« Poésie/Gallimard » est une collection au format poche de recueils poétiques français ou traduits. Chaque volume rassemble des textes déjà parus en édition courante - tantôt du catalogue Gallimard, tantôt du fonds d'autres éditeurs -, souvent enrichis d'une préface et d'un dossier documentaire inédits. Élégant viatique pour les amateurs de poésie, la collection offre des éditions de référence, pratiques et bon marché, pour les étudiants en lettres. Aujourd'hui dirigée par André Velter, poète, voyageur et animateur de plusieurs émissions sur France Culture, la collection reste fidèle à sa triple vocation : édition commentée des « classiques », sensibilité à la création francophone contemporaine (Guy Goffette, Ghérasim Luca, Gérard Macé, Gaston Miron, Valère Novarina...) et ouverture à de nombreux domaines linguistiques (le Palestinien Mahmoud Darwich, le Libanais d'origine syrienne Adonis, le Tchèque Vladimír Holan, le Finnois Pentti Holappa, le Suédois Tomas Tranströmer et récemment l'Italien Mario Luzi, deux mois seulement après sa disparition...).
«Autant que le permettent les lois de la création littéraire, les Petits Poèmes en prose marquent un commencement absolu. Ils soutiennent tout un système généalogique dont on dessine les branches maîtresses quand on cite le premier livre des Divagations, les Illuminations et les Moralités légendaires : le foisonnement ultérieur est infini. Il semble que Baudelaire ait eu lui-même conscience d'avoir ouvert par cette extrême expérience une route que l'on dût, après lui, nécessairement emprunter. Du moins, entendait-il qu'on lui rapportât le mérite de l'avoir frayée. Il mandait à Arsène Houssaye, dans un billet de 1861 : Je me pique qu'il y a là quelque chose de nouveau, comme sensation ou comme expression - et dans sa dédicace au même, il se défendait, tout en jouant le dépit, d'avoir simplement imité la technique d'Aloysius Bertrand. Enfin, dans sa Correspondance, il mettait l'accent sur le caractère de singularité radicale, pour ne pas dire : répulsive, des bagatelles laborieuses, dont il sentait qu'en matière de poésie elles constitueraient son dernier mot.» Georges Blin.
Esprit vagabond, toujours mobile, Baudelaire explore les dédales de la conscience. Tantôt il atteint à l'extase, tantôt il se perd dans les abîmes du péché. Par ses poèmes, il nous fait partager le drame qui se joue en lui, qui est celui de la tragédie humaine. Premier poète moderne, Baudelaire donne à la poésie sa véritable dimension : exprimer, par-delà les mots, ce vertige absolu qui s'empare de l'âme. Tout chez lui, en lui, affirme la nécessité de la souffrance, la fatalité du péché, et la rédemption par l'amour. Baudelaire fait des Fleurs du Mal un immense poème de la vie et du monde. «Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? Au fond de l'inconnu, pour trouver du nouveau !»
« Les hallucinations commencent. Les objets extérieurs prennent des apparences monstrueuses. Ils se révèlent à vous sous des formes inconnues jusque-là. Puis ils se déforment, se transforment, et enfin ils entrent dans votre être, ou bien vous entrez en eux. Les équivoques les plus singulières, les transpositions d'idées les plus inexplicables ont lieu. Les sons ont une couleur, les couleurs ont une musique... Vous êtes assis et vous fumez ; vous croyez être assis dans votre pipe, et c'est vous que votre pipe fume ; c'est vous qui vous exhalez sous la forme de nuages bleuâtres. »
Les 50 poèmes en prose qui composent Le Spleen de Paris représentent un formidable pendant aux Fleurs du Mal. Le recueil marque cependant une rupture par sa forme - le « miracle » de la prose, qui permet au poète de révéler tout le sublime et le tragique de la vie en ville.
« Mon cher ami, je vous envoie un petit ouvrage dont on ne pourrait pas dire, sans injustice, qu'il n'a ni queue ni tête, puisque tout, au contraire, y est à la fois tête et queue. ».
Le Spleen de Paris, oeuvre majeure de Charles Baudelaire, se caractérise par une forme poétique alors singulière - la prose « ouverte sur l'infini » - mêlant les genres et les points de vue (flâneur, philosophe, rêveur, moraliste). Il s'y révèle tout le sublime et le tragique de la vie urbaine.
