Immense fresque de l'univers concentrationnaire soviétique, L'Archipel du Goulag a été écrit dans la clandestinité. Les milliers de lettres et témoignages reçus par Alexandre Soljénitsyne après la publication de son roman Une journée d'Ivan Denissovitch constituent la base de cette oeuvre, qu'il qualifie d'« investigation littéraire » ; ces documents font de lui le dépositaire du malheur de tout un peuple. Secrètement sorti d'URSS, ce texte explosif suscite, lors de sa parution en Occident en 1974, une prise de conscience des réalités du régime soviétique.
Édition abrégée inédite. Préface inédite de Natalia Soljénitsyne.
Prisonnier depuis huit ans dans un camp de travaux forcés en Asie centrale sous le régime stalinien, Ivan Denissovitch Choukhov, petit homme bon et débrouillard, est un zek, un détenu dans le langage administratif soviétique. Harcelé par ses bourreaux, le froid et la faim, il s'efforce de survivre avec dignité. Alexandre Soljenitsyne nous plonge dans le quotidien d'une victime des camps de travail, et c'est toute l'horreur de cet univers « hors la vie » qui nous saute au visage.
En 1962, avec ce texte inoubliable écrit en deux mois dans une langue vive, truculente et lyrique, Soljenitsyne et le monde du goulag entraient en littérature.
Le Pavillon des cancéreux raconte la vie quotidienne dans le bâtiment numéro treize de l'hôpital de Tachkent, où quelques hommes alités souffrent d'un mal que l'on dit incurable. Roussanov, haut fonctionnaire du Parti, y est contraint de partager sa chambre avec des patients de rang inférieur, comme Kostoglotov, un ancien prisonnier du Goulag. Et, très vite, il va se rendre compte que tous les titres et passe-droits dont il usait avant ne lui servent plus à rien. Comme les autres, il va devoir faire face à la vision de sa mort et éprouver son dénuement devant la vanité de sa vie. Aux côtés des malades, on découvre aussi peu à peu le personnel médical : Zoé, une jeune infirmière, Véra, le médecin, et Lioudmila, la chirurgienne. Tous sont unis, malgré leurs différences, par l'humilité de leur humaine condition.
« Qu'est-ce qui fait vivre les hommes ? » : c'est à cette éternelle question que Soljenitsyne a voulu répondre dans cette fresque intime, dramatique et pourtant pleine d'espoir.
Le 8 juin 1978 Alexandre Soljénitsyne disait aux étudiants de l'université de Harvard :
« Non, je ne peux pas recommander votre société comme idéal pour transformation de la nôtre. (.) Nous avions placé trop d'espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu'on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l'Est, c'est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l'Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n'est même pas le fait du monde éclaté, c'est que les principaux morceaux en soient atteints d'une maladie analogue. »
« Quand on décrit les prisons, on s'attache toujours à en noircir les horreurs. N'est-ce pas encore pire quand il n'y a pas d'horreurs ? Quand l'atroce naît de la grisaille méthodique des semaines ? Et du fait qu'on oublie que la seule vie dont on dispose sur terre est brisée ? » Pour les zeks, les détenus politiques qui peuplent les charachkas, ce premier cercle de l'enfer pénitentiaire, la notion du temps devient abstraite ; chaque jour, chaque heure, c'est la même chose, c'est le silence, l'ennui. Les charachkas, c'est oublier qu'on est en vie.
Sous la plume d'Alexandre Soljenitsyne coulent des souvenirs douloureux. Avec un cynisme brûlant et une violence voilée, l'auteur décrit le régime concentrationnaire soviétique en un long cri de rage, celui d'un homme qui n'a jamais cessé de lutter pour la liberté.
Zacharie l'Escarcelle, tel est le sobriquet de Zacharie Dimitrich, le gardien chargé de la surveillance du Champ-des-Bécasses, où l'on a dressé un mémorial en hommage aux deux cent mille soldats russes morts pour leur patrie au XIVe siècle. Zacharie prend sa mission très à coeur mais il manque totalement de moyens - l'escarcelle où il range le livre d'or qu'il fait signer à chaque visiteur est cousue dans son propre veston... À travers le portrait de ce paysan costaud et roublard à la fois, Soljenitsyne fait partager à ses lecteurs l'immense amour que chaque Russe porte à son pays.
