Dans les brefs récits qui composent Mythologies, Gonçalo M. Tavares explore un nouvel univers d'une perturbante étrangeté, mêlant légendes archaïques, fables revisitées, contes cruels et drolatiques, visions allégoriques et cauchemardesques. D'un humour noir et acéré, cet opus venimeux nous plonge dans un imaginaire délicieusement incongru. Avec les Hommes-à-la-Tête-près-du-Sol, l'Autruche, le Chasseur, la petite Anastasia, l'Homme-à-la-BoucheOuverte, la Femme-Sans-Tête et tant d'autres, le génial auteur portugais esquisse une mythologie du xxie siècle qui interroge la violence et la déraison de l'être humain, sa fascination pour la technique et les machines, les liens du sang, la trahison, la peur, la liberté....
Sous les yeux du lecteur, tout à la fois décontenancé et fasciné, prend forme un nouveau cycle qui pourrait bien s'étendre à l'infini. Dominique Nédellec, traducteur et Prix Laure Bataillon 2021 .
« Ce qui le fascinait chez les gens étranges, c'était l'absolue liberté avec laquelle ils faisaient leurs choix individuels. Chez le fou ou le mendiant qui erraient dans les rues en demandant du pain, Buchmann voyait des hommes pouvant choisir, avec une liberté pure et sans conséquences, leur morale individuelle. Une morale à nulle autre pareille, sans équivalent aucun.
Un fou n'était pas immoral, un mendiant non plus. C'étaient des individus sans égal, de même qu'un roi n'a pas de pair, n'a personne à ses côtés.
Buchmann regardait avec admiration ces hommes qui avaient dans leur poche un système juridique unique, avec leur nom à la fin. D'une certaine manière, c'était cela que Buchmann désirait : être le héraut d'un système légal dont les lois ne s'appliqueraient qu'à lui, d'une morale qui ne serait ni celle du monde civilisé ni celle du monde primitif, qui ne serait pas la morale de la cité ni même celle de sa famille, mais une morale qui porterait son nom, rien que son nom, inscrit à son fronton. » Lenz Buchmann envoûte et révulse, obsédé qu'il est par la force et la puissance. Apprendre à prier ... s'immisce dans ses fibres, ses terminaisons nerveuses, les cellules de son cerveau, celui d'un homme à l'intelligence terrifiante par son absence absolue d'affect.
Tavares affronte le XXIe siècle, qui expérimente l'effondrement des utopies et des idéologies. Et l'on s'incline devant son talent, comme l'ont fait António Lobo Antunes, Enrique Vila-Matas, Alberto Manguel, ou José Saramago.
« O Bairro » (Le Quartier) créé par Gonçalo M. Tavares est en fête : ses habitants s'apprêtent à accueillir de nouveaux voisins. Ils sont réunis pour la première fois dans ce livre.
« Mais, d'une certaine façon, Theodor redoutait ce qui l'excitait le plus : quel regard aurait-il sur lui-même s'il parvenait à comprendre le raisonnement - et donc à le considérer comme normal - qui est à la base de l'extermination de milliers de personnes : enfants, vieillards, femmes ? Il avait peur de sa capacité peu commune - et si souvent saluée - à comprendre les fous. Cette capacité à entrer dans des têtes bizarres, comme disaient certains de ses collègues. C'était de cette empathie avec le non-normal que pourrait naître quelque chose d'inacceptable. Si j'arrive à comprendre la partie folle de l'Histoire, si je réussis à entrer dans la tête de l'Horreur, si je réussis à dialoguer avec elle, que ferai-je ensuite ? » Jérusalem illustre la capacité de l'homme à opprimer. Si les personnages sont en permanence entre raison et folie, ils sont tous en quête de salut.