Vivant résolument au bord de l'abime, talonné par la misère, Charles Baudelaire sut transformer l'adversité en un brasier d'art et de pensée. Depuis l'arrière-salle d'une auberge ou un glacial logement de fortune, le maître des symbolistes raconte dans ces lettres ses déboires financiers. Maudit par ceux qui lui prêtaient de l'argent, pétri d'orgueil et de colère, le poète surpassa toutes les crises, parvenant à incarner le mythe d'une vie de bohème et d'écriture.
Baudelaire écrit en 1851 cette étude savante et voluptueuse sur l'alcool et le haschisch.
Il révèle la puissance créatrice et la force destructrice, les illusions et les charmes sinistres de ces deux substances addictives, comparées comme moyens de multiplication de l'individualité.
Présentation et notes d'Henri Scepi
« Je crois sincèrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, qui, sous prétexte de tout expliquer, n'a ni haine ni amour, et se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament ; mais, - un beau tableau étant la nature réfléchie par un artiste, - celle qui sera ce tableau réfléchi par un esprit intelligent et sensible. [...] Pour être juste, c'est-à-dire pour avoir sa raison d'être, la critique doit être partiale, passionnée, politique, c'est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus d'horizons. » Baudelaire, ainsi, est tout entier présent dans ces Ecrits sur l'art qui sont l'autre versant de son oeuvre et, en effet, selon son voeu, ouvrent bien plus d'horizons. Car dans ces pages écrites de 1845 à ses dernières années, ce n'est pas simplement le critique d'art des Salons que l'on découvre, mais le théoricien du romantisme et de l'imagination, du beau et du comique dans l'art, et finalement l'écrivain de cette modernité qu'il définit - et qui pour nous s'ouvre avec lui.
Edition de Francis Moulinat.
Les enjeux du goût sont toujours furieusement politiques et métaphysiques.
Charles Baudelaire (1821-1867), l'amateur et critique d'art qui arpente les Salons, en a une conscience extrême. Contre l'académisme pompier, il lance son mort d'ordre : retour au présent, mais un présent revêtu de la Beauté éternelle. Dans son essai publié en feuilleton en 1863 qui passe pour l'acte de naissance de la modernité, il fait l'éloge de l'artifice, du maquillage et des parures, de la femme élégante, de la ville, du frivole et de l'horreur.
Il développe une théorie du dandy. " La modernité, c'est le transitoire, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable ".
«Je veux faire sentir sans cesse que je me sens comme étranger au monde et à ses cultes», écrit Baudelaire à sa mère, le 5 juin 1863, dans une lettre où il explique le projet de Mon coeur mis à nu. En effet, le «coeur» qu'il met à nu n'est pas un coeur qui s'épanche en émois ou qui révèle ses secrets. C'est un coeur qui se gonfle de ressentiments.
Seules quelques notes ont été conservées de ce livre «rêvé». On y trouve la trace d'une pensée provocatrice et paradoxale, dans une forme concentrée. Ces fragments n'en sont pas moins, comme l'écrivait leur premier éditeur, Eugène Crépet, en 1887, «le résumé de la vie intellectuelle et morale du poète». S'ouvre avec eux une seconde vie de l'oeuvre de Baudelaire, plus fantasmée qu'accomplie, traversant ces années au cours desquelles le poète se recrée dans ce qui le détruit.
Mon coeur mis à nu - Hygiène. Conduite. Méthode. Morale - Notes précieuses - De quelques préjugés contemporains - [Pensées et aphorismes] - [Notes sur Les Liaisons dangereuses].
Pour lui, tout se répond, les parfums, les couleurs, les sons. Entre "Spleen et idéal", la ville devient le théâtre d'un fantastique moderne. D'une poignante beauté, la poésie de Baudelaire ne cesse d'éclairer notre réel.
Dans les Petits Poèmes en prose, Baudelaire se fait homme de la rue, rôdeur, voyeur et voyant. C'est dans la grande ville fascinante et répulsive - Paris en l'occurence -, et non plus dans le spectacle de la nature, qu'il cherche son inspiration. C'est là, dans ce lieu de débauches et d'errances d'où surgit parfois la beauté, qu'il élargit le champ de l'expérience intérieure. Tournant le dos à la poésie conventionnelle, il entre alors dans la modernité.
Une femme délaissée charge un ami - Samuel Cramer, écrivain raté - de séduire la maîtresse de son mari - la Fanfarlo, actrice excentrique - afin qu'il lui revienne. Mais le héros est pris à son propre piège quand il tombe réellement amoureux de la sulfureuse actrice...
L'un des premiers textes du jeune Baudelaire, satire féroce et ironique du monde du théâtre et de la littérature, qui témoigne de l'éternelle fascination - dans un mélange d'attraction et de répulsion - de Baudelaire pour la femme.