Les trois autres textes qui accompagnent ce récit (La Main droite, La Procession de Pâques et Études et Miniatures) témoignent de la variété du génie de l'écrivain, prix Nobel de littérature en 1970, dont cette édition célèbre le centenaire de la naissance.
Un vol de patates qui déclenche une lamentable scène de guerre, une rencontre entre un professeur d'art et un écrivain dans sa maison de campagne... Composé de neuf récits, La Confiture d'abricots et autres récits est un recueil de brefs chefs-d'ouvre drolatique d'Alexandre Soljenitsyne. Il y dévoile des scènes de la vie soviétique à diverses époques et explore les ressorts de l'âme humaine, la ruse, la servilité et la déchéance au pays du socialisme réel.
Né en 1918, Alexandre Soljenitsyne est un écrivain et dissident russe. Incarcéré puis envoyé au Goulag en 1945, il y est détenu pendant huit ans. Il raconte son expérience dans plusieurs de ses romans parmi lesquels L'Archipel du Goulag qui vient de paraître en poche chez Points. Lauréat du prix Nobel de littérature en 1970, il est l'auteur d'une ouvre considérable.
Alexandre Soljenitsyne est né en 1918. Diplômé de Science, il devient officier dans l'Armée rouge. Arrêté et déporté au goulag pour huit ans (il avait critiqué Staline dans une lettre privée), il est réhabilité en 1956. Nikita Khrouchtchev donne l'autorisation de publier Une Journée d'Yvan Denissovitch en 1962, ce qui lui attire une renommée internationale qui exaspère la tyrannie soviétique. Irréductible, Soljénitsyne finit par être interdit de publication en URSS et c'est à l'Ouest que paraissent ses romans, comme Le Premier cercle et Le Pavillon des cancéreux. Il obtient le prix Nobel de littérature en 1970. Objet de toutes les vexations et des mesquineries du KGB, il est obligé de se cacher pour écrire et est même l'objet d'une tentative d'assassinat. Il compose le manuscrit de L'Archipel du goulag sur des bouts de papier qu'il enterre dans les jardins de ses amis. La publication du livre en Occident lui vaut d'être déchu de la nationalité soviétique et expulsé en 1974. Soljenitsyne n'est jamais où on l'attend : au lieu de se précipiter dans les bras idéologiques de l'Occident, il en pointe aussitôt les erreurs dans le Discours d'Harvard (1978) et ce célèbre Déclin de l'Occident (1980) où il nous met en garde contre une trop grande complaisance envers les régimes mortifères. « Le communisme ne saurait être enrayé par aucun artifice de la détente ni par aucune négociation : mais uniquement par la force extérieure ou par une désagrégation interne. Il fallait bien que s'arrêtat un jour le recul régulier, inexorable de l'Occident voilà qu'on y est. » Appelant à une résistance de tous les instants contre une URSS qui n'était pas la Russie, ce livre reste une pierre de touche dans l'histoire de la chute intellectuelle du communisme.
Ce petit livre est un portrait de la jeunesse russe des années soviétiques. Libérée de tous les tabous, heureuse, dynamique, bâtissant dans l'enthousiasme un nouveau monde - telle est l'image qu'en donnait la propagande, telle est l'image dans nos mémoires.
En trois tableaux, Soljénitsyne montre l'envers du décor.
En marge de ses grands romans, il y a des dizaines d'Écrits politiques d'Alexandre Soljénitsyne. Ce recueil s'ouvre sur une lettre publique, qui est l'axe de son oeuvre, le moteur de sa vie : pour résister, il faut commencer par se réformer soi-même. Ce bref catéchisme du résistant fut rédigé en février 1974, à la veille de la seconde arrestation et de l'expulsion d'URSS de son auteur.
S'ensuivent les Leçons de Février (1983), inspirées par la lecture d'une immense littérature sur la révolution de 1917 et par une amère constatation : la monarchie russe, tricentenaire et encore populaire en 1914, est tombée en trois jours. Faute de savoir penser vrai, parler vrai ?
Pour terminer ce recueil, Deux révolutions : la française et la russe (1984), est une réflexion inédite en français, où Soljénitsyne compare le glissement vers mensonge et violence de ces deux révolutions.
