« Philosophie indienne », cela existe-t-il ? Des manuels scolaires, aujourd'hui encore, affirment que non. Certains penseurs aussi, comme Heidegger.
Pourtant, quelques générations auparavant, des philosophes européens se sont enthousiasmés. Schopenhauer et Nietzsche en Allemagne, Cousin et Renouvier en France, d'autres encore ont jugé qu'il fallait prendre en compte la philosophie indienne.
Que s'est-il passé, d'un siècle à l'autre ? Pourquoi l'Inde a-t-elle pratiquement disparu de la scène philosophique ? Existe-t-il, oui ou non, de la philosophie en Inde ?
Telles sont les questions que cet essai tente de poser, en mêlant érudition, ironie et écriture limpide.
Le présent ouvrage reprend une 1re édition, parue au Seuil en 1997, et qui est ici augmentée d'une préface. Il sera suivi d'un autre volume de R.-P. Droit, L'Oubli de l'Inde, paru en 1989 aux Puf, et qui sera publié en poche en novembre 2004. Le bouddhisme est à la mode mais sa découverte est récente en Europe, elle ne date que du XIXe siècle.
L'émergence de ce continent inconnu effraie l'Occident, qui n'y reconnaît aucune de ses valeurs, aucun de ses systèmes de pensée. Pour les philosophes allemands et français, tels que Hegel ou Renan, qui les premiers donnent à connaître le bouddhisme, ce dernier est synonyme de négation de la vie, d'anéantissement de l'individu, de « culte du néant ». Cependant, n'est-ce pas son propre nihilisme que l'Occident met ainsi en scène ? N'est-ce pas l'Europe même, minée par l'effondrement de ses valeurs et la montée de l'athéisme, que les hommes décrivent lorsqu'ils disent faire le portrait de l'Asie bouddhiste ? L'Occident a ainsi imaginé et construit le bouddhisme afin de mieux penser ses propres maux et exorciser ses peurs.
Il s'agit d'une analyse de la découverte du bouddhisme par l'Occident : en condamnant une religion qui prône l'oubli de soi et le culte du néant, les Européens ont tenté d'éloigner le spectre de l'athéisme et du nihilisme qui minaient leurs propres sociétés.
Ces gens ont de curieuses manières de vivre. Ils laissent venir des trous à leur manteau, enseignent dans une école vide, s'accouplent en public, tombent en extase. Leurs façons de mourir ne sont pas moins singulières : l'un se jette dans un volcan, l'autre s'enduit de bouse de vache, un troisième ne s'arrête plus de rire. Presque tous ont des problèmes avec l'argent.
Ces expérimentateurs obstinés, on les appelait dans l'Antiquité chercheurs de sagesse, ou encore philosophes. La modernité a oublié combien ils furent étranges.
Pour rencontrer ces sages perdus, deux écrivains ont choisi de fouiller dans une poussière d'histoires, de propos et d'anecdotes. Résultat : une face inhabituelle et très surprenante de la philosophie occidentale.