiée qui s'est tissée ici entre maître et disciple fournit un témoignage incomparable sur la sainteté en terre d'islam, qui a valeur universelle.
Spécialiste de la mystique musulmane, Eric Geoffroy est maître de conférences à l'Université de Strasbourg. Il est l'auteur notamment de Djihâd et contemplation - Vie et enseignement d'un soufi au temps des croisades (Dervy, 1997).
On les appelle les « sortants », ces hommes et ces femmes issus des milieux utra-orthodoxes israéliens qui, un jour, décident de se fondre dans la vie laïque. Ce choix douloureux, coupure brutale avec leur famille, les plonge dans un univers inconnu, souvent sans ressources, privés d'éducation autre que religieuse. Là d'où ils viennent, la vie est réglée de façon précise et immuable, soumise à une loi implacable mais rassurante. Là où ils vont, ils sont seuls face à eux-mêmes.
Ce sont ces cheminements chaotiques d'un monde à l'autre que Florence Heymann restitue à travers une enquête de terrain attentive et sensible. L'auteur se met elle-même en scène, bénévole dans une association d'aide aux sortants, à Jérusalem. Elle dresse des portraits hauts en couleurs et attachants : des dissidents, des "apostats sortis du placard", des suicidaires, des marginaux, des "kippas roses", des voyous - autant de déserteurs réclamant simplement le droit de choisir leur vie. Leurs récits nous donnent un aperçu du monde religieux, ultra fermé, ritualisé, dans lequel même le sexe et le téléphone sont estampillés cashers. Certaines sorties du "ghetto" sont réussies, d'autres tragiques. Elles sont toujours un voyage fascinant dans lequel l'apprentissage de la liberté s'avère semé d'embûches, de doutes et de questions.
L'auteur montre pourquoi la notion de mort de Dieu pose plus de difficultés qu'elle n'en résout. Comment le Dieu dont on proclame la mort est un Dieu conceptuel, abstrait, désincarné, à la lettre une idole. Et comment la question de Dieu s'ouvre d'autant plus que cette idole ne cesse, sous nos yeux, de mourir... Dieu est mort donc, le Dieu des philosophes, le Dieu de la raison rationnelle : vive Dieu par conséquent, le Dieu de la distance, le Dieu mystérieux et insondable du credo quia absurdum. L'originalité de cette étude, à la fois rigoureuse et brillante, tient à ce que, pour la première fois, un philosophe chrétien reprend et se nourrit de problématiques aussi hérétiques que celles de Heidegger, Holderlin ou Jacques Derrida.
Un essai sur l'histoire des sociétés secrètes, qui apparaissent souvent comme une nébuleuse opaque entre syncrétisme et croyances archaïques. Mais ces sociétés constituent aussi une "société en soi", le reflet souterrain de l'époque actuelle. Sont ainsi abordés Saint-Sulpice, l'architecte de la cathédrale Saint-Paul de Londres ou encore l'atelier de Nicolas Poussin.
La planète des catholiques : plus d'un milliard d'hommes répartis sur cinq continents.
Partant du cas singulier d'un chef de religion, le pape, qui est à la fois pasteur et homme de pouvoir, cette synthèse magistrale procède à une analyse historique, morale et politique de la religion catholique. elle révèle les arcanes les plus secrets de l'organisation du pouvoir au vatican et fait l'état des relations entre l'eglise et la modernité à travers l'histoire. classant les sept grandes familles qui composent la communauté des croyants - des traditionalistes aux rebelles -, elle raconte les profonds bouleversements de la géographie de la chrétienté dans le monde, de la france à la chine, de l'italie au brésil.
Y a-t-il crise ? ou au contraire regain d'influence ? a partir de l'autorité restaurée de la papauté depuis jean-paul ii, quel chemin prend aujourd'hui l'eglise de rome ?
Le tantrisme, une des composantes majeures de l'hindouisme, en inverse les valeurs fondamentales. Par exemple au lieu de vénérer les dieux mâles de la religion traditionnelle (Shiva, Vishnu, Krishna, etc.), les tantriques vouent un culte exclusif à des déesses telles que Kâlî, Durgâ ; au lieu d'être végétariens et de s'abstenir de boissons alcoolisées, ils mangent de la viande et boivent du vin. Et surtout ils mettent en valeur la sexualité et la pratiquent d'une façon "libérée" : partenaires multiples, commerce avec des individus de basse caste, toutes choses qui valent "excommunication" dans l'hindouisme traditionnel. Il ne s'agit pourtant pas d'une invitation à la débauche, puisque l'on reste dans le cadre de la religion, mais d'une "vue du monde" originale, selon laquelle le Dieu tout-puissant est un absolu transcendant, donc non agissant, l'action étant l'apanage de la déesse nature : Shakti ("Energie", "Puissance"). Voici, pour la première fois, une anthologie de textes tantriques en langue française : {Upanishads} (enseignements ésotériques), {Hymnes} et {Chants} utilisés dans le culte, {Textes rituels}, accompagnés d'une substantielle introduction, d'indications sur le sens et la valeur de chaque texte traduit, d'un glossaire et d'une bibliographie.