Quatre ans pour la française, suivis du despotisme bonapartiste, avant de repartir pour une deuxième circonvolution à l'identique. Sept mois pour la russe, puis une longue dictature bolchevique sur presque la moitié du globe. ` À l'occasion du centenaire de sa naissance et du dixième anniversaire de sa mort, ces trois textes nous aident à comprendre le cheminement de Soljénitsyne au travers du siècle des totalitarismes.
Alexandre Soljénitsyne (1918-2008) a obtenu le prix Nobel de littérature en 1970. Déchu de sa nationalité en 1974 après la parution en Occident de L'Archipel du Goulag, il fut expulsé d'URSS, émigra aux États-Unis, où il acheva son long cycle historique consacré à la révolution russe, La Roue rouge, avant de revenir en Russie vingt ans plus tard
Le Journal de la Roue rouge décrit pas à pas l'écriture de l'oeuvre majeure d'Alexandre Soljénitsyne : La Roue rouge. Dans ce « roman » (un peu comme Tolstoï dans Guerre et paix) l'auteur s'interroge sur ses propres origines, il les recherche dans l'histoire, et donc dans l'événement créateur de l'Union soviétique, la révolution de 1917. Il décrypte avec minutie l'enchaînement des faits, mettant en mouvement la matière historique, telle une roue que rien n'arrête dans sa course. Dès sa prime jeunesse, il avait entrevu l'édification de ce projet colossal. Mais ce Journal met en lumière la seule et même motivation profonde de tous ses livres, que ce soit La Roue rouge, Une journée d'Ivan Denissovitch ou L'Archipel du Goulag : écrire au nom des siens, témoigner au nom de tous ceux qui ont été anéantis, réduits au silence et calomniés. Derrière la masse des faits historiques, l'écrivain cherche les causes cachées, accessibles à la seule intuition littéraire. Il devient un super-historien, chargé non seulement de retrouver la vérité, mais de rendre justice à tous ceux que la Roue de l'histoire a écrasés.
Chronique de l'écriture d'une oeuvre démesurée qu'il devra interrompre bien avant que soit réalisé le projet initial, Le Journal de la Roue rouge est aussi un véritable journal intime où se reflètent, au coeur même de l'atelier de l'écrivain, son itinéraire spirituel et intellectuel et les principaux faits d'une biographie personnelle qui se fond avec l'Histoire, ainsi lorsque la publication de L'Archipel du Goulag « explose » en Occident. Pour ceux qu'effraie le volume de La Roue rouge, ce Journal peut permettre de l'aborder plus facilement. Toutefois, il est une oeuvre au sens plein du terme, qui se suffit à elle-même et témoigne d'une expérience de création littéraire hors du commun.
L'auteur de l'Archipel du Goulag - que l'on découvre ici poète - dispense dans ces brefs poèmes une vraie sagesse et nous donne un accès à la beauté cachée du monde. Michel Vinaver écrivain et dramaturge
C'est après avoir terminé ses deux titanesques « cathédrales d'écriture », l'Archipel du Goulag d'une part, la Roue rouge d'autre part, qu'Alexandre Soljénitsyne entreprit de lire ou de relire la littérature russe, celle du XIXe siècle, comme celle du XXe siècle. Ma collection littéraire est ainsi, à l'état brut, le fonctionnement mental d'un grand écrivain défrichant le texte d'un autre. On trouve dans ce premier tome des lectures d'écrivains du grand siècle classique : Lermontov, Tchekhov, Alexeï Tolstoï, et d'autres du suivant : celui des années soviétiques (1920-1930) : Andreï Biély, Mikhaïl Boulgakov, Iouri Tyniavov, Pantéleïmon Romanov, puis des années 1970 comme Iouri Naguibine, ou de la dissidence comme Guéorgui Vladimov.
Ce volume est tout sauf un essai de critique ou un cours de littérature, mais un texte où, tour à tour admiratif, rageur, emporté, un maître de l'écriture dévore ce qu'il lit et perce le mystère de l'écriture.
