Descartes ou la philosophie française:le caractère fondateur qui a été reconnu de droit à Descartes au regard de toute la philosophie moderne a masqué l'importance toute particulière que les penseurs français lui ont toujours accordée, de fait, dans leur propre édification intellectuelle. Descartes fournit en France moins les idées que la trame qui a servi à les ordonner - ce qui n'est le cas d'aucun philosophe ailleurs.Sartre, toute sa vie durant, fut tenu par le projet de construire une morale. Par la suite, il ne s'est jamais lassé de conclure:«Et j'ai toujours échoué.» Conscient de cet échec où son projet de métaphysique l'a mené, il reconduit les motifs qu'il avait de l'écrire à son enfance:«Ma seule affaire était de me sauver.»Il avait cru être au monde; il a vécu dans l'imaginaire. Il avait bâti tout une oeuvre afin de s'y mettre tout entier. Or ce Moi immortalisé, celui auquel il aspirait, c'était secrètement Descartes, médiateur caché dans la pénombre mais qui lui avait tracé un chemin pour le rejoindre. Sartre ne l'a pas dit. Néanmoins il savait qu'il était en train de récrire les Méditations métaphysiques de Descartes. C'était son secret et le propre du secret est d'appartenir à ce qui relève en chacun non pas de l'inconscient mais de ce «fonds sombre qui refuse d'être dit» - le vécu.Un tel secret, encore enveloppé et obscur à lui-même, explique également que Sartre ait pu se dire à la fois existentialiste et cartésien. D'un côté, l'existentialisme est le nom que l'adversaire avait donné à la doctrine. Il est la manière objective dont sa pensée s'est extériorisée dans l'histoire, il est la doctrine vue du dehors. De l'autre côté, le cartésianisme est la même doctrine mais telle qu'elle est comprise du dedans par Sartre. Il est la manière subjective dont Sartre a intériorisé sa doctrine dans l'histoire de la philosophie. Deux courants de pensée dont l'un, tout en surface, a recouvert malencontreusement l'autre qui était pourtant le seul qui fût profond.
Le projet de retrouver l'unité de la philosophie de Bergson ne pouvait être mené à bien que depuis la méthode qui en avait fait une oeuvre. Il procède au retournement de la métaphysique traditionnelle : non plus se fonder sur un premier principe, mais se fondre dans l'expérience immédiate, c'est-à-dire descendre en soi-même, livre après livre, vers des couches de plus en plus profondes de la durée concrète. L'oeuvre entière de Bergson doit se comprendre à rebours, atteignant dans son dernier livre le véritable principe agissant. Camille Riquier reprend ce mouvement unique qui traverse l'oeuvre. En l'étayant des notes et des cours inédits de Bergson, il montre comment chaque livre se prolonge dans le suivant en gravitant à chaque fois autour d'un problème précis : la liberté, l'union de l'âme et du corps, la causalité, la volonté enfin. Bergson approfondit en vérité un unique problème, celui de la personne qui est pour la première fois pensée comme temps, chaque livre privilégiant l'une de ses dimensions : le présent (Essai sur les données immédiates de la conscience), le passé (Matière et mémoire), l'avenir (L'Évolution créatrice), l'éternité (Les Deux Sources de la morale et de la religion). C'est l'oeuvre entière qui s'avère être un corpus sur le temps.
Quoi que nous nous efforcions de penser, nous continuons d'appartenir à notre siècle par les croyances les plus communes et, quand cela a lieu, par le fait tout aussi commun de ne plus croire - ou de ne pas donner notre confiance au monde. Nos pères se sont tant méfiés, ou ils ont été à ce point cyniques, que cette foi, entendue dans son sens large, semble nous être aujourd'hui interdite. À nous qui avons hérité de cette perte sans l'avoir consommée, ne restent que les débris d'une tradition devenue muette.
Or la foi est vitale, et pas seulement la croyance religieuse. Mais dans une époque désorientée, nous ne pourrons peut-être sauver que le désir de croire : rien ne nous dit que nous retrouverons la croyance. Le paradoxe veut que cette impuissance annonce un temps de dangereuse crédulité. Il nous faut donc tout réapprendre. C'est à cette tâche que la philosophie doit s'atteler en prenant le contrepied de son éternelle tendance : en se mettant en quête de croire aussi résolument qu'elle avait cherché à savoir. La traversée du nihilisme est à ce prix.
L'ambition de ce livre est de fournir à la philosophie de Péguy l'« appareil » capable de manifester le plus fidèlement possible le « profond ordre intérieur » qui tient ensemble la multitude de textes qui a jailli génialement de sa plume. Loin de pointer les contradiction d'un homme, il s'agit de suivre la continuité et la cohérence d'un chemin, par-delà toutes les ruptures apparentes, qui se déroule selon un drame chrétien : l'état d'innocence, d'abord, la pureté de son combat socialiste et une jeunesse saisie par l'événement de l'Affaire Dreyfus et tenue par la venue imminente de la cité harmonieuse ; la chute, ensuite, avec l'histoire de la décomposition du dreyfusisme et l'enfer du monde moderne ;
Le salut, enfin, avec le retour de la foi catholique et les nouvelles ressources que lui prodigue la vertu d'espérance.
