L'artiste est inventeur de lieux.
Il façonne, il donne chair à des espaces improbables, impossibles ou impensables : apories, fables topiques.
Le genre de lieux qu'invente giuseppe penone passe d'abord par un travail avec le contact : une dynamique de l'empreinte, par laquelle l'espace se trouve à la fois reporté et renversé, c'est-à-dire tactilement connu et mis sens dessus dessous.
Dans un tel processus, c'est le matériau lui-même qui porte mémoire.
Mais qu'est-ce qu'une sculpture qui aurait pour charge de toucher la pensée ? penone est parti de la " cécité tactile " qui nous empêche de percevoir le contact de notre cerveau avec la face interne de notre crâne. l'oeuvre consiste à faire trace - frottages, reports, développements - de cette insensible zone de contact. le résultat est une sorte de fossile du cerveau : lieu de pensée, c'est-à-dire lieu pour se perdre et pour réfuter l'espace.
Voilà donc sculpté ce qui nous habite et nous incorpore en même temps.
Ce livre interroge les relations anthropologiques cruciales que les images entretiennent avec le corps et la chair, au-delà des notions usuelles d'anthropomorphisme ou de représentation figurative. Y sont analysées les diverses façons dont les images visent la chair, que ce soit la chair d'Aphrodite formée de l'écume ou celle du Christ sacrifiée sur la croix. Paganisme et christianisme, chacun avec ses propres cadres de pensée, auront, en effet, tous deux cherché à atteindre, voire à transgresser, les limites de l'imitation : là où les métaphores deviennent métamorphoses, là où les signes qui représentent deviennent des symptômes qui incarnent. On découvrira cette puissance extraordinaire des corps lorsqu'en eux la chair vise l'image, par exemple dans la stigmatisation de saint François au XIIIe siècle, les crucifiements des Convulsionnaires de Saint-Médard au XVIIIe siècle ou les « clous » hystériques de la Salpêtrière au XIXe siècle.
Une traversée impressionnante d'images qui ne sont pas faites pour décorer, simuler ou consoler, mais pour agir, nous bouleverser et nous donner accès à quelque chose comme une profondeur.