L'alliance est la grammaire principale du monde. Phénomène commun, local et universel, le plus pauvre et le plus noble. Elle se trouve cependant aujourd'hui plus que jamais contrariée. Le monde est en dés-alliance sur le plan social, politique, anthropologique, écologique, techno-scientifique, métaphysique. Les demandes répétées de « recréer du lien » en corroborent le fait plus qu'elles n'en dessinent une alternative : affranchies de tout « principe », elles échouent à leur tour sur les rives du nihilisme. C'est que le principe est tombé dans l'oubli. Ses titres ont été, dès la fin du xixe siècle et tout au long du xxe siècle, durement contestés et ses droits confisqués. Nombre de succédanés se sont imposés, avec leurs antinomies et leurs tragédies humaines : Raison suffisante, Progrès, Destin, Cause, État. Le principe ainsi reclassé, déclassé, fut biffé derechef au titre de ce qui lui fut imputé : voracité de l'Un, maîtrise formelle de l'universalité, logique de sécurisation historique.Reconsidérer le principe autrement, i.e. comme alliance, tel est l'enjeu phénoménologique du présent ouvrage : loin de tout Deus ex machina, elle est le jeu de la différence initiatrice, de la pluralité unitaire, de la donation herméneutique. Ainsi, au principe, l'alliance fait être et fait temps. Elle est notre première promesse.
Penseur d'origine catholique, converti au protestantisme puis devenu farouchement antichrétien, Heidegger n'a cessé de se confronter aux grands moments de la tradition théologique. Comment le phénoménologue de la religion des années 1920 a-t-il interprété les textes de saint Paul, saint Augustin ou Maître Eckhart ? Comment, sortant de la théologie catholique en 1919 puis protestante en 1924, a-t-il articulé le geste philosophique avec la mystique médiévale et le judaïsme ? Telles sont les questions que pensent ces Études heideggériennes, qui retracent à la fois le parcours du philosophe et mettent en lumière sa compréhension singulière des concepts fondamentaux de la théologie.