L'artiste est inventeur de lieux.
Il façonne, il donne chair à des espaces improbables, impossibles ou impensables : apories, fables topiques.
Le genre de lieux qu'invente giuseppe penone passe d'abord par un travail avec le contact : une dynamique de l'empreinte, par laquelle l'espace se trouve à la fois reporté et renversé, c'est-à-dire tactilement connu et mis sens dessus dessous.
Dans un tel processus, c'est le matériau lui-même qui porte mémoire.
Mais qu'est-ce qu'une sculpture qui aurait pour charge de toucher la pensée ? penone est parti de la " cécité tactile " qui nous empêche de percevoir le contact de notre cerveau avec la face interne de notre crâne. l'oeuvre consiste à faire trace - frottages, reports, développements - de cette insensible zone de contact. le résultat est une sorte de fossile du cerveau : lieu de pensée, c'est-à-dire lieu pour se perdre et pour réfuter l'espace.
Voilà donc sculpté ce qui nous habite et nous incorpore en même temps.
L'artiste est inventeur de lieux.
Il façonne, il donne chair à des espaces improbables, impossibles ou impensables : apories, fables topiques. le genre de lieux qu'invente claudio parmiggiani dans la série d'oeuvres intitulée delocazione passe d'abord par un travail avec le souffle : c'est une lourde fumée qui exhale et dépose sa suie, sa cendre, sa poussière le combustion, créant ici toutes les formes à voir. le résultat : une immense grisaille, un lieu pour l'ascèse de la couleur, l'absence des objets, le mouvement imprévisible des volutes, le règne des ombres, le silence d'une nature morte obsidionale.
L'air devient le médium essentiel de cette oeuvre, il s'éprouve comme une haleine expirée des murs eux-mêmes. il devient le porte-empreinte de toute image. impossible, dès lors, de ne pas interroger ce souffle - qui détruit l'espace familier autant qu'il produit le lieu de l'oeuvre - à l'aune d'une mémoire oú l'histoire de la peinture rencontrera les fantômes d'hiroshima. cet air mouvant, densifié, tactile, exhale d'abord du temps : des survivances, des hantises.
Le résultat est un genre inédit de l'inquiétante étrangeté. et c'est dans la poussière que nous aurons à le découvrir.
Pourquoi les artistes modernes et contemporains ont-ils, aussi obstinément, exploré et utilisé les ressources de l'empreinte, cette façon en quelque sorte préhistorique d'engendrer les formes ? - En quoi le jeu, apparemment si simple, de l'organe (la main...), du geste (enfoncer...) et de la matière (le plâtre...) accède-t-il à la complexité d'une technique et d'une pensée de la « procédure » ? - En quoi cette technique, qui d'abord suppose le contact, transforme-t-elle les conditions fondamentales de la ressemblance et de la représentation ? - À quel genre d'érotisme ce travail du contact donne-t-il lieu ? - Quelle sorte de mémoire et de présent, quelle sorte d'anachronisme l'empreinte propose-t-elle à l'histoire de l'art aujourd'hui ?
À ces questions le présent essai tente de répondre en retraçant une histoire synoptique de l'empreinte, mais aussi en modifiant nos façons habituelles de regarder l'image dans sa singularité : depuis le modèle optique, voire métaphysique, de l'imitation obtenue vers celui, tactile et technique, de son travail en acte. Cela pour modifier nos façons habituelles de comprendre chaque oeuvre d'art - celle de Marcel Duchamp prise ici comme cas exemplaire - dans son historicité : depuis le modèle déductif qui peut nous faire imaginer un mouvement de « progrès » du modernisme au postmodernisme, vers un modèle plus complexe qui tient compte des intrications de temporalités hétérogènes dont toute image est faite.