Le style sobre et sec, le ton ironique et rieur sont au service d'un regard sceptique sur le genre humain. « Gonçalo M. Tavares est un écrivain qui se place dans le sillage de grands auteurs tels Kafka, Musil, Calvino, ou encore Borges, mais qui a aussi des accents bibliques et des réminiscences de Dante. » (Lídia Jorge)
EN LIBRAIRIE le 10 novembre 2011 Gonçalo M. TAVARES / MONSIEUR WALSER et la forêt 60 p. / 12 euros Ensemble O Bairro / Le Quartier Traduit du portugais par Dominique Nédellec ISBN978-2-87858-508-7 " Comme Walser est content ! À peine ouvre-t-on la porte de sa maison - il le sent bien - que l'on pénètre dans un autre monde. Comme s'il ne s'agissait pas seulement d'un mouvement physique dans l'espace - avancer de deux pas - mais aussi d'un déplacement - bien plus intense - dans le temps. Entre le pied de derrière dont émane encore l'odeur de la terre et qui donne la sensation, en rien objective, mais qui existe bel et bien, qu'on est entouré de choses vivantes qu'on ne comprend pas complètement et qui ne nous comprennent pas - les éléments de la forêt -, entre ce pied de derrière et le pied de devant, qui a déjà franchi le pas de la porte, la distance parcourue ne doit pas se mesurer en centimètres mais en siècles, voire en millénaires. " Le Bairro est un quartier dans lequel cohabitent plusieurs messieurs. C'est, comme Gonçalo M. Tavares aime à le dire, une utopie qui rend hommage à d'illustres auteurs. Ici, c'est Monsieur Walser qui fait son entrée en scène. Voilà un drôle de personnage, solitaire en apparence, qui décide de faire construire sa maison au beau milieu de la forêt, quelque peu éloignée donc du fameux Bairro.
Cette nouvelle demeure, fruit d'acharnement et d'exigence, est le symbole même de la victoire de la civilisation, c'est le pouvoir de la technique sur la nature, un espace que l'humanité a conquis sur la forêt !
Seulement voilà, le jour de l'inauguration les choses vont se compliquer à mesure que l'on sonne à la porte... Alors que Monsieur Walser semble au comble de la félicité, ce sont les professionnels, au lieu des invités, qui font irruption dans la maison afin de réparer les robinets, les murs, les fenêtres, le parquet... Monsieur Walser, l'esthète qui ne comprend rien à la technique, voit sa maison toute neuve chambardée, envahie d'échafaudages et autres matériels. Les professionnels finissent alors par prendre la décision de dormir sur place, au vu de l'ampleur des dégâts. L'homme n'est jamais à l'abri du chaos et Monsieur Walser en fera bien vite l'amère expérience ! Ce nouveau petit livre offre une caricature divertissante de la figure de l'intellectuel souvent isolé des choses concrètes et éloigné du monde réel.
C'est encore un bijou d'humour que signe l'auteur portugais, Gonçalo M. Tavares, qui a obtenu le Prix du meilleur livre étranger 2011 pour Apprendre à prier à l'Ère de la Technique et le Prix littéraire des jeunes européens 2011, étudiants francophones pour Monsieur Kraus.
Titres du Bairro déjà parus aux Editions Viviane Hamy : Monsieur Valéry et la logique (2008), Monsieur Kraus et la politique (2009), Monsieur Calvino et la promenade (2009), Monsieur Brecht et le succès (2010).
Qui était Robert Walser ? Un écrivain suisse allemand (1878-1956). Il a écrit quelques romans (Les enfants Tanner, 1907), mais il est surtout reconnu comme un maître de la forme brève. " Miniaturiste par excellence ", comme disait de lui Stefan Zweig, il a publié des centaines de textes courts, dans la plupart desquels un homme jette un regard simple, presque enfantin, sur le monde qui l'entoure : les villes, les gens, les hasards, le quotidien, les choses, les riens. Ce maître de Kafka, cet auteur salué par les plus grands écrivains de son temps (Hesse, Mann, Zweig, Musil) comme leur égal, est d'une grande modernité. Son style, sans doute comme le personnage, est mélancolique mais narquois, indolent mais vivace. L'écriture est fine et précise, dense mais charmante, elle transfigure le monde.
Aaronson n'a pas toujours été mort. Il fut un temps où Aaronson était même, sans exagérer, un être vivant. De vingt-sept à trente ans, Aaronson tournait - tel un insecte obsessionnel - autour d'un rond-point. Tous les matins, on pouvait voir un homme, entre sept heures et sept heures et demie, faire le tour du principal rond-point de la ville, vers lequel convergeait 60 % de la circulation.
C'est ainsi que Gonçalo M. Tavares nous invite à suivre les aventures extravagantes de ses personnages : un joggeur, un enquêteur sondeur, un enseignant, un collectionneur de cafards... Jusqu'à l'apparition de son héros, le vrai, Matteo, celui qui a perdu son emploi. Vingt-six individus dont les destins sont liés comme dans un jeu de dominos, la chute d'une pièce entraînant celle de la suivante.
Le lecteur avance de surprise en surprise, empruntant simultanément les chemins de l'absurde et de l'intelligence, il découvre au fil des pages une créativité fascinante qui rappelle celle de Kafka, Beckett ou Melville. Un univers où les ambiguïtés sont reines et offrent de passionnantes réflexions sur l'homme, la ville, la vie moderne et l'ironie de l'existence.
