Août 1992. Une vallée perdue quelque part à l'Est, des hauts fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, ils s'emmerdent comme c'est pas permis. C'est là qu'ils décident de voler un canoë pour aller voir ce qui se passe de l'autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence. Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d'une vallée, d'une époque, de l'adolescence, le récit politique d'une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt, cette France de l'entre-deux, celle des villes moyennes et des zones pavillonnaires, où presque tout le monde vit et qu'on voudrait oublier.
L'Allemagne nazie a sa légende. On y voit une armée rapide, moderne, dont le triomphe parait inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d'intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Une démonstration magistrale et grinçante des coulisses de l'Anschluss par l'auteur de "Tristesse de la terre" et de "14 Juillet" qui lui a valu le prix Goncourt 2017.
Au début de l'histoire, la mort d'une femme qui, il y a longtemps déjà, a décidé de se taire. Elle adresse ses dernières volontés aux jumeaux Jeanne et Simon, ses enfants. C'est le début d'un périple lourd de révélations sur leur identité. Le deuxième volet du cycle dramaturgique présenté dans son intégralité au festival d'Avignon 2009.
1984. Cléo, treize ans, de milieu modeste, se voit un jour proposer d'obtenir une bourse délivrée par une mystérieuse Fondation pour réaliser son rêve : danser. Mais c'est un piège, sexuel, monnayable, qui se referme sur elle et dans lequel elle va précipiter d'autres collégiennes.
2019. Un fichier de photos est retrouvé sur internet et suscite un appel à témoins destiné à identifier les anciennes victimes de la Fondation. Devenue danseuse de variétés, Cléo comprend que le passé est revenu la chercher, et qu'il est temps pour elle d'affronter son double fardeau de victime et de coupable.
À travers le portrait qu'en dressent ceux qui ont croisé et aimé Cléo, Lola Lafon explore, dans ce roman d'une justesse bouleversante, les systèmes de prédation et leur mécanique implacable. Avec empathie, elle dit aussi les corps sublimés et les corps souffrants, les lois du silence, l'impossibilité du pardon, et le sourire obligatoire derrière lequel sont tapies tant de douleurs.
À la mort d'un père qu'elle n'a jamais connu, Rose arrive au Japon pour la première fois afin d'y entendre son testament.
Accueillie à Kyoto, elle est conduite dans la demeure de celui qui fut, lui dit-on, un marchand d'art contemporain, et dans cette proximité soudaine avec un passé confisqué, la jeune femme ressent tout d'abord amertume et colère. Mais Kyoto l'apprivoise et, chaque jour, guidée par Paul, l'assistant de son père, elle est invitée à découvrir un itinéraire imaginé par le défunt, semé de temples et de jardins, une étrange cartographie d'émotions et de rencontres qui vont l'amener aux confins d'elle-même.
Ce livre est celui de la métamorphose d'une femme placée au coeur du paysage des origines, sur un chemin qui l'emporte vers cet endroit unique où se produisent parfois les véritables histoires d'amour.
Cet homme qui soliloque dans un bar, nuit après nuit, c'est le frère de l'Arabe tué par un certain Meursault dans un célèbre roman du XXe siècle. Soixante-dix ans après les faits, rage et frustration inentamées, le vieillard rend un nom et une histoire au mort resté «l'Arabe» jusqu'ici. Ce roman sur les héritages qui conditionnent le présent et sur le pouvoir exceptionnel de la littérature pour dire le réel a rencontré un succès phénoménal ; il est traduit dans une trentaine de langues.
Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d'un empire immense, s'apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate : c'est Troie assiégée, c'est Thèbes livrée à la haine. Le monarque s'éteint; son plus jeune fils s'en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l'image de ce que fut le vénéré et aussi le haïssable roi Tsongor.
Roman des origines, récit épique et initiatique, le livre de Laurent Gaudé déploie dans une langue enivrante les étendards de la bravoure, la flamboyante beauté des héros, mais aussi l'insidieuse révélation, en eux, de la défaite. Car en chacun doit s'accomplir, de quelque manière, l'apprentissage de la honte.
C'est par un texto de sa grand-mère que Tarô apprend le décès subit de sa mère. Celle-ci, séduisante et indépendante, tenait une librairie spécialisée dans les ouvrages rares. Tarô, vingt-six ans, sourd-muet et métis, a grandi entre ces deux femmes. Aujourd'hui artiste, il vit seul et ne se sent pas très épris de sa petite amie. Une jeune fille qui vient à la librairie lui présenter ses condoléances suscite en lui un trouble profond, comme un amour naissant, comme un précieux souvenir.