C'est un moment rare lorsque s'ouvre une nouvelle bibliothèque d'histoire de l'art. Elle nous offre un nouvel espace, plus: un nouvel outil. Un nouveau rapport au temps, au savoir, à la pensée. Fût-ce avec l'héritage combiné de fonds d'ouvrages déjà constitués avant et ailleurs, elle inaugure, par sa configuration inédite et son fonctionnement, de toutes nouvelles possibilités pour la recherche, pour la connaissance et la pensée sur les images, sur leur histoire. Une nouvelle bibliothèque d'histoire de l'art serait donc, à strictement parler, un ouvroir d'histoires de l'art potentielles (il faut évidemment écrire histoires de l'art au pluriel, puisque qui dit potentialité dit aussi multiplicité des possibles).Georges Didi-Huberman
L'artiste est inventeur de lieux.
Il façonne, il donne chair à des espaces jusqu'alors improbables, impossibles ou impensables : apories, fables topiques.
Le genre de lieux qu'invente pascal convert passe d'abord par un travail avec le temps : découpes de sites disparus, empreintes d'objets familiaux, vitrifications d'espaces de vie. la question topique de la demeure - l'appartement - se voit ici pensée comme une question généalogique, une question d'apparentement.
L'oeuvre de ce sculpteur - que hante la littérature de mallarmé, d'edgar poe ou de marcel proust - sera donc exposée comme le récit d'exploration d'une étrange demeure de mémoire : pousser une porte inconnue, traverser un salon à lambris et à reflets, contempler des fenêtres qui donnent sur le sol, découvrir de mystérieuses anfractuosités dans le mur, descendre vers la crypte de l'ancêtre. dans cette fable, que mène secrètement le personnage d'igitur, se construira le lieu commun d'une rêverie architecturale et d'une rêverie organique.
Mais se révélera aussi un lieu commun au dessin et au temps : ligne avec lignage, trait avec extraction. comme une souche d'arbre gravant en sa chair les traits de sa croissance, de ses accidents, de ses excroissances et, même, des circonstances de sa mort.
Ce livre interroge les relations anthropologiques cruciales que les images entretiennent avec le corps et la chair, au-delà des notions usuelles d'anthropomorphisme ou de représentation figurative. Y sont analysées les diverses façons dont les images visent la chair, que ce soit la chair d'Aphrodite formée de l'écume ou celle du Christ sacrifiée sur la croix. Paganisme et christianisme, chacun avec ses propres cadres de pensée, auront, en effet, tous deux cherché à atteindre, voire à transgresser, les limites de l'imitation : là où les métaphores deviennent métamorphoses, là où les signes qui représentent deviennent des symptômes qui incarnent. On découvrira cette puissance extraordinaire des corps lorsqu'en eux la chair vise l'image, par exemple dans la stigmatisation de saint François au XIII? siècle, les crucifiements des Convulsionnaires de Saint-Médard au XVIII? siècle ou les «clous» hystériques de la Salpêtrière au XIX? siècle. Une traversée impressionnante d'images qui ne sont pas faites pour décorer, simuler ou consoler, mais pour agir, nous bouleverser et nous donner accès à quelque chose comme une profondeur.
" Les images votives sont organiques, vulgaires, aussi désagréables à contempler qu'elles sont abondantes et diffuses.
Elles traversent le temps. Elles sont communes à des civilisations fort disparates. Elles ignorent le clivage du paganisme et du christianisme. En réalité, cette diffusion même constitue leur mystère et leur singularité... "
A Bâle, la Fondation Beyeler consacre une grande rétrospective à Gerhard Richter (15/05/2014-07/09/2014). Elle présente des natures mortes, des paysages, des portraits et ses toiles inspirées de photographies. Elle met surtout un accent particulier sur ses oeuvres conçues comme des cycles, des séries ou des environnements spatiaux. Cet ouvrage, accompagné de textes de Hans-Ulrich Obrist et de Georges Didi-Huberman présente pour la première fois certaines séries dans leur intégralité, notamment S. and Child, variation sur le thème traditionnel de la Vierge à l'Enfant.