Édition de Claude Pichois.
« Je n'ai que ma plume et ma me`re », e´crit Baudelaire a` son tuteur le 5 mars 1852. Les rapports de Baudelaire à sa condition d'homme et de créateur sont étroitement liés à ceux, étranges et passionnels, qu'il entretint toute sa vie avec sa mère.
Cette relation étroite est également due à sa condition financière : accumulant les dettes, toujours en manque d'argent, il se plaint en permanence à sa mère. D'ailleurs, il ne parle pour ainsi dire jamais de poésie ou d'art avec elle. Tout y est affaire de choses matérielles et de soucis intimes. Ce qui donne à ces lettres attachantes la vision d'un Baudelaire se débattant avec les problèmes du quotidien.
Mais par-delà cette apparente trivialité, les formules assassines sur l'humanité et « l'ennui » qui toujours assaille le poète, se révèle aussi une relation terrible et ambigüe, voire sado-masochiste. On voit un génie implorer sa mère de le reconnaître et de l'aimer, alors qu'elle est persuadée qu'il gâche son existence. Cette obsession de gagner l'amour de cette femme adorée et haïe à la fois rend cette correspondance troublante singulière.
La section la plus étudiée des Fleurs du mal, suivie d'une anthologie sur la modernité poétique. En complément, un cahier « Histoire des arts ».
L'oeuvre Première section des Fleurs du mal, « Spleen et Idéal » rassemble les poèmes les plus célèbres de Baudelaire.
Déchiré entre l'aspiration à la Beauté salvatrice et la tentation, toujours présente, du désespoir, le poète évoque la condition tragique de l'homme moderne.
Le dossier Avec toutes les ressources utiles au lycéen pour étudier l'oeuvre :
- un guide de lecture au fil du texte - des repères et des fiches sur l'oeuvre - un corpus thématique : « Le spleen » - des sujets types pour l'écrit et l'oral du bac L'anthologie sur la modernité poétique 15 poèmes incontournables de poètes majeurs qui, avec Baudelaire, ont contribué à l'élaboration de la modernité poétique Le cahier « Histoire des arts » Dans ce supplément, des photos en couleurs et différents outils d'analyse permettent d'étudier les peintres qui, tels des « phares », ont accompagné et éclairé Baudelaire dans son travail de créateur.
Et un guide pédagogique Sur www.classiques-et-cie.com. En accès gratuit réservé aux enseignants, il propose une séquence de cours sur l'oeuvre et les corrigés des sujets de type bac.
«Le romantisme, déclare Baudelaire, est une grâce, céleste ou infernale, à qui nous devons des stigmates éternels.» Ces stigmates sont manifestes dans l'oeuvre de beaucoup des écrivains étudiés par Baudelaire tout au long de ses vingt années de critique militante. Critique militante, en effet, et la part de polémique y est grande. Critique d'actualité aussi, car c'est à propos de ses contemporains que se manifeste surtout le coup d'oeil lucide et prophétique du poète. Son analyse, toujours pénétrante et pleine de verve, parvient à saisir l'importance durable des oeuvres de Wagner, de Flaubert, de Hugo et de Gautier, entre autres artistes.Si la valeur d'un critique repose sur son flair, sur son discernement, pour tout dire, sur son jugement, alors Baudelaire critique n'a pas d'égal au XIXe siècle.
Baudelaire critique d'art ne cesse jamais d'être poète : «Il m'arrivera souvent, écrit-il, d'apprécier un tableau uniquement par la somme d'idées ou de rêveries qu'il apportera dans mon esprit.» Autrement dit, il décrit comme il flâne, avec une acuité de perception que seule rendpossible une disponibilité parfaite à l'oeuvre contemplée. C'est à ce titre qu'il encense Delacroix, «peintre essentiellement littéraire», et qu'il raille la ligne dure du dessin d'Ingres. Cette connivence entre peinture et poésie revêt des formes multiples : de la relation classique d'une exposition à la définition de «l'art philosophique», en passant par un éloge en règle du dandysme ou du maquillage, ses écrits sur l'art témoignent d'une pensée toujours mobile,insoucieuse des genres et des hiérarchies, fécondée par les correspondances qu'elle décèle.Ce volume contient : Exposition universelle de 1855 - L'Art philosophique - Salon de 1859 - Le Peintre de la vie moderne - Peintres et aquafortistes - L'Oeuvre et la vie d'Eugène Delacroix - Lettre à Manet du 11 mai 1865.
