Paru en 1762, le Contrat social, en affirmant le principe de souveraineté du peuple, a constitué un tournant décisif pour la modernité et s'est imposé comme un des textes majeurs de la philosophie politique.
Il a aussi acquis le statut de monument, plus célèbre que connu, plus révéré - ou honni - qu'interrogé. Retrouver, dans les formules fameuses et les pages d'anthologie, le mouvement de la réflexion et les questions vives qui nourrissent une oeuvre beaucoup plus problématique qu'affirmative, c'est découvrir une pensée qui se tient au plus près des préoccupations d'aujourd'hui : comment intégrer les intérêts de tous dans la détermination de l'intérêt commun ? Comment lutter contre la pente de tout gouvernement à déposséder les citoyens de la souveraineté ? Comment former en chacun ce sentiment d'obligation sans lequel le lien social se défait ?
Nous voyons aujourd'hui l'Émile comme une anticipation révolutionnaire des méthodes nouvelles en éducation. Mais, en 1762, sa publication et son succès mettent le feu aux poudres : la façon dont Rousseau y nie le péché originel lui vaut condamnation de l'Église. Convaincu d'une forme de bonté naturelle de l'enfant, que n'aurait pas encore pervertie la société humaine, Rousseau en vient à l'idée que l'enfance est un moment essentiel de l'existence et que son développement obéit à des lois générales sur lesquelles tout bon pédagogue devrait s'appuyer.
Les deux premiers livres de l' Émile portent sur les deux stades initiaux de l'enfance (de la naissance à 2 ans et de 2 à 12 ans), au cours desquels la pédagogie est, d'emblée, un enjeu des plus sérieux. Mettant en scène un gouverneur et son jeune élève à travers une narration théorique d'une infinie richesse, Rousseau nous donne à penser les questions les plus cruciales soulevées par toute réflexion sur l'enfance.
Dossier.
1. Les sources de la pensée éducative de Rousseau.
2. L'Émile, un précis d'anthropologie rousseauiste.
3. La pédagogie et l'enfance à l'époque des Lumières.
4. Les approches de l'enfance d'inspiration rousseauiste.
Paru en 1755, le Discorns sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes peut être considéré comme la matrice de l'oeuvre morale et politique de Rousseau : il y affirme sa stature de philosophe, l'originalité de sa voix, la force de son "système".
Résoudre le problème posé par l'Académie de Dijon, "quelle est la source de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle ?" en d'autres termes expliquer que riches et puissants dominent leurs semblables sur lesquels ils n'ont pas de réelle supériorité, exige aux yeux de Rousseau de poser à nouveaux frais la question "qu'est-ce que l'homme ?". Pour cela, il faut comprendre comment s'est formée sa "nature actuelle", si éloignée de ce que serait son état de nature : "Si je me suis étendu si longtemps sur la supposition de cette condition primitive, c'est qu'ayant d'anciennes erreurs et des préjugés invétérés à détruire, j'ai cru devoir creuser jusqu'à la racine."
« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi.
Moi, seul. Je sens mon coeur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu. »
La publication de l'Emile, en 1762, restitue au problème de l'éducation sa place centrale en philosophie.
De ses premiers mois jusqu'à la rencontre amoureuse, Emile est suivi dans chaque étape, à travers des expériences qui attestent d'abord le souci de considérer « l'enfant dans l'enfant », au lieu de le sortir de son âge. Rousseau montre qu'il est possible d'éduquer un homme selon la nature et de quelle façon les vices et l'inégalité caractérisent désormais la condition humaine : double enjeu qui constitue sa « théorie de l'homme ».
La richesse incomparable de ce maître-livre tient aussi aux tensions qui le parcourent. Rousseau refuse le péché originel mais il doit rendre raison du mal et de la souffrance que ce dogme interdisait d'ignorer; il critique les philosophes de son temps mais il pousse à ses limites leur méthode empiriste; il proclame: «je hais les livres», mais il fournit le panorama le plus juste et le plus instruit de la culture du XVIIIe siècle, en face de l'Encyclopédie et, pour partie, contre elle.
