La pensée de Pascal et des Messieurs de Port-Royal représente un moment particulièrement aigu dans l'histoire des conflits entre pouvoir religieux et pouvoir politique.
Sur le plan de l'existence quotidienne, la théologie janséniste se traduit dans des pratiques de contrôle du corps social et du corps individuel, alternatives à celles mises en place par le pouvoir politique. Ainsi la théologie et l'éthique de Port-Royal mènent jusqu'au bout, et de manière exemplaire pour l'ensemble des religions monothéistes, les contradictions qui déchirent la communauté religieuse qui se fait institution, toujours suspendue entre pastoral de l'âme et contrôle du corps.
Autrement dit, dans le conflit entre jansénisme et société civile se propose la question de l'appartenance de l'individu : on est d'abord fidèles et puis citoyens ? Ce sont les croyances religieuses qui priment sur les valeurs sociales ? Ou bien le domaine de la religion est essentiellement privé et l'espace public est gouverné par d'autres principes ? Ce sont des questions d'une grande actualité que cet ouvrage discute par le biais d'un retour à un des moments décisifs de la construction du rapport entre religion et politique des civilisations européennes.
« Care » : la traduction est insatisfaisante : sollicitude, soin, coeur, attentions, prévenance rendent imparfaitement l'idée d'une réflexion sur la place du souci pour autrui. Cet ouvrage s'attaque aux théories du care, en provenance des USA, ainsi qu'à l'éthique et la politique qui en dérivent.
Le monde que dessinent les théoriciens du care est habité par des êtres vulnérables, fragiles et dépendants ; il est lui-même vulnérable et fragile. Il y aurait d'une part un monde d'individus vivant dans la dépendance et le soutien, la vulnérabilité et l'attention, la passivité - et le care -, et de l'autre un monde d'individus qui se croient autonomes et autosuffisants, les seconds construisant cette fausse image d'eux-mêmes sur le travail dévoué, silencieux et invisible des premiers qu'ils exploitent sans même s'en rendre compte.
Le care propose une anthropologie aux conséquences paradoxales en ce qu'elles sont néfastes. La confusion entre le social et le politique, la volonté de brouiller les limites du privé et du public, la tentative de remplacer une morale rationnelle et universelle par une forme de sentimentalisme particulier sont trois indices de cette dérive, dont l'éthique et la politique sont les manifestations majeures.
Docteur ès lettres, spécialiste de Michel Foucault et de la philosophie politique et morale moderne, Francesco Paolo Adorno a notamment publié deux essais consacrés à Pascal (2000) et Arnauld (2005) aux Éditions Les Belles Lettres ainsi que Le Style du philosophe. Foucault et le dire-vrai (1998), La Discipline de l'amour. Pascal, Port-Royal et la politique (2010) et Le Désir d'une vie illimitée. Anthropologie et biopolitique (2012) aux Éditions Kimé.
Blaise Pascal (1623-1662), mathématicien, géomètre et physicien, défenseur du catholicisme selon saint Augustin et ennemi des Jésuites, polémiste mordant tenté par le retrait du monde, est souvent obscurci par sa légende.
Auteur à la fois du Traité du triangle arithmétique et de Pensées posthumes, inventeur d'une machine ancêtre de nos calculettes et surtout du calcul des probabilités, il a développé, à travers une oeuvre multiple, une conception cohérente de l'homme, de sa nature et de sa place dans la Création, en même temps que de l'exercice de la raison. Francesco Paolo Adorno s'est attaché à restituer la figure et la pensée de ce contemporain perpétuel.
Il est toujours plus évident que le progrès scientifique nous rendra bientôt capables de modifier à notre gré la nature humaine.
La perspective de rendre enfin réel le rêve d'une jeunesse éternelle débarrassée du poids des maladies et de la mort gagne les dernières résistances. La possibilité bientôt avérée d'altérer la nature humaine est rendue plus acceptable par l'incapacité tant de justifier la valeur de l'homme que de définir ses traits spécifiques et donc sa place dans la nature. Les raisons de l'enthousiasme qui entoure cette perspective sont nombreuses.
On nous promet l'immortalité, depuis toujours rêve de l'humanité, mais aussi la survie de l'espèce dans des milieux très différents du nôtre. De plus, nous attendons de ce prométhéisme biotechnologique la libération définitive des contraintes qui nous oppriment et nous assujettissent. Les êtres humains seront libres de choisir l'identité et la forme qu'ils voudront, ils deviendront enfin totalement autonomes et responsables de la forme de leur existence, de leur bios, et donc de leurs choix.
Le post-humanisme, dans ses nombreuses déclinaisons est en passe de dessiner tous les possibles scenarii d'un monde habité par des mutants, des cyborgs, des êtres hybrides finalement capables de contrôler tous les aspects de l'existence et de vivre en pleine liberté. Le but de ce travail est de pointer les présupposés idéologiques implicites, les points de fuite, les ombres d'un tableau si agréable dans lequel, nous dit-on, le mariage de l'esthétique et de l'éthique engendrera un espace de liberté absolue.
L'idéologie de la manipulation de l'homme se développe (et ne peut se développer que) à l'intérieur de la configuration politique de la modernité en tant que biopolitique telle que Foucault l'a définie. Dans ce sens, il nous est apparu que le post-humanisme n'est que le résultat et la construction théorique de la biopolitique qui le fonde, le justifie et le promeut. Alors peut-être une forme de résistance se trouve dans un processus de réappropriation de la mort.
" Le siècle sera foulcaldien ", disait Deleuze, rendant hommage à une des philosophies les plus risquées de notre période.
Et pourtant lorsque la critique de l'oeuvre de Foucault n'est que la reprise paresseuse d'un déjà dit qui dort dans les mots, la banalité du commentaire, mises à part quelques rares exceptions, apparaît cruellement en décalage par rapport à la pensée. Quand les lectures de Foucault ne sont pas de confortables résumés de tel ou tel ouvrage, on assiste à l'étalage de la même panoplie de maître mots : " pensée de la transgression et de la limite ", " destruction du sujet ", " omniprésence du pouvoir ", " reprise de la morale ", " déprise de soi ".
Ce livre rompt avec cette uniformité cherchant ailleurs que dans le continuel ressassement des mêmes mots d'ordre, le sceau d'une pensée qui a interrogé avec rigueur et détermination la configuration théorique de notre temps au prix de nombreuses incompréhensions.
C'est le lien entre une pragmatique de la vérité et une certaine manière de penser le sujet qui constitue le noyau le plus important du parcours de Foucault.
Et on verra comment à partir de ce rapport le sens original de la morale - style du rapport au monde - est récupéré, interrogé et intégré dans une pensée qui n'en finit plus de " rendre difficiles les gestes faciles ".