Une voix se lève, au début de la Monarchie de Juillet, pour dénoncer la destruction du patrimoine architectural et artistique français : celle de Victor Hugo. Dans « Guerre aux démolisseurs », paru en mars 1832, le jeune poète regrette le « vieux souvenir de la France » qui « s'en va avec la pierre sur laquelle il était écrit ». Il déplore le vandalisme, moderne et bourgeois, qui se répand et ravage le vieux Paris.
Agir, s'émouvoir et progresser : en trois chapitres choisis parmi ses Éléments de philosophie, le plus fluide des penseurs du siècle dernier éclaire l'existence humaine à la lumière de ses phrases. Il a conscience que la vie est un jeu ; mais il prend au sérieux l'expérience des passions, qu'il détaille avec humanité. Il veut être un appui pour acquérir la vertu
Notre capacité à relever le défi climatique et à promouvoir plus de justice envers les autres, y compris envers les animaux, suppose un remaniement profond de nos représentations sur la place de l'humain dans la nature. Dès que nous prenons au sérieux notre vulnérabilité et notre dépendance à l'égard des écosystèmes, nous comprenons que notre habitation de la Terre est toujours une cohabitation avec les autres. Ainsi, l'écologie, la cause animale et le respect dû aux personnes vulnérables ne peuvent être séparés. De plus, la conscience du lien qui nous unit aux autres vivants fait naître en nous le désir de réparer le monde et de transmettre une planète habitable. C'est à cette éthique qui n'a rien à voir avec des injonctions moralisatrices et culpabilisantes que ce recueil ouvre la voie.
Deux textes inédits
On ne sait pas ce que penser veut dire. Il n'est pas de mot plus banal, de phénomène humain plus courant, plus commun, et la chose même, pourtant, se dérobe. Ce livre voudrait revenir sur cette variété qui place la pensée, entre l'intelligence pure et le corps. Constitué de brefs chapitres, écrit de façon libre, cet essai explore les mots, le lexique : comment on a tâché de dire, en latin, et en arabe aussi, ce que d'un seul vocable imparfait nous appelons « pensée ».
Si l'on prend au sérieux le programme de Lucien (et rien n'indique qu'il ne faille le prendre au mot), son oeuvre se présente comme le lieu d'une expérience tout aussi originale et problématique que celle dont Benjamin a crédité Kafka, en écrivant que celui-