" mais pourtant j'en reviens à ceci, et je me crois obligé de vous donner ces explications : actuellement à vingt-huit ans moins quatre mois, avec une immense ambition poétique, moi séparé à jamais du monde honorable par mes goûts et par mes principes, qu'importe si bâtissant mes rêves littéraires, j'accomplis de plus un devoir, ou ce que je crois un devoir au grand détriment des idées vulgaires d'honneur, d'argent, de fortune ? ".
Lorsqu'il meurt le 31 août 1867, à quarante-six ans, Baudelaire emporte avec lui, entre autres promesses déçues, celle de raconter sa vie - de venger sa vie. Les fragments qui nous sont parvenus de cette entreprise parallèle, de confession et de colère, se rassemblent autour de trois oeuvres en projet : Fusées, où l'intention autobiographique n'apparaît encore qu'en filigrane ; Mon coeur mis à nu, où s'affirme avec violence le malaise de l'ambiguïté - se tourner vers soi ou contre les autres ; La Belgique déshabillée, cette «pauvre Belgique» dont on présente ici le dossier complet et qui eût pris la forme d'un pamphlet dirigé contre les Belges et, à travers eux, contre le genre humain.
Une parabole humoristique qui dépeint les déconvenues du créateur face à la nécessité matérielle. Le regard du poète se fait tour à tour tendre, fasciné et répugné par la misère.
« Je considère le poète comme le meilleur de tous les critiques », dit Baudelaire dans l'étude qu'il consacre à Wagner, et lui-même, près de vingt ans durant, a écrit de nombreux articles ou préfaces. Ces textes ne dégagent sans doute pas l'unité d'une doctrine, et leur auteur ne s'interdit pas la contradiction mais, dès sa jeunesse, se sont formées quelques idées-forces auxquelles il sera fidèle. Car il s'engage tout entier : comme tout grand écrivain, c'est un peu lui-même qu'il lit chez les autres, et l'on ne s'étonne pas d'une partialité où s'affirment tour à tour l'admiration qu'il porte à Poe, les réserves que Hugo lui inspire, ou la sympathie attentive dont témoigne sa lecture de Madame Bovary.
Après sa mort, lq plupart de ses écrits sur la littérature ont été rassemblés dans L'Art romantique, mais ils s'y trouvent mêlés à des textes sur l'art. Le présent volume, au contraire, les regroupe selon leur ordre d'écriture. Ce qui se dessine ainsi, c'est un parcours chronologique où se révèlent une pensée en mouvement et une morale autant qu'une esthétique - un parcours où, de manière magistrale, s'inaugure la critique des créateurs, celle qui se poursuivra de Mallarmé à Valéry, et de Breton à Yves Bonnefoy.
Edition de Jean-Luc Steinmetz.
Romanciers ou poètes illustres, ils ont d'abord été d'inlassables journalistes : leurs chroniques et articles, pour la plupart méconnus, offrent un portrait inédit d'eux-mêmes et de leur temps. Baudelaire est le parfait exemple - banal par son parcours, exceptionnel par son génie - de l'écrivain journaliste du XIXe siècle. De 1841, où le jeune dandy bohémien fait ses premières armes au Corsaire-Satan, à 1866, date à laquelle il est devenu le poète sulfureux des Fleurs du Mal, il a publié dans la presse plus de 200 articles, dont ce volume offre une sélection : critiques littéraires et artistiques, mais aussi portraits de ses contemporains (Gautier, Flaubert, Hugo, E.A. Poe), articles d'humeur et de circonstances, essais théoriques (« De l'essence du rire »), leçons sentimentales (« Choix de maximes consolantes sur l'amour ») ou littéraires (« Conseils aux jeunes littérateurs »), textes politiques revenant sur la révolution de 1848 ; et, bien sûr, poèmes en vers et en prose, dont certains sont reproduits ici, dans une version inédite : celle de leur première publication dans la presse. On découvrira dans cette anthologie, loin de l'image ténébreuse du poète des Fleurs du Mal, un joyeux mystificateur amateur de pastiches et de blagues de potaches ; loin du dandy « physiquement dépolitiqué » que Baudelaire prétendait être, un acteur engagé du débat républicain. On y saisira, enfin, que la modernité des poèmes rassemblés dans ce qui allait devenir l'un des plus célèbres recueils de la littérature française tient aussi au fait qu'ils ont été écrits et publiés au jour le jour, et nourris de l'écume du quotidien.
Présentation de Claire Brunet