Parus ensemble, Emile et le Contrat social furent condamnés à Paris puis à Genève: la force du traité d'éducation n'échappa pas aux censeurs, même si Rousseau prétendait ne livrer que « les rêveries d'un visionnaire ». Car la forme même de la fiction arrache l'ouvrage aux circonstances : pas plus que ses lecteurs des Lumières, nous ne sommes à l'abri de ses leçons.
"Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même." Après le temps des Confessions vient celui des Rêveries, où Jean-Jacques retrouve la plénitude de soi et engage par l'écriture une réflexion sur l'introspection et les limites de la reconstitution du passé.
Ce roman épistolaire met en scène la passion de Julie d'Etange, vouée à épouser contre son gré M. de Wolmar, et Saint-Preux, son précepteur.
Quatre ans après le Discours sur les sciences et les arts (1750) qui le rend célèbre, Rousseau trouve l'occasion de développer les principes de sa philosophie avec le Discours sur l'inégalité. Il s'y révèle le porte-parole des humiliés et des offensés, l'interprète de ceux que l'ordre social, à Genève comme en France, condamne à vivre en situation d'étrangers. S'adressant à tous les individus, le philosophe vise l'universel et dessine dans ces écrits l'image de l'homme intégral.
Polémique, raisonnement, érudition, imagination : tout s'assemble dans une ferveur intellectuelle sans égale, faisant de ce texte le point de départ de la réflexion moderne sur la nature de la société.
On connaît Rousseau comme l'auteur d'un seul roman, «La Nouvelle Héloïse», son chef-d'oeuvre de presque mille pages ; on sait moins qu'il pratiqua à plusieurs reprises la forme brève du conte et de la nouvelle, explorant une variété de situations et de modalités d'écriture. On présente ici trois de ces brefs récits, qui livrent un échantillon du savoir-faire littéraire d'un philosophe fasciné par le « pays des chimères », ce monde qui filtrait son rapport au réel.
Rousseau ne voulait pas qu'un portrait de lui figure en tête de ses Ouvres.
Son vrai portrait, le seul qui ne mentirait pas, c'est en lisant ses Confessions qu'on l'aurait sous les yeux : "Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi". Mais quelle identité assigner à ce moi qui déclare : "Je suis autre" ? Autre que tous les autres, et pourtant leur semblable. Perpétuellement autre que soi, et pourtant toujours même.
"Bizarre et singulier assemblage" d'identifications multiples où Narcisse et Caton, Alceste et Céladon, Mentor et le petit Jésus, Socrate et la cigale, Orphée et la fourmi, le rat des villes, celui des champs, le berger extravagant, l'agneau immaculé et le bouc émissaire tiennent tour à tour le devant de la scène, sans nuire pour autant à l'unité d'action, "tant tout se tient, tout est un dans mon caractère".
Au lecteur d'en juger.
Ces six premiers livres sont le récit de formation du jeune Jean-Jacques, orphelin de mère et fils d'un modeste horloger genevois.
Nous retrouvons ici les scènes fameuses que Rousseau a choisies pour nous donner à lire sa nature véritable : la fessée de Mlle Lambercier, le ruban volé, la rencontre avec Mme de Warens, mère et maîtresse tout ensemble... D'aveu en aveu, de découverte en découverte, l'écrivain se peint comme il se voit et comme il veut que nous le voyions. Dans Les Confessions, qui paraissent en 1782, quatre ans après la mort de leur auteur, un territoire tout personnel s'invente où, à l'écriture de l'aveu, viennent se mêler la fantaisie du romancier, le souvenir des vieux mémoires d'aristocrates, sans oublier le goût du siècle pour les romans-mémoires : "Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple", écrit Rousseau, et ce qu'il inaugure en effet, c'est un genre littéraire nouveau, celui de l'autobiographie, dont le mot même n'apparaîtra que cinquante ans plus tard.
