In Girum imus nocte et consumimur igni.« Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes consumés par le feu. » Qui aurait pu imaginer que cette locution latine, palindrome à l'origine incertaine, livrerait aujourd'hui la tonalité d'une vaste contestation et, au-delà, l'allégorie d'une époque ?
En novembre et décembre 2018, ont en effet surgi sur les ronds-points de France des dizaines de milliers de gilets jaunes. S'ils y ont brûlé des feux conjugués de leurs colères, de leurs espoirs et d'une implacable répression d'État, ils y ont aussi entamé une longue marche giratoire autour d'un autre foyer : celui d'une politique ancrée dans le local, où s'articuleraient autonomie, écologie et justice sociale. Une politique de la Commune, ou plutôt des communes, qui ne serait plus seulement une lubie d'anarchistes ou de révolutionnaires sans révolution, mais un appel auquel les mouvements sociaux du futur auront à répondre.
Pour en entendre d'ores et déjà la rumeur, il faut s'essayer à une lecture d'ensemble du soulèvement jaune. Comprendre comment une mobilisation imprévue a mis en crise les habitudes éculées de la lutte. Expliquer pourquoi ce mouvement s'est tenu à l'écart des idéologies, parvenant, en définitive, à politiser des groupes populaires et périurbains jusqu'alors réfractaires à la politique. Et finir par inscrire l'événement dans une série de protestations qui font des potentialités libératrices et démocratiques du « proche » un nouvel enjeu d'imagination politique.
Il faut « éprouver, écrit Fabrice Pichat dans ses notes, l'opiniâtreté des formes » et la faire éprouver. Il parle ainsi de « formes en mouvement » : certaines vibrent, d'autres sont rampantes ( Migration ), leur vitesse est toujours un élément capital. Il ouvre et ferme des circuits de perception, requiert l'attention, vise à la contraindre, voire à la capturer. Il demande du temps...Il n'est pas facile à archiver, à mettre en photo et en catalogue. Il résiste à la fixation. Ici, c'est en grande partie l'ordre chronologique qui est privilégié : le lecteur s'essaiera librement aux liaisons et aux associations d'une pièce à l'autre comme le regardeur des installations de Pichat doit apprendre à prolonger imaginairement ses sens vers des espaces invisibles..., À les réorienter, à les coordonner.
Ce catalogue réunit la production artistique de Fabrice Pichat, une proposition graphique de Making Things Public et un texte critique de Laurent Jeanpierre.
Le rapport ambivalent que nous entretenons à l'égard du possible est révélateur des difficultés à transformer en profondeur la société. Exalté par le capitalisme sous la forme du potentiel, confondu avec le désirable par ceux qui lui opposent des alternatives, le « possible » n'est, pour la plupart, qu'une chimère, quand il n'est pas le paravent de la destinée. Face à la délimitation et à la préemption des possibles qu'opère tout pouvoir, nous ne pourrons rouvrir l'horizon qu'en portant un autre regard sur les possibilités latentes qu'enferme le réel.
Ni prophétie, ni programme, prévision calculée ou utopie de papier, la perspective du possible proposée dans cet ouvrage entend dénaturaliser l'avenir en prenant au sérieux les potentialités du présent. Haud Guéguen et Laurent Jeanpierre renouvellent ainsi une tradition de pensée qui, puisant dans les oeuvres de Marx et de Weber, inspire la sociologie et la théorie critique depuis leurs origines. Ils montrent sa fécondité pour cartographier les possibles avec rigueur et penser stratégiquement la question de leur actualisation.
Le dernier siècle a séparé et souvent opposé l'utopie, les sciences de la société, la critique sociale et l'émancipation, pourtant unies chez les socialistes révolutionnaires. Il s'agit de les rassembler à nouveau pour restaurer les conditions de l'espérance. Tel pourrait bien être, aujourd'hui, l'antidote à la fois savant et politique à l'impuissance de la critique et des gauches.
Sans équivalent par son approche de longue durée (des lendemains de la Révolution jusqu'à nos jours), cette somme retrace l'histoire de la France contemporaine au prisme des idées qui l'ont transformée et qui s'y sont affrontées. S'efforçant de combiner tout à la fois les approches sociales, culturelles, politiques et symboliques, portant une attention particulière aux espaces de production et de diffusion des idées, elle donne à lire une histoire de la vie intellectuelle entièrement décloisonnée et renouvelée.
Ce premier tome couvre une période qui s'étend de 1815 à 1914. À la conquête des libertés d'expression et à l'imbrication forte entre monde intellectuel et champs politique et religieux (1815-1860) succède une phase d'autonomisation collective des intellectuels qui luttent entre eux pour définir les valeurs d'une société en pleine mutation (1860-1914).
Sans équivalent par son approche de longue durée (des lendemains de la Révolution jusqu'à nos jours), cette somme retrace l'histoire de la France contemporaine au prisme des idées qui l'ont transformée et qui s'y sont affrontées. S'efforçant de combiner tout à la fois les approches sociales, culturelles, politiques et symboliques, portant une attention particulière aux espaces de production et de diffusion des idées, elle donne à lire une histoire de la vie intellectuelle entièrement décloisonnée et renouvelée.
Ce deuxième tome s'étend de 1914 à 1962 et se penche sur une période qui consacre la valeur de l'engagement des intellectuels dans les combats politiques de l'époque, de la Première Guerre mondiale à la guerre d'Algérie.
Sans équivalent par son approche de longue durée (des lendemains de la Révolution jusqu'à nos jours), cette somme retrace l'histoire de la France contemporaine au prisme des idées qui l'ont transformée et qui s'y sont affrontées. S'efforçant de combiner tout à la fois les approches sociales, culturelles, politiques et symboliques, portant une attention particulière aux espaces de production et de diffusion des idées, elle donne à lire une histoire de la vie intellectuelle entièrement décloisonnée et renouvelée.
Ce troisième tome s'intéresse à la période la plus contemporaine (de 1962 à nos jours). Après l'effervescence des années 1960 et 1970, la déploration actuelle de la perte d'influence des intellectuels dans l'espace public masque les voies nouvelles d'expression des idées qui, jusqu'à aujourd'hui, ambitionnent de comprendre le monde, voire de le transformer.
« Je suis quelqu'un qui n'aime pas parler et qui aime les mots, qui pense que la puissance de l'évènement est malgré tout liée à la puissance des mots capables de le qualifier. » Littéraire et cinéphile, Jacques Rancière élabore depuis les années 1960/1970 une philosophie de l'émancipation, celle de la participation de tous à l'exercice de la pensée, et donc au gouvernement de la cité. Contre ces intellectuels qui prétendent détenir la vérité, il se bat pour l'abandon de la traditionnelle distinction entre savants et ignorants. Dans ce livre d'entretien, Dork Zabunyan et Laurent Jeanpierre croisent avec lui le parcours biographique, l'oeuvre philosophique et le regard du philosophe sur le monde. Nous relisons avec eux les années de formation et le parcours intellectuel, l'ENS, les maîtres, le séminaire d'Althusser, la thèse sur la nuit des prolétaires, Foucault, le cinéma, mais aussi des moments et des questions de notre histoire commune comme la guerre d'Algérie, le Parti communiste, 68, ou encore les révoltes arabes, l'écologie politique, le vote des étrangers...
Une vie qui se veut tout sauf exemplaire, dédiée à l'exercice de la philosophie c'està- dire à l'émergence de nouveaux mondes possibles.