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Hippocampe
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La plus célèbre peinture de Johann Heinrich Füssli, Le Cauchemar, plusieurs fois répliquée à la fin du XVIIIe siècle en raison de son immédiat succès, est assez emblématique de cette riche livraison. L'artiste représente dans le même espace une jeune femme abandonnée à ses mauvais rêves, à ses tourments, peut-être érotiques, puis l'objet de ses supposées visions qui prennent physiquement possession de son corps - un démon accroupi sur sa poitrine et un cheval aveugle et fou traité comme un spectre.
Cette image extraordinaire lance une passerelle entre le dossier monographique consacré à l'écrivain argentin Alan Pauls (dirigé par André Gabastou), dont le roman Le Passé montre comment la pathologie amoureuse transforme les individus en fantômes, en morts-vivants, en restes d'êtres calcinés par la passion, puis le dossier thématique Furor (composé par David Collin) qui questionne l'usage du terme « fureur » à la fois synonyme de la folie, de l'incompréhensible, de la terreur, mais qui rime également avec une « saine colère », l'inspiration, la rébellion lucide. Le premier corpus, autour d'Alan Pauls, regroupe un entretien sur ses fictions et son écriture romanesque, une lecture de son essai sur Borges, un court texte d'Enrique Vila-Matas sur Le Passé, puis un essai inédit de Pauls consacré au doublage et à la disjonction entre voix et corps. Le second ensemble s'attache à préciser plusieurs acceptions de « furor » en analysant son étymologie latine, puis réunit une lecture des Trois fureurs (1974) de Jean Starobinski (Ajax, Füssli, Evangile), au regard des colères meurtrières récentes, un montage de textes de la revue Furor de Daniel Wilhem, puis un essai de Cécile Bargues sur la part furieuse de Dada.
Dans la rubrique « Recherches et idées », nous rassemblons des travaux en cours d'élaboration ou qui marquent une étape dans un processus de réflexion. Muriel Pic livre un essai sur l'auto-observation et le témoignage de soi chez Henri Michaux, auteur sur lequel elle poursuivra ses investigations dans les mois à venir, Philippe Baudouin prend pour point de départ une causerie de Gaston Bachelard sur la rêverie radiophonique pour nous faire voyager au pays des voix et Anne Creissels continue une série sur les arts des années 1970 (Gianni Piacentino, Tony Morgan), entamée par d'autres dans Hippocampe, en présentant l'oeuvre d'Ana Mendieta. Enfin, l'écrivain, dessinateur et plasticien Daniel Nadaud publie un projet en cours d'élaboration autour des pigeons voyageurs et du rôle stratégique qu'il jouèrent en temps de guerre. La riche section « Créations » confronte les peintures de Natalia Ossef, les poèmes de l'australien Les Murray, d'Antoine Mouton et de Laura Vazquez, et Bruno Carbonnet enquête sur les traces d'un paquebot échoué en Corée du Sud.
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HIPPOCAMPE n.14 : dossiers Emmanuel Hocquard ; nous
Collectif
- Hippocampe
- Hippocampe
- 29 April 2016
- 9791096911042
Pour notre dossier consacré au poète et traducteur Emmanuel Hocquard, les auteurs ont tous écrit avec et non pas sur lui : des lignes (Cressan); des notes (Lespiau), des anecdotes (Person), une proposition (Poyet). Ils ont choisi de faire pour lui : la traduction d'un chapitre du polar préféré de Wittgenstein (Tiberghien); ou un livre, parce que « le livre fait partie du texte » (Poyet). David Lespiau et Alain Cressan montrent Emmanuel Hocquard à sa table, en train d'écrire « ligne / après ligne ». Posés sur la surface de la table, « articles de journaux, pages de livres, citations, descriptions / extraits de ses propres textes. Supports pour la pensée ». Démontés et remontés. Du langage à plat. La phrase impose à la pensée ses enchaînements et ses automatismes, comme si tout allait de soi. Ses articulations conventionnelles rapportent l'inconnu au connu, annulent ce qui nous arrive. Il faut « défaire » le langage - ses poncifs et ses stéréotypes, ses formulations erronées, approximatives ou complaisantes -, défaire les phrases pour les « refaire », en disposant autrement des mots sur une page.
Cette livraison comprend également un dossier sur le pronom « NOUS » (Jacques Roman, Catherine Coquio, Daniel De Roulet...), puis une constellation de propositions à la croisée des arts et de la pensée : des essais d'Emmanuel Ruben, Alice Leroy, ou François-René Martin, un texte sur les revues de Jean-Christophe Bailly, une nouvelle de Bernardo Atxaga, un portfolio de Mélanie Delattre-Vogt...
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Dossier thématique : Météorologie.
Hamlet : Voyez-vous ce nuage, là-bas, qui a presque la forme d'un chameau ?
Polonius : Par la messe, c'est juste - oui, comme un vrai chameau.
Hamlet : J'ai idée qu'il est comme une belette.
Polonius : Il a le dos d'une belette.
Hamlet : Ou d'une baleine.
Polonius : Tout à fait, d'une baleine.
William Shakespeare, Hamlet (III, 2), trad. André Markowicz.
La description du temps qu'il fait est un grand sujet de conversation. Une préoccupation essentielle provoquant dialogue et échange. Les chroniques ou bulletins météorologiques sont des rendez-vous médiatiques très attendus, présentés par des vedettes, qui réalisent des records d'audience. Objet de passions ou de craintes, les prévisions des phénomènes atmosphériques sont nécessaires à certaines activités économiques, permettent d'anticiper et de prévenir des risques, et favorisent la planification des loisirs. Progressivement, la météo scientifique, « sérieuse », a supplanté le bon sens populaire ; paradoxalement, l'exode rural et l'urbanisation ont exacerbé la sensibilité des individus aux variations climatiques. Par ailleurs, le réchauffement planétaire observé depuis plusieurs décennies, enfin unanimement reconnu par les scientifiques, renforce certainement les conjectures sur le temps et suscite un intérêt encore plus grand pour la météorologie. Pluie, brouillard, nuages, vent, neige, orage. Ces manifestations aqueuses, gazeuses, électriques ou optiques, rassemblées sous le terme générique de « météore », firent récemment l'objet de l'ouvrage collectif dirigé par Alain Corbin : La pluie, le soleil et le vent. Une histoire de la sensibilité au temps qu'il fait (Aubier, 2013).
A partir d'une lecture des correspondances privées, l'historien repère une amplification de la météo-sensibilité à la fin du XVIIIe siècle qui s'accroit encore au siècle suivant. Les chapitres thématiques mobilisent des connaissances extrêmement hétérogènes, tant historiques, ou anthropologiques, que littéraires, scientifiques ou artistiques, afin de dresser un vaste panorama des rapports de l'homme à son environnement et des conséquences fécondes sur son imaginaire. Notre relation au climat passe évidemment par des sensations physiques, corporelles, qui induisent des gestes, des réflexes, des comportements. Mais elle nourrit également des projections mentales et des représentations intellectuelles que nous tentons d'approcher dans ce dossier mêlant essais, portfolio, notations, écriture. Le dénominateur commun des contributions de Jean-Christophe Bailly, David Collin, Marc Decimo, Mélanie Delattre-Vogt, Ariane Epars, Ann Veronica Janssens, Alexandre Mare ou Jacques Roman, est d'interroger la mémoire des phénomènes atmosphériques, par définition fugaces et insaisissables.
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