Parce qu'un viol a fondé leur lignée, les Scorta sont nés dans l'opprobre. A Montepuccio, leur petit village d'Italie du sud, ils vivent pauvrement, et ne mourront pas riches. Mais ils ont fait voeu de se transmettre, de génération en génération, le peu que la vie leur laisserait en héritage. Et en dehors du modeste bureau de tabac familial, créé avec ce qu'ils appellent «l'argent de New York», leur richesse est aussi immatérielle qu'une expérience, un souvenir, une parcelle de sagesse, une étincelle de joie. Ou encore un secret. Comme celui que la vieille Carmela - dont la voix se noue ici à la chronique objective des événements - confie à son contemporain, l'ancien curé de Montepuccio, par crainte que les mots ne viennent très vite à lui manquer.
Roman solaire, profondément humaniste, le livre de Laurent Gaudé met en scène, de 1870 à nos jours, l'existence de cette famille des Pouilles à laquelle chaque génération, chaque individualité, tente d'apporter, au gré de son propre destin, la fierté d'être un Scorta, et la révélation du bonheur.
Gardien de la citadelle Europe, le commandant Salvatore Piracci navigue depuis vingt ans au large des côtes italiennes, afin d'intercepter les embarcations des émigrés clandestins. Plusieurs événements viennent ébranler sa foi en sa mission et donner un nouveau sens à son existence. Dans le même temps, au Soudan, deux frères s'apprêtent à entreprendre le long et dangereux voyage qui doit les conduire vers le continent de leurs rêves, l'Eldorado européen. Parce qu'il n'y a pas de frontière que l'espérance ne puisse franchir, Laurent Gaudé fait résonner la voix de ceux qui, au prix de leurs illusions, leur identité et parfois leur vie, osent se mettre en chemin pour s'inventer une terre promise.
Quand Salina meurt, il revient à son fils, qui a grandi seul avec elle dans le désert, de raconter son histoire, celle d'une femme de larmes, de vengeance et de flamme. Laurent Gaudé réinvente les mythes pour écrire la geste d'une héroïne lumineuse et sauvage.
Une usine qui ferme dans les Vosges, tout le monde s'en fout. Une centaine de types qui se retrouvent sur le carreau, chômage, RSA, le petit dernier qui n'ira pas en colo cet été, un ou deux reportages sur France 3 Lorraine Champagne-Ardenne, et «basta». Sauf que les usines sont pleines de types n'ayant plus rien à perdre. Comme ces deux qui ont la mauvaise idée de kidnapper une fille sur les trottoirs de Strasbourg pour la revendre à deux caïds qui font la pluie et le beau temps entre Épinal et Nancy. Une fille, un Colt .45, la neige, à partir de là, tout s'enchaîne.
Dans une lettre laissée à sa fiIle après sa mort, Yukiko, une survivante de la bombe atomique, évoque les épisodes de son enfance et de son adolescence auprès de ses parents, d'abord à Tokyo puis à Nagasaki. Elle reconstitue le puzzle d'une vie familiale marquée par les mensonges d'un père qui l'ont poussée à commettre un meurtre.
Obéissant à une mécanique implacable qui mêle vie et Histoire, ce court premier roman marie le lourd parfum des camélias (tsubaki) à celui du cyanure. Sans céder au cynisme et avec un soupçon de bouddhisme, il rappelle douloureusement que nul n'échappe à son destin.
Une femme a disparu. Sa voiture est retrouvée au départ d'un sentier de randonnée qui fait l'ascension vers le plateau où survivent quelques fermes habitées par des hommes seuls. Alors que les gendarmes n'ont aucune piste et que l'hiver impose sa loi, plusieurs personnes se savent liées à cette disparition. Tour à tour, elles prennent la parole. Chacune a son secret, presque aussi précieux que sa propre vie.
Sur le causse, cette immense île plate où tiennent quelques naufragés, il y a bien des endroits où dissimuler une femme, vivante ou morte, et plus d'une misère dans le coeur des hommes. Avec ce roman choral, Colin Niel orchestre un récit saisissant autour de la solitude qui confine à la folie.
Retraçant le parcours d'une fée gymnaste qui, dans la Roumanie des années 1980 et sous les yeux émerveillés de la planète entière, mit à mal guerres froides, ordinateurs et records, ce roman dont la lecture politique n'épargne ni le bloc de l'Est ni la version falsifiée qu'en donnait à voir l'Occident délivre une passionnante méditation sur l'invention et l'impitoyable évaluation du corps féminin.
Après des années passées en ville, Atsuko s'est installée avec sa famille dans le village où elle avait fondé une petite ferme biologique. Une amie de jeunesse, brusquement perdue de vue à l'époque, resurgit dans sa vie.