Récit en vers traduit du russe par Hélène Henry Composé au bagne entre 1948 et 1952 ce long poème autobiographique constitue une étape essentielle dans l'édification de l'oeuvre en prose qu'entreprendra Soljénitsyne une fois libéré. À l'origine, la forme versifiée était destinée à favoriser la mémorisation : le texte sitôt composé était appris par coeur, puis détruit. Le poème suit le « chemin » emprunté par son jeune héros : son enfance à Rostov-sur-le-Don dans une famille pauvre et persécutée, sa « double foi », chrétienne par tradition familiale, communiste par éducation et conviction et, surtout, son engagement dans les combats de la Seconde Guerre mondiale, jusqu'à son arrestation. Cette suite de portraits et de scènes décrivant une Russie stalinienne déchirée est aussi l'amorce de la quête historique, culturelle, morale, spirituelle que poursuivra, sa vie durant, l'auteur de l'Archipel du Goulag.
Figure emblématique de la dissidence sous le régime soviétique, Prix Nobel de littérature en 1970, Alexandre Soljénitsyne (1918-2008) est l'auteur d'une oeuvre considérable, dont l'Archipel du Goulag écrit dans la clandestinité, tout comme ce Chemin des forçats composé durant ses années de bagne. Contraint de s'exiler vingt ans aux Etats-Unis, il y poursuivit son grand oeuvre sur la la genèse de la révolution d'Octobre, la Roue rouge. Il regagna sa Russie natale en 1994.
L'Auteur :
Prix Nobel de littérature, réinstallé en Russie après un exil de vingt ans, l'auteur du Premier Cercle et du Pavillon des cancéreux, après avoir bouclé ses deux entreprises littéraires géantes, L'Archipel du Goulag et La Roue rouge (six tomes sur huit déjà publiés en France) et tout en poursuivant la rédaction de ses mémoires (deux volets publiés, sans doute encore deux à venir), a renoué depuis peu avec le genre court -, notamment avec Deux Récits de guerre.
*** Dans cette monumentale étude historique en trois volumes (dont voici le premier tome), le Prix Nobel de littérature aborde une question historique aussi cruciale que taboue : qu'est-ce qui a fait de la Russie tsariste au XIXe siècle le pays des pogroms antijuifs ? et dans quelle mesure l'intelligentsia juive installée en Russie participa aux événements que préfigurèrent la Révolution de 1917, ensuite à l'avènement du bolchevisme puis à la mise en place du totalitarisme criminel qui devait en résulter ? Un ouvrage considérable rédigé exclusivement à partir de documents incontestables.
Le second et dernier volume de l?étude considérable d?Alexandre Soljénitsyne sur les relations entre Juifs et Russes est consacré à la période soviétique de 1917 à 1972. Sur treize chapitres, il expose et analyse successivement la part prise par les Juifs de Russie à la révolution de Février, puis à celle d?Octobre aux côtés des bolcheviks, puis à la guerre civile et aux événements dramatiques des années 20 et 30 ; il se penche sur le dossier douloureux et jusque-là « interdit » de la participation de certains, trop nombreux, à l?appareil répressif soviétique et à l?administration du Goulag, sans omettre d?aborder également, pour finir, les conséquences du pacte germano-soviétique, puis de la « Grande Guerre patriotique », et l?essor de l?antisémitisme stalinien à la fin des années 40. A la suite de la guerre des Six jours et de la politique indécise du gouvernement soviétique, la communauté juive d?URSS se détache de plus en plus du communisme, mais, parallèlement, rejette la faute de l?échec de la révolution sur les spécificités de l?histoire et du caractère des Russes. Les deux derniers chapitres sont consacrés, d?une part, au début de l?exode à destination d?Israël ou de l?Occident, d?autre part aux problèmes de l?assimilation de ceux qui restent. Si l?auteur arrête son analyse en 1972, c?est qu?avec la liberté de mouvement recouvrée, les Juifs ne se trouvent plus astreints à vivre en Russie : désormais, les rapports entre les deux communautés se situent dans une perspective nouvelle.La méthode suivie est identique à celle du premier volume. Soljénitsyne s?appuie principalement et parfois même quasi exclusivement sur les sources juives et offre un tableau aussi précis que contrasté des périodes étudiées. Une véritable somme, la première du genre, qui, vu son ampleur, pourrait bien être reconnue comme définitive.Prix Nobel de littérature, réinstallé en Russie après un exil de vingt ans, l?auteur du Premier Cercle et du Pavillon des cancéreux, après avoir bouclé ses deux entreprises littéraires géantes, L?Archipel du Goulag et La Roue rouge (six tomes sur huit déjà publiés en France) et tout en poursuivant la rédaction de ses mémoires (deux volets publiés, sans doute encore deux à venir), a renoué depuis peu avec le genre court ?, notamment avec Deux Récits de guerre ? ainsi qu?avec l?histoire et la critique littéraires.
