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De Borges à Pierre Michon, nombreux sont les auteurs qui, au XXe siècle, ont écrit à l'enseigne des Vies imaginaires. Au gré de sa fantaisie et de son érudition, Schwob réinvente dans ce livre unique le genre de la biographie, croquant par le menu une vingtaine de personnages, illustres ou méconnus, de l'Antiquité au milieu du XIXe siècle : l'acteur Gabriel Spenser, les assassins Burke et Hare, la «matrone impudique» Clodia, le «pirate illettré» Walter Kennedy, le «poète haineux» Angiolieri...
Une délicieuse série de tableaux, dont Colette, s'adressant à Schwob, dira : «J'ai ici tes admirables Vies imaginaires, heureusement, et la perfection irritante de quelques-unes me fait mal dans les cheveux et des picotements dans les mollets. Tu ne connais pas ça, qu'on ressent en lisant quelque chose qui vous plaît trop ?»
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" mon nom samoan est maselo : il m'a été donné par les deux chefs d'apia, seumanu et amituanae.
Quand je bois le kava ou 'ava, qui est une cérémonie, mon nom est proclamé d'abord avant les battements de mains sacramentels. j'ai une affreuse maisonnette depuis hier - elle ne désemplit pas de samoans. je suis un talkman, un tulafale, un tusitala, et il leur faut des histoires jusqu'à minuit et une heure du matin. il me semble difficile que tu puisses me voir, assis sur une natte parmi tous ces hommes nus et tatoués, à côté du alii, le chef qui m'écarte les mouches avec un chasse-mouches, tandis que sa fille m'évente, et autour de moi les autres tulafale, l'un qui traduit ; les rires de plaisir, les questions sur les détails, les malies d'admiration.
Le soir du nouvel an j'avais près de moi f?, qui a des moustaches blanches, célèbre pour avoir il y a deux ans coupé la tête du fils de mataafa et l'avoir apportée à son chef seumanu, ce qui est un grand honneur. foe se battait pour le jeune malietoa, maintenant relégué à levuka, dans les fidji. il m'a raconté comment il avait coupé cette tête (ulumutu). tous ces gens sont des guerriers endurcis qui ne pensent qu'à se battre.
".
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" d'abord il s'était intéressé à l'art, mais seulement à l'art qui semblait ne relever d'aucune école.
Ainsi il avait commencé par admirer une demi-douzaine de peintres, les uns inconnus ; d'autres d'on ne connaissait qu'un tableau ; d'autres encore comme le maître des demi-figures, dont nous ne possédons même pas le nom. il savait qu'en faisant jouer un ressort derrière l'un des tableaux de la grande salle du musée de haarlem, sous le panneau de la confrérie saint-jean de jérusalem, une petite porte s'ouvre, comme enchantée, et que dans une chambre secrète on aperçoit une merveilleuse sainte cécile.
Il connaissait à paris une descente de croix de wohlgemuth, deux portraits de cranach, un de fra filippo lippi, mais n'en partageait la vue qu'avec leurs possesseurs. dans certaines chapelles d'allemagne il était seul à avoir découvert la main de schoorl ou de schaüffelin sur des retables que personne n'a regardés depuis quatre cents ans. malheureusement, un à un, on violait ses secrets ; de curieux voyageurs, des savants sur une piste, des catalogueurs de musée, révélaient au public ce que cyprien s'était cru seul à adorer.
".
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