Alexandre et Ada forment un couple heureux et s'apprêtent à accueillir un enfant. À l'heure de partir pour la maternité, Ada confie son premier-né à leur voisine Sandra, une célibataire qui a décidé de longue date qu'elle ne serait pas mère. Après cette soirée, celle-ci garde pourtant un attachement indéfectible au jeune garçon. Quelques années plus tard, sur un site de rencontres, Alexandre fait la connaissance d'Alba, une enseignante qui l'impressionne par sa beauté lisse et sa volonté de fer...
Sandra, Alexandre, Alba - sur ces trois piliers, Alice Ferney construit son roman : en révélant les aspirations, les craintes, les hésitations, les choix de ces personnages, elle orchestre une polyphonie où s'illustrent les différentes manières de vivre à deux, et d'être parent - ou de ne pas l'être.
Alternant les points de vue pour déplier toutes les réalités d'un projet ou d'une certitude, elle ausculte magistralement une société qui sans cesse questionne le bonheur familial et repousse les limites de la nature pour répondre aux quêtes individuelles.
Un trentenaire installé dans un couple sans surprise mais sans problème croise celle qui fut son premier grand amour d'enfance, devenue entraîneuse dans un bar. Après «Le Poids des secrets» et «Au coeur du Yamato», Aki Shimazaki, dans ce nouveau cycle romanesque, observe l'intimité sensuelle et amoureuse des individus sans se départir de sa pudeur ni de son élégance.
Ils sont une poignée, "Ceux qui partent", au coeur de la foule qui débarque du bateau sur Ellis Island, porte d'entrée de l'Amérique et du XXe siècle. Jeanne Benameur orchestre cette ronde nocturne où chacun tente de trouver la forme de son propre exil et d'inventer dans son corps les fondations de son pays intime.
Pour les besoins d'une thèse consacrée à «la vie à la campagne au XXIe siècle», l'apprenti ethnologue David Mazon a quitté Paris et pris ses quartiers dans un modeste village des Deux-Sèvres. Logé à la ferme, bientôt pourvu d'une mob, s'alimentant au Café- Épicerie-?Pêche et puisant le savoir local auprès de l'aimable maire - également fossoyeur -, le nouveau venu entame un journal de terrain.
Mais il ignore encore quelques fantaisies de ce lieu où la Mort mène la danse. Quand elle saisit quelqu'un, c'est pour aussitôt le précipiter dans la Roue du Temps, le recycler en animal aussi bien qu'en humain, lui octroyer un destin immédiat ou dans une époque antérieure.
À l'exception d'une trêve de trois jours par an au cours de laquelle est donné un banquet afin que les fossoyeurs ripaillent, sans scrupule et dans une fabuleuse opulence de nourriture, de libations et de langage. Car les saveurs de la langue, sa rémanence et sa métamorphose, sont l'épicentre de ce roman hors normes, aussi empli de truculence qu'il est épris de culture populaire, riche de mémoire, fertile en fraternité.
Pierre Rabhi a vingt ans à la fin des années 1950, lorsqu'il décide de se soustraire, par un retour à la terre, à la civilisation hors sol qu'ont commencé à dessiner sous ses yeux ce que l'on nommera plus tard les Trente Glorieuses. En France, il contemple un triste spectacle : aux champs comme à l'usine, l'homme est invité à accepter une forme d'anéantissement personnel à seule fin que tourne la machine économique. L'économie ? Au lieu de gérer et répartir les ressources communes à l'humanité en déployant une vision à long terme, elle s'est contentée, dans sa recherche de croissance illimitée, d'élever la prédation au rang de science. Le lien filial et viscéral avec la nature est rompu ; elle n'est plus qu'un gisement de ressources à exploiter - et à épuiser. Au fil des expériences de vie qui émaillent ce récit s'est imposée à Pierre Rabhi une évidence : seul le choix de la modération de nos besoins et désirs, le choix d'une sobriété libératrice et volontairement consentie, permettra de rompre avec cet ordre anthropophage appelé "mondialisation". Ainsi pourrons-nous remettre l'humain et la nature au coeur de nos préoccupations, et redonner enfin au monde légèreté et saveur. Sans exaltation, il livre une vision entière, exprimée avec un constant souci de précision et de limpidité.
Deux petits enfants de Tokyo, Yukio et Yukiko, scellent un pacte de fidélité en inscrivant leurs noms à l'intérieur d'une palourde, comme un serment d'amour éternel.
Devenus adolescents, ils se retrouvent à Nagasaki sans se reconnaître ; les sentiments qui les habitent désormais, qui les troublent profondément, leur seraient-ils interdits ? Aux dernières heures de sa vie, la mère de Yukio cherchera à ouvrir les yeux de son fils en lui remettant ce coquillage sorti du tiroir de l'oubli.
Chef d'entreprise prospère, marié et père de famille censément comblé, Gorô se voit contraint de reconsidérer l'équilibre de son existence et de se regarder en face le jour où toutes ses convictions sont ébranlées.