Zacharie l'Escarcelle, tel est le sobriquet de Zacharie Dimitrich, le gardien chargé de la surveillance du Champ-des-Bécasses, où l'on a dressé un mémorial en hommage aux deux cent mille soldats russes morts pour leur patrie au XIVe siècle. Zacharie prend sa mission très à coeur mais il manque totalement de moyens - c'est dans son propre veston qu'est cousue l'escarcelle où il range le livre d'or qu'il fait signer à chaque visiteur... À travers le portrait de ce paysan costaud et roublard à la fois, Soljenitsyne fait partager à ses lecteurs l'immense amour que chaque Russe porte à son pays. Les trois autres textes qui accompagnent ce récit (La Main droite, La Procession de Pâques et Études et Miniatures) témoignent de la variété de la palette de l'immense auteur russe.
C'est le dernier volume du grand cycle romanesque de Soljénitsyne sur la révolution russe, la Roue rouge.Avec Avril 17, s'ouvre le deuxième acte après la Révolution de février : " Le gouvernement du peuple ". Il couvre la période du 12 avril au 5 mai du calendrier julien (du 25 avril au 18 mai dans le calendrier grégorien).Le tome 1 s'arrêtait sur la victoire du peuple raisonnable de Pétrograd, uni pour soutenir le Gouvernement Provisoire après les affrontements sanglants provoqués dans les rues par des colonnes d'ouvriers armés.
Le tome 2, qui s'ouvre le 23 avril (6 mai), montre la paralysie progressive et la décomposition de ce Gouvernement Provisoire, incapable de prendre le pays en main pour l'empêcher de glisser dans le chaos. En arrêtant là son roman, après quatre noeuds sur les vingt projetés, l'auteur explique : " Dès avril, le coup d'Etat d'Octobre se profile comme inéluctable. "Le résumé des seize noeuds non écrits constitue la seconde partie de ce dernier volume de la Roue rouge.
Récit nerveux, saisissant.La première partie, qui forme l'essentiel du livre, est rédigée avec le souci de polyphonie et la force d'évocation habituels. Nous sommes tour à tour ce soldat, ce jeune officier, ce paysan, ce ministre. L'enthousiasme, l'amertume ou la perplexité se communiquent à nous. Il en ressort une extraordinaire leçon de politique, mais aussi une leçon de vie. Que faire dans les grands bouleversements de l'Histoire, quand tout est emporté comme par une avalanche, quand la bonne volonté est bafouée et la raison impuissante, et qu'on assiste au naufrage de tout ce qu'on aurait voulu sauver ? Faut-il plier pour survivre ?
Ces entretiens de 15 minutes chacun ont été diffusés d'avril à septembre 1995 par la chaîne ORT une fois tous les quinze jours. Ils reprennent les idées directrices de Soljenitsyne sur la façon de réformer la vie politique et les institutions de la Russie, sur les principaux problèmes de la société russe à la fin des années 90.
Son idée la plus chère est celle qui concerne la décentralisation, l'auto-administration populaire - c'est celle qu'il reprend dans presque tous ses discours, et qui le conduit à demander la recréation de cette institution ancienne, le zemstvo.
Voici les titres de certaines émissions :
L'agitation préélectorale commence trop tôt. La Douma : tout ce qui lui reste à faire.
Les tares de notre système électoral.
Le système de l'enseignement scolaire s'effondre. La délinquance des enfants.
Les syndicats, leur histoire en Russie, etc.
Suivent plusieurs extraits d'interviews télévisées :
De quelle loi sur la terre aurions-nous besoin ? La Russie est-elle une fédération ? La situation démographique de la Russie, etc.
Et des extraits d'interventions publiques :
à Novossibirsk, à l'Université de Rostov, à l'Université de Saratov, et un discours à la Douma.