Le conflit qui oppose la raison et la foi est une querelle ancienne, et c'est la raison qui semble l'avoir emporté: les Lumières et les progrès des techniques ont fait reculer les croyances magiques et religieuses au profit du savoir et de la vérité. Mais est-ce aussi simple ?
Aujourd'hui, dans un siècle où l'on n'est plus si sûr de ce que l'on croît, ni de ce que l'on sait, selon quels critères peut-on distinguer la science et la religion, qui proposent des visions souvent inconciliables ? Et que faire d'Internet, où règne l'opinion, qui prend tour à tour les apparences d'une croyance ou d'un savoir, sans être ni l'une ni l'autre ? Dans un monde où la vérité nous échappe encore et où l'on est toujours en quête de sens, ne faudrait-il pas reconsidérer l'acte de croire pour ouvrir des possibles ?
Cet ouvrage s'articule autour d'un dossier « Bergson et les écrivains », réuni par Clément Girardi. Il est lui-même précédé d'un inédit, à savoir les notes prises par l'écrivain américain T. S. Eliot au cours de Bergson au Collège de France de 1910-1911 sur la personnalité. Le volume se termine par une liste de tous les textes de langue allemande (sources de Bergson, textes sur Bergson et traductions de ses livres) présents dans la bibliothèque du philosophe, ou empruntés par lui à la bibliothèque de l'École normale supérieure, ainsi que par une recension du livre de Keith Ansell Pearson, Bergson. Thinking beyond the human condition. Il contient également, dans ses dernières pages, une liste, aussi exhaustive que possible, des travaux publiés et des thèses soutenues, pour la période 2016-2019, par les membres de la Société des amis de Bergson.
Ce huitième volume des Annales bergsoniennes poursuit, comme les trois précédents, l'investigation entamée dans le sillage du dernier livre de Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, en direction de notre propre présent, vers les problématiques de philosophie pratique : après les questions de la politique, de la catastrophe et de la guerre, c'est à présent celle de la morale, organisée autour de celle de l'émotion et divisée comme elle (selon le partage décidément crucial du clos et de l'ouvert), qui est posée.
Le dossier « Bergson, philosophe de l'émotion » aborde donc des problèmes esthétiques, religieux et sociaux. Il est lui-même entouré d'un article de varia et de deux inédits : l'un, dû à Bergson lui-même, est consacré à des questions de philosophie de la croyance ; l'autre, consistant dans deux lettres adressées à Bergson par le philosophe Delfim Santos, nous fait découvrir les prémices, peu après la parution des Deux sources, de la réception encore mal connue en France de Bergson au Portugal.
Après une amorce sur les questions du deuil et du sens de l'existence, cet opuscule aidera, de façon pratique, les personnes endeuillées, ou celles qui souhaitent prévoir, à organiser un temps de souvenir du défunt. En proposant un ensemble de démarches à effectuer, le rappel des lois ainsi que de textes à lire ou à méditer, ce livre permet d'aborder le travail de deuil à venir...
Le présent ouvrage, Lire Bergson, se veut à la fois un volume indépendant d'introduction à son oeuvre et l'effet direct d'un travail collectif, celui-là même qui a conduit à une " édition critique " d'ensemble de cette oeuvre, et qui trouve son achèvement avec la parution simultanée des Écrits philosophiques.
Il offre ainsi l'occasion à chacun de ceux qui ont contribué à cette aventure, tout d'abord, de revenir (sans exclusive) sur la partie de l'oeuvre qu'il a plus particulièrement " éditée ", en vue de reconduire à sa lecture. C'est ce qui explique aussi l'ordre des études, qui suivent celui des principaux livres et essais de Bergson. Mais si ce travail permet de donner Bergson à lire à nouveau pour lui-même, il fallait aussi que ceux qui se lancèrent dans cette entreprise, engagés par ailleurs chacun dans leur propre lecture, aient appris de cette autre relation à l'oeuvre, et la fassent partager. Il s'agit donc aussi pour chacun d'ouvrir la lecture de Bergson sur ses propres préoccupations ainsi que sur celles du présent. Ce volume voudrait donc montrer aussi, à partir de points de vue variés sur l'oeuvre, la diversité de ce qu'on peut tirer de son étude. C'est naturellement qu'il vient le clore, comme les vendanges viennent après les labours, ou plutôt le réouvrir en le transposant sur de nouveaux terrains.
Frédéric Worms est professeur d'histoire de la philosophie contemporaine à l'Université de Lille III et directeur du Centre international d'étude de la philosophie française contemporaine à l'École normale supérieure. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et dirige aux PUF la nouvelle édition des oeuvres de Bergson dans la collection " Quadrige/Grands textes ".
Né en 1974, agrégé et docteur en philosophie, Camille Riquier a enseigné à l'Université de Paris IV-Sorbonne. Il a notamment réalisé l'édition critique de Matière et mémoire (PUF, 2008), et est l'auteur de Archéologie de Bergson. Temps et métaphysique (" Épiméthée ", 2009).
Ont participé à ce volume A. Bouaniche, É. During, A. François, F. Fruteau de Laclos, F. Keck, S. Madelrieux, C. Riquier, G. Sibertin-Blanc, G. Waterlot, F. Worms.