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Flammarion
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De Borges à Pierre Michon, nombreux sont les auteurs qui, au XXe siècle, ont écrit à l'enseigne des Vies imaginaires. Au gré de sa fantaisie et de son érudition, Schwob réinvente dans ce livre unique le genre de la biographie, croquant par le menu une vingtaine de personnages, illustres ou méconnus, de l'Antiquité au milieu du XIXe siècle : l'acteur Gabriel Spenser, les assassins Burke et Hare, la «matrone impudique» Clodia, le «pirate illettré» Walter Kennedy, le «poète haineux» Angiolieri... Une délicieuse série de tableaux, dont Colette, s'adressant à Schwob, dira : «J'ai ici tes admirables Vies imaginaires, heureusement, et la perfection irritante de quelques-unes me fait mal dans les cheveux et des picotements dans les mollets. Tu ne connais pas ça, qu'on ressent en lisant quelque chose qui vous plaît trop ?»
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Trois ans séparent Coeur double, recueil de contes à l'humour grinçant, du poétique et prophétique Livre de Monelle : par-delà leur différence de ton, ces deux oeuvres incarnent le goût de Marcel Schwob pour le mystère irréductible de l'être. Dans chacun des récits qui composent Coeur double (1891), cet écrivain inclassable - dont la légende dit qu'il avait horreur des miroirs - met en scène un personnage aux prises avec un étrange et épouvantable double surgi du réel... À cette galerie de portraits grotesques succède, dans Le Livre de Monelle (1894), un unique personnage, celui d'une petite prostituée : Monelle livre sa sagesse au narrateur avant de céder la parole à ses onze soeurs - l'égoïste, la Voluptueuse, la Perverse, la Fidèle, l'Insensible...-, et de disparaître dans la nuit. Évoquant tout à la fois les Psaumes et Les Nourritures terrestres de Gide, Le Livre de Monelle constitue, selon Maurice Maeterlinck, «les pages les plus parfaites qui soient dans notre littérature, les plus simples et les plus religieusement profondes qu'il nous ait été donné de lire».