Les extraits de ses interventions publiques sont précédés de la note suivante :
« Les interventions de l'écrivain, lors de rencontres avec des représentants de la société, au cours de ses voyages à travers la Russie, n'étaient pas des discours préparés à l'avance, mais des répliques à ce que venaient de dire les gens avant lui. L'entrée était toujours libre, dans des salles combles. Tous ceux qui voulaient s'exprimer pouvaient le faire en dehors de tout ordre du jour, sur n'importe quel sujet : sur leurs peines, leurs inquiétudes, leurs espoirs, leurs réflexions, leurs propositions. Ils parlaient pendant 3-4 minutes, il s'agissait d'environ 25-30 personnes dans chaque auditoire. Les sujets abordés concernaient la politique, les nationalités, la vie quotidienne, l'éducation, la morale, la religion, des questions étaient posées sur le sens à donner à la vie, à la repentance - il y avait aussi des questions personnelles, adressées à l'écrivain sur lui-même. »
La Maison de Matriona est non seulement l'une des plus belles oeuvres d'Alexandre Soljénitsyne, mais aussi une de celles qui ont exercé la plus grande influence sur la littérature soviétique.
Kolkhozienne à la retraite, Matriona cache un coeur pur et une âme de juste. Toujours prête à rendre service malgré la misère où elle vit, elle recueille chez elle le narrateur, un instituteur de retour des camps qui va trouver dans son isba la Russie des profondeurs, une Russie humble et encore imprégnée de christianisme. Le tragique pénètre dans le récit lorsque apparaît le beau-frère de Matriona, Thaddée, un vieillard rapace qui jadis a été son fiancé...
Cette chronique naïve au lyrisme populaire signifia pour la Russie le début d'une quête de ses racines qui avaient été volontairement détruites par la révolution.
Dans Incident à la gare de Kotchétovka, le lieutenant Zotov, adjoint du commissaire d'une grande gare de triage pendant la Seconde Guerre mondiale, voit surgir au milieu des convois de soldats hagards un homme affable, en civil, qui a perdu ses papiers militaires. Zotov est conquis par ses bonnes manières. Mais peu à peu, le doute s'insinue...
Dans ce texte encore assez marqué par l'ère soviétique perce une compassion contraire à l'esprit du « réalisme socialiste ».
Comme dans l'Enfer de Dante, il y a plusieurs cercles dans l'enfer du régime pénitentiaire soviétique. A Mavrino, près de Moscou, il y a une prison surnommée charachkas qui est le premier cercle du monde concentrationnaire. Les prisonniers sont des détenus politiques employés à des travaux de recherche qui s'occupent de mettre au point un téléphone assurant le secret absolu des communications et, accessoirement, d'élaborer un système de codification de la voix analogue à celui des empreintes digitales. Le Premier Cercle se déroule en quatre jours, du 24 au 28 décembre 1949. Quatre jours, cela suffit à Alexandre Soljenitsyne pour brosser une immense fresque de la Russie sous le joug de Staline. Il évoque aussi bien la vie des détenus, que celle de leurs femmes soumises à toute sorte de pressions et d'humiliations ; il décrit le monde obscur de la police secrète et le drame aussi d'un jeune diplomate soviétique que va broyer l'appareil policier.
Plus grand écrivain russe vivant, Alexandre Soljenitsyne a reçu le prix Nobel de Littérature en 1970. C'est Khrouchtchev lui-même qui, bouleversé par l'image du monde concentrationnaire qu'elle trace, fait publier le premier texte de l'auteur : Une Journée d'Ivan Dénissovitch. Soljenitsyne devient célèbre du jour au lendemain pour être ensuite chassé du pays pour " antisoviétisme ". Ainsi, aucune autre de ses oeuvres ne paraîtra en Russie. L'Angleterre, les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie et la France publieront ce chef-d'oeuvre en 1968 et lui assureront une gloire mondiale.
Ce que l'auteur raconte dans ce livre bouleversant, il l'a vécu. Pour avoir critiqué publiquement Staline, Alexandre Soljenitsyne fut effectivement arrêté en 1945 et condamné à huit ans de séjour dans un camp de Sibérie. Roman passionnant, Le Premier cercle est aussi un impitoyable réquisitoire, le cri de rage, d'un homme qui, depuis des années, et peut-être au péril de sa vie, ne cesse de lutter pour la liberté des hommes.
