Dans un pays et un temps indéterminés, quinze jours avant d'être démobilisé, le lieutenant Livius fait l'objet d'une mutation dans la montagne, vers une lointaine forteresse. Une fois sur place, le jeune homme découvre un univers à part, absurde et paranoïde, où des hommes qui ne savent rien de leur situation, sinon qu'ils doivent obéir à un Ordre énigmatique, s'accrochent à leur passé et à leurs certitudes...
En 1768, les savants du monde entier s'organisent pour observer depuis différents points du globe le prochain passage de Vénus devant le Soleil. Maximilianus Hell, éminent astronome à la cour impériale de Vienne, choisit János Sajnovics, un jeune jésuite, pour l'accompagner dans son voyage jusqu'à Vardø, en Laponie, afin d'étudier le phénomène. Leur pérégrination, au rythme de péripéties et de rencontres étonnantes, les mène de ville en ville à travers l'Europe, dévoilant la complexité des systèmes idéologico-politiques et des échanges intellectuels de ce XVIIIe siècle riche en découvertes et en mutations.
En parallèle se lit le questionnement intérieur de János. Tourmenté par la fragilité de sa vocation, le jeune prêtre affronte les tentations de la chair tout en se voyant offrir la possibilité de participer à l'édification d'un monde nouveau fondé sur le rationalisme scientifique, « une entreprise qui peut changer le cours de l'Histoire ».
Ici encore, l'écrivain explore « l'homme, et son dans l'Histoire, esclave du monde matérialiste, dans l'Antiquité comme dans le présent ». Le Passage de Vénus devient ainsi un roman initiatique d'une envergure et d'une ambition prodigieuses comme seul Hász en a le secret.
Après Le Jardin de Diogène et La Forteresse, romans aux connotations nettement autobiographiques, tous deux parus aux Éditions Viviane Hamy, Róbert Hász explore le temps et nous propose une extraordinaire épopée qui remonte aux origines de la Hongrie.
Aux origines, les tribus magyares qui peuplaient le bassin des Carpates étaient soumises à l'autorité de deux princes : le Gyula, qui possédait le pouvoir temporel et veillait sur les hommes, et le Künde, qui veillait sur les âmes. Au Xe siècle, l'Europe centrale est au coeur de toutes les convoitises : Rome et Byzance se partagent les territoires, tandis que la menace germanique croît inexorablement. Dans ce même temps, les Magyars ont vécu une tragédie fatidique : le Künde Kurszán a été attiré dans un piège, puis assassiné ainsi que son fils ; depuis cet événement les Magyars n'ont plus d'instance spirituelle et errent tels des enfants désemparés.
«Diogène secoua la tête.
- Tu ne comprends pas. Les aveugles n'ont pas besoin de la vérité. Ils sont très heureux dans leur monde fallacieux, mais douillet. Qu'est-il arrivé aux voyants qui ont voulu décrire le monde réel aux aveugles ? Qui les a écoutés ?
- Mais les temps changent. Il peut venir une génération qui croira peut-être les voyants.
Diogène leva l'index :
- Eh bien, vois-tu, c'est la première chose que tu dois apprendre : les temps ne changent pas. La mer fait des vagues, mais l'eau reste. Les nuages peuvent avoir la forme de champignons, mais on ne peut pas les manger. L'homme est tel qu'il est né : ou il voit, ou il ne voit pas. Qu'une maison soit construite en brique grossière ou en verre étincelant, au bout de dix, cent, mille ans, le sable dont ils sont faits sera toujours du sable. Que dit l'Ecriture : "Tu es poussière..." - Ce ne sont que des lieux communs.
- Ne fais jamais fi des lieux communs. Ce sont des vérités pétrifiées. Il faut du courage pour essayer de briser ces pierres.»