On ne présente plus le célèbre Bairro où cohabitent les Messieurs : le village utopique de Gonçalo M. Tavares.
Et voilà que Monsieur Swedenborg y fait une entrée fracassante !
Ce drôle de livre se base sur l'oeuvre du scientifique et théologien suédois reconnu comme un des précurseurs du spiritisme. Mais le Swedenborg issu de l'imagination de Tavares, lui, assiste à toutes les conférences données par ses collègues, monsieur Brecht par exemple. Et alors qu'on le pense absorbé par les propos des maîtres, on s'aperçoit qu'il en profite pour se perdre dans ses pensées et avancer dans ses investigations géométriques : son obsession. En effet, monsieur Swedenborg pense le monde de manière géométrique, tout n'y est que figures et espace en mouvement.
C'est certainement le livre du Bairro le plus original, le plus ludique, et le plus drôle. Il démontre l'extraordinaire talent de Tavares, esprit hors norme, ambitieux, logique et fou ! Ici, on retrouve toutes les idées fixes de l'écrivain : le sens de l'existence, la littérature, les mathématiques, montrer comme la frontière entre folie et raison est ténue.
Encore un petit bijou dont Tavares a le secret : un texte, dans lequel des concepts philosophiques et métaphysiques sont analysés et rendus compréhensibles grâce à des formes géométriques, avec un sens critique et un humour détonants, qui encourage et stimule notre propre réflexion. S'il fallait le définir en un mot : exquis !
-?C'est votre fille ? -?Non, répondis-je. Je l'ai trouvée dans la rue. J'ai déjà demandé dans des magasins : personne ne sait qui elle est. Personne ne l'a jamais vue dans le quartier. Elle est à la recherche de son père. Elle s'appelle Hanna. Il y a une institution qui accueille ce genre d'enfant, je vais l'y conduire.
Cette rencontre déterminante, dictée par le hasard, va bouleverser la vie des deux protagonistes.
Marius - qui jusque-là fuyait un danger inconnu - décide de prendre Hanna sous son aile et de l'aider à retrouver son père. Un détail retient son attention : la jeune fille tient entre ses mains une boîte contenant une série de fiches dactylographiées destinées à l'« apprentissage des personnes handicapées mentales. » Mais cette définition, handicapée mentale, s'applique-t-elle vraiment à la situation de la jeune fille ? Rien n'est moins sûr.
Une odyssée moderne et initiatique commence alors, portée par l'écriture « quasi hallucinée » propre à Gonçalo M. Tavares.
Voici l'épopée, tour à tour lumineuse et sombre, d'un personnage, Bloom, qui part à la recherche du sens de la vie, et qui, comme Ulysse, reporte autant que possible son retour... Un texte qui allie habilement poésie, philosophie et suspense.
Bloom n'a rien d'héroïque. Il ne part pas à la recherche de nouvelles richesses, mais a décidé de fuir sa ville, Lisbonne, pour rejoindre l'Inde. Pourquoi ? C'est un criminel. Par esprit de vengeance, il a tué son propre père, John Bloom, car celui-ci a assassiné la femme aimée, Mary. Il gagne l'Inde pour l'oublier, mais il espère surtout y trouver la sagesse... Le voyage s'étendra de 2003 à 2010.
On s'attend à une oeuvre difficile, et l'on découvre une oeuvre claire et fluide. Les aphorismes sur la nature, la vie, la mort, la violence, l'ennui, la création, qui surgissent ici là, illuminent cette fiction : autant de phrases magiques qu'on souligne frénétiquement pour mieux les retenir. À sa manière, Gonçalo M. Tavares a écrit son Livre de l'intranquillité sous la forme d'une fiction !
Pour raconter l'histoire d'un homme commun qui vit une situation extraordinaire, l'auteur a décidé d'utiliser le squelette du plus grand classique de la littérature, Les Lusiades de Camões, qui narre la découverte de la route maritime des Indes par Vasco de Gama. En 10 chants et 1102 strophes, l'auteur relève le défi de cet exercice littéraire ambitieux et nous livre l'histoire d'une errance, belle, mélancolique et divertissante à la fois.
C'est la guerre : les tanks ont envahi la ville. Les gestes quotidiens du travailleur comme du citoyen n'existent plus, ils ont été remplacés par les tirs et les viols, la tristesse, les morts violentes et anonymes. Les machines ont pris la place des hommes. L'absence de vie confine à la folie. Quant à la différence entre le bien et le mal, elle n'a plus lieu d'être.