Roman commencé en relégation, à Kok-Térek (Kazakhstan du Sud) en 1955. La première version (96 chapitres) fut achevée dans le village de Miltsevo (région de Vladimir) en 1957, la deuxième et la troisième à Riazan en 1958 (toutes versions détruites par la suite pour raisons de sécurité). En 1962, quatrième version, que l'auteur jugeait définitive. En 1963, toutefois, après la publication d'Une journée d'Ivan Denissovith dans Novy Mir, on pensa à l'éventualité d'une publication fragmentaire, quelques chapitres furent extraits du livre et proposés à A. Tvardovski. Ce projet aboutit à débiter le roman en chapitres, à exclure ceux qui demeuraient impubliables et à désamorcer politiquement tous les autres, ce qui revenait à élaborer une nouvelle version (la cinquième, 87 chapitres) où l'essentiel du sujet était altéré: au lieu d'être, comme ç'avait été le cas, atomique , il mettait en scène un thème soviétique fort courant à l'époque: la trahison d'un médecin qui faisait passer un médicament à l'Ouest.C'est sous cette forme qu'il fut examiné et accepté par Novy Mir en juin 1964, mais les tentatives de publication tournèrent court. Durant l'été 1964 fut esquissé un nouveau projet, de sens contraire, tendant à creuser et à rendre plus percutante la version de 87 chapitres (ce fut la sixième version). En automne, une photographie de cette version fut expédiée à l'Ouest. En septembre 1965, les exemplaires de la version avouable (la cinquième) furent saisis par le KGB, ce qui bloqua définitivement la publication du roman en U.R.S.S. En 1967, cette version fut largement diffusée par le Samizdat. Dans sa sixième version, le roman fut publié en 1968 par la maison américaine Harper and Row (et c'est d'après ce texte que furent faites toutes les traductions).En été 1968 apparut une septième version: texte complet et définitif du roman (96 chapitres). Ce texte n'a jamais circulé en Samizdat ni jamais été édité séparément. Il paraît pour la première fois dans l'édition de ces OEuvres.La charachka de Marfino et presque tous ses habitants ont été peints d'après nature.
Après le Chêne et le veau (Seuil, 1976) et le tome 1 du Grain tombé entre les meules (Fayard, 1998), voici le troisième volume de l?autobiographie littéraire de Soljénitsyne. Il commence avec l?installation du prix Nobel et de sa famille dans sa propriété située au coeur du Vermont (USA). Cet asile au fond des bois n?empêche pas les attaques d?atteindre l?écrivain. Il s?explique à l?occasion d?un splendide portrait d?Andrei Sakharov, qui se termine par ce constat : « Ce qui nous a séparés, c?est la Russie. » Si, un jour d?hiver, il est épargné par une bande de loups qui traversent sa propriété, il ne l?est ni par les médias, ni par la « cohorte des cafards » : ceux qui ont trahi sa confiance en Occident, éditeurs pirates, pseudo dissidents jaloux de sa gloire, « experts » qui le desservent à dessein.
Ce volume est aussi l?occasion de rapporter divers voyages, dont une grande tournée au Japon et à Taiwan, puis en Angleterre où il rencontre Mrs Thatcher, le prince Charles et lady Diana, mais on perçoit chez lui l?importance de rentrer en soi-même et de se concentrer sur son oeuvre. C?est ce qu?il explique à Bernard Pivot dans une émission retentissante, tournée dans le Vermont au début des années 80.
Cependant la calomnie ne désarme pas, qui requiert ripostes et correctifs. Voici bel et bien notre « grain » infracassable pris entre deux meules : les Etats-Unis où on l?accuse de chauvinisme grand-russe et d?antisémitisme, et Moscou où on l?accuse d?être un agent de la CIA pour avoir créé le Fonds social d?aide aux familles avec les droits d?auteur de l?Archipel du Goulag.
L?accession au pouvoir de Gorbatchev fait pourtant souffler une brise tiède. Avec l?arrivée de Boris Eltsine au Kremlin, l?heure du retour vient à sonner. Soljénitsyne choisit de rentrer par la Sibérie, comme s?il n?était pas question de rebrousser chemin, mais de poursuivre sa route d?est en ouest, jusqu?à retrouver son point de départ au coeur de la mère-patrie.
Très vivant, très violent dans la polémique, bourré d?anecdotes, de portraits, ce volume contient aussi des pages précieuses sur la conception et l?élaboration de l?oeuvre de l?auteur de la Roue rouge. Il constitue une pièce majeure pour les historiens de la littérature russe et pour tous ceux qu?ont passionnés les tribulations de celui qui restera comme le grand témoin du XXe siècle.