" acceptez donc ma lettre, acceptez que je l'écrive sans savoir si vous la lirez.
Elle ne vous dérangera pas davantage que quelques gouttes de pluie ou le cri d'un oiseau quand vous dormiez sous les étoiles. maintenant que vous êtes retourné à votre fonction divine, laissez-moi vous poser quelques questions, vous soumettre quelques suggestions. importun ? je le suis sans doute. mais je ne suis pas le seul à l'être. et s'il est vrai que vous avez un beau jour décidé, sans m'en avoir parlé, de me sauver, de me priver de la damnation éternelle, vous me devez peut-être cette infime réparation.
".
Le Judaïsme et l'esprit du monde est une entreprise intellectuelle de grande envergure qui vise à comprendre la cohérence symbolique, rationnelle et historique du judaïsme dans toutes ses dimensions et ses époques. Le concept de « judaïsme » prend dans cette démarche un sens renouvelé de « système cohérent de croyances et de pratiques », étant entendu que cette cohérence ne relève pas d'une conformité à des dogmes mais d'un principe de fonctionnement, d'agencement d'éléments interdépendants.
L'auteur en construit le modèle en en puisant dans le texte biblique, qui fut au centre de l'existence juive jusqu'au XXème siècle, de sorte que la majeure partie de l'ouvrage constitue également une oeuvre d'exégèse. Elle renouvelle les approches connues et les ébranle, en démontrant la cohérence profonde du texte biblique.
Les quatre livres qui composent l'ouvrage sondent les structures et les dynamiques des quatre sphères décisives de l'être juif :
Ethique (la religion, la théologie), Ethnos (le peuple, l'identité, la politique, la socialité), Ethos (le comportement existentiel : les moeurs, le psychisme, les grands courants identitaires), Ethnikos (l'histoire externe d'Israël, l'ethos des deux monothéismes ultérieurs, dérivant de celui d'Israël et leurs rapports à Israël).
Dans la mesure où ce livre entreprend de saisir et d'analyser l'esprit qui structure l'ensemble du judaïsme et impulse ses manifestations les plus diverses, certains pourront y trouver une forme de « Guide des égarés » en prise directe sur les questions et les espérances de notre temps.
Le livre de Shmuel Trigano fait partie de ces rares livres dont est émaillée l'histoire de la pensée juive. Sa nouveauté tient à ce qu'il ne se cantonne pas au côté métaphysique ou, encore moins, dogmatique, à un exposé des vérités du judaïsme mais intègre dans son analyse toutes les manifestations adjacentes, contradictoires et divergentes que cette histoire a pu produire.
Au point de départ de ce livre, un article publié par Pascal Bacqué à l'heure où la question du « mariage pour tous » occupait la rue et les esprits. Jean-Claude Milner exprima son désaccord avec ce texte - et une longue correspondance s'ensuivit entre les deux hommes.
Sans rechercher un vain consensus, les deux auteurs y assument leurs positions radicale : études talmudiques pour Pascal Bacqué ; athéisme réfléchi pour Jean-Claude Milner. Chacun devenant, tour à tour, et par sa radicalité même, un révélateur l'un pour l'autre...
Ainsi peut-on mettre à jour les enjeux d'un événement législatif : changement de civilisation ou pas ? Simple évolution du décor ou déchirure profonde ? La question de la Loi - juive, naturelle ou civile - y est posée dans toute son ampleur. Ces Lois peuvent-elles se contredire ? Le doivent-elles ? Faut-il tenter de les réconcilier ? Dans ce livre, l'avenir des hommes en société est ausculté à la lumière de grands textes de la pensée juive.
"Les "années obscures de Jésus" se situent entre son retour à Nazareth, après le mystère de sa naissance, et son baptême par Saint-Jean, au début de sa prédication. Ce sont en effet trente années sur lesquelles l'on en sait à peu près rien, sur lesquelles les Evangiles se taisent, à l'exception d'un épisode relaté par saint-Luc, la visite de Jésus au temple de Jérusalem à l'âge de douze ans et son entretien avec les docteurs. (...) Jésus, dont Pascal a écrit qu'il serait en agonie jusqu'à la fin du monde, ne traverse-t-il pas aujourd´hui de nouvelles années obscures? L'histoire d'Israël, mieux connue, permet-elle de les éclairer?"