Klaus Klump est un éditeur. Pour survivre, il le sait, il faut être neutre, lâche. Et pourtant, un beau jour, il quitte tout pour entrer en résistance. Joseph Walser, lui, travaille dans une usine avec une grosse machine. La guerre ne l'affecte pas. Cet homme-machine aime les choses mais déteste les hommes, jusqu'à l'accident. Klaus et Joseph ne se connaissent pas, ne se fréquentent pas, mais ils sont des hommes avec la guerre pour compagne. Leurs destins divergent et se rejoignent, se répondent et se surveillent. À travers eux, Tavares réfléchit à l'humain et à ses mues. Comment la violence, la peur, la honte, la vitesse et la résistance peuvent opérer dans un même être ?
Monsieur valéry tenait toujours sous le bras un livre entouré d'un élastique, et d'une couverture en plastique.
En plus de lire le livre, il l'utilisait comme portefeuille pour ranger ses billets. monsieur valéry expliquait :
- jamais je n'ai aimé séparer la littérature et l'argent. [. ] qui venait à rencontrer monsieur valéry et le voyait, assis à la table d'un café, agripper fermement son livre des deux mains, n'arrivait jamais à décider si ses bras contractés démontraient une avarice mesquine ou un profond amour de la littérature.
" gonçalo m. tavares a imaginé un quartier oú coexistent et déambulent des messieurs " une succession de petits épisodes nous font atterrir, comme alice, dans leur quotidien. les editions viviane hamy ont bien l'intention de surprendre monsieur henri, monsieur kraus, monsieur brecht, monsieur duchamp, madame woolf madame bausch, monsieur gogol. " comme le village d'astérix : o bairro, un lieu oú l'on tente de résister à l'entrée de la barbarie.
".
" En raison d'un inexplicable court-circuit, c'est le fonctionnaire qui abaissa le levier qui fut électrocuté, et non le criminel qui se trouvait assis sur la chaise.
Comme l'on n'était pas parvenu à réparer la panne, c'était désormais le 1 fonctionnaire du gouvernement qui prenait place sur la chaise électrique, tandis que le criminel était chargé d'abaisser le levier mortel". Gonçalo M Tavares est l'un des écrivain les plus importants de la littérature portugaise contemporaine. Monsieur Brecht fait partie de l'ensemble O Bairro, quartier peuplé de personnages aux noms d'artistes célèbres, dont on visite le quotidien.
Une déambulation nous mène chez Monsieur Valéry qui fait des bonds pour se grandir, Monsieur Calvino qui désigne le néant, Monsieur Kraus qui réinvente la satire... Il est probable que nous croiserons bientôt Madame Woolf, Monsieur Duchamp, Madame Pina Bausch, Monsieur Breton...
" - La question est simple : les impôts servent à améliorer la vie du pays. On est d'accord ? - On est d'accord. - Donc, plus un individu paie d'impôts, plus la qualité de vie du pays s'améliore ? - Alors, moins il reste d'argent à chacun à la fin du mois - à cause des impôts - plus le pays en a, lui. A la limite : quand quelqu'un achète du pain et du beurre et qu'il les mange, objectivement, il vole ce pain et ce beurre au pays. - Ainsi, plus la vie de l'habitant se dégrade, plus celle du pays s'améliore. - Exact. - Que vive le pays ! s'exclama le Premier Assesseur. - Mais sommes-nous au service du citoyen à titre individuel ou du pays comme une totalité ? - Du pays comme une totalité, Chef ! crièrent à l'unisson les Assesseurs. - Et le pays appartient à tous ! insista le Premier Assesseur. - Conclusion, si notre objectif patriotique est d'améliorer la qualité de vie du pays, il nous faut... - Dégrader la qualité de vie du citoyen ! - Et voilà ! "
" Calvino, parfois pendant toute une semaine, se déplaçait à travers la ville en emportant avec lui un ballon bien gonflé. Pour autant, il ne changeait en rien ses activités quotidiennes, qui suivaient leur cours normal : le trajet du matin, les gestes nécessaires à son office, les horaires et la ponctualité conformes à sa rigueur coutumière, la discrétion de ses vêtements et de son sourire. [...] Accorder une ; attention inhabituelle à un objet comme celui-là était un exercice fondamental qui lui permettait d'aiguiser son regard sur les choses du monde. Dans le fond, le ballon était un moyen simple de désigner le Néant. [...] Sans cette enveloppe colorée, cet air, à présent souligné et se distinguant du reste de l'atmosphère, passerait complètement inaperçu. Choisir la couleur revenait à attribuer une couleur à l'insignifiant. "