Une histoire originale et dynamique pour découvrir les grands préceptes du fameux Emile ou De l'éducation de Jean-Jacques Rousseau ! Enseigner. Apprendre. Quand il s'agit d'éducation, le fameux " Emile " de Rousseau est incontournable. Cette oeuvre présente l'importance d'une éducation libérale et individuelle à travers la petite enfance, l'enfance et la jeunesse d'un garçon, et est un véritable manuel destiné aux éducateurs.
En voici une adaptation en manga dynamique avec de l'amour et des affrontements entre rivaux !
Comment reconnaître les différentes parties d'une fleur? Qu'est-ce qu'une Scrofulaire? À quelle famille de plantes appartient la Ciguë? Comment réaliser un herbier dans les règles de l'art? Dans ces huit lettres à l'érudition teintée de poésie, Rousseau nous invite à examiner la nature et se fait le «décodeur amusé» d'un monde végétal foisonnant et mystérieux.
«Il n'y a rien de compliqué ni de difficile à suivre dans ce que j'ai à vous proposer. Il ne s'agit que d'avoir la patience de commencer par le commencement.»
« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi.
Moi, seul. Je sens mon coeur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu. »
Avec Les Confessions, Rousseau invente un genre, qu'on baptisera plus tard l'autobiographie. L'écrivain inaugure cette entreprise dans les quatre premiers livres, publiés après sa mort, en 1782. Il y retrace une enfance difficile à Genève, sa fuite et ses voyages, sa rencontre miraculeuse avec Mme de Warens. Pourquoi raconter sa vie ? Sans doute pour se justifier aux yeux des hommes, mais aussi pour essayer de trouver ce que cherche tout un chacun, un sens à son existence.
La Profession de loi du vicaire savoyard, que Rousseau a insérée au coeur du livre IV de l'Emile, est le principal texte qui, dans l'ensemble de son oeuvre, aborde la question de Dieu et de la religion.
Elle fut aussi capable de dresser contre elle la quasi-totalité de ce que l'époque comptait de penseurs et d'hommes d'Eglise : d'Holbach à Voltaire, en passant par l'archevêque de Paris et les ministres réformés de Genève, tous se scandalisèrent de cette Profession de fini qui valut à l'Emile d'être interdit. Critiquant les religions révélées et refusant toute autorité aux Eglises. Rousseau en appelle à la religion naturelle, croyance raisonnable et raisonnée que chacun peut découvrir dans l'intimité de son coeur.
Solitaire désormais détaché du monde, le Rousseau de ces six derniers livres est toujours en quête de son Moi, mais un autre combat le mobilise aussi : comme les éditions pirates de ses livres ont forgé à ses yeux une fausse idée de sa personne, c'est à se réhabiliter qu'il vise ici, dans une tentative désespérée pour dessiner et imposer sa vraie figure.
Face à ses ennemis tapis dans l'ombre, il se met à nu pour ne pas jouer leur jeu, et, pour leur échapper, se montre tel qu'il est. Alors que, dans la première partie des Confessions, il s'attachait à mieux se comprendre et se donner à comprendre par une série de scènes emblématiques, ce qui se découvre ici, c'est l'écrivain qui se croit persécuté, l'homme traqué qui ne trouve la paix que parmi les fleurs des champs, l'éternel expulsé qui s'ouvre à la légende.
Et s'il va vers la mort, c'est dans la recherche de l'harmonie qui se puisse établir entre une image de soi constamment haute et les misères de son destin.
Rousseau ne voulait pas qu'un portrait de lui figure en tête de ses Oeuvres. Son vrai portrait, le seul qui ne mentirait pas, c'est en lisant ses Confessions qu'on l'aurait sous les yeux : "Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi". Mais quelle identité assigner à ce moi qui déclare : "Je suis autre" ? Autre que tous les autres, et pourtant leur semblable. Perpétuellement autre que soi, et pourtant toujours même. "Bizarre et singulier assemblage" d'identifications multiples où Narcisse et Caton, Alceste et Céladon, Mentor et le petit Jésus, Socrate et la cigale, Orphée et la fourmi, le rat des villes, celui des champs, le berger extravagant, l'agneau immaculé et le bouc émissaire tiennent tour à tour le devant de la scène, sans nuire pour autant à l'unité d'action, "tant tout se tient, tout est un dans mon caractère". Au lecteur d'en juger.
L'année 1757 est celle de la grande passion de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) pour la comtesse d'Houdetot. Élisabeth Sophie Françoise de Bellegarde (1730-1813) avait épousé en 1748 le comte d'Houdetot, dont elle eut trois enfants. Mais c'est auprès du marquis de Saint- Lambert (1707-1803) qu'elle trouva l'amour. Elle inspira à Rousseau le personnage de Julie de La Nouvelle Héloïse , rédigé entre l'été de 1756 et septembre 1758. Ne pouvant être pour la jeune femme qu'un ami et un ami un peu encombrant, Rousseau compense son échec en imaginant une situation où il retrouve un beau rôle : le « berger extravagant » se fait professeur de vertu.
Il rédige, en même temps qu'il compose La Nouvelle Héloïse, six lettres à la comtesse d'Houdetot - qu'il ne lui adressera finalement jamais. Si Rousseau cherche à dépasser sa frustration de son amour, il tient à lui demeurer lié et à lui léguer un peu de sa sagesse :
« L'objet de la vie humaine est la félicité de l'homme, mais qui de nous sait comment on y parvient ? [...] L'étude que je vous propose ne donne point un savoir de parade qu'on puisse étaler aux yeux d'autrui, mais elle remplit l'âme de tout ce qui fait le bonheur de l'homme. »
Voilà comment le luxe, la dissolution et l'esclavage ont été de tout temps le châtiment des efforts orgueilleux que nous avons faits pour sortir de l'heureuse ignorance où la sagesse éternelle nous avait placés.
Le voile épais dont elle a couvert toutes ses opérations, semblait nous avertir assez qu'elle ne nous a point destinés à de vaines recherches. mais est-il quelqu'une de ses leçons dont nous ayons su profiter, ou que nous ayons négligée impunément ? peuples, sachez donc une fois que la nature a voulu vous préserver de la science, comme une mère arrache une arme dangereuse des mains de son enfant ; que tous les secrets qu'elle vous cache sont autant de maux dont elle vous garantit, et que la peine que vous trouvez à vous instruire n'est pas le moindre de ses bienfaits.
Les hommes sont pervers ; ils seraient pires encore, s'ils avaient eu le malheur de naître savans.
"Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. Tel est le problème fondamental dont le contrat social est la solution." Les Livres I et II du Contrat social énoncent les principes rationnels du droit politique qui président à toutes les institutions républicaines dont notre Constitution et nos idéaux n'ont cessé de s'inspirer. En France, mais aussi, de proche en proche, dans toutes les sociétés qui souscrivent au même idéal.
«Sitôt qu'un homme fut reconnu par un autre pour un Être sentant, pensant et semblable à lui, le désir ou le besoin de lui communiquer ses sentiments et ses pensées lui en fit chercher les moyens. Ces moyens ne peuvent se tirer que des sens, les seuls instruments par lesquels un homme puisse agir sur un autre. Voilà donc l'institution des signes sensibles pour exprimer la pensée. Les inventeurs du langage ne firent pas ce raisonnement, mais l'instinct leur en suggéra la conséquence.» Jean-Jacques Rousseau.
L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. C'est à élucider ce pardoxe, qui ouvre l'autre volet de son oeuvre politique, Du contrat social, que s'emploie Rousseau dan son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Son objectif est de retrouver l'idéal qui inspirera la fondation des institutions à venir. L'homme, libre à l'origine, doit rétablir volontairement sa nature estompée. C'est à ce respect de la nature, réfléchie et recomposée par l'intelligence et la raison, que nous invite Rousseau dans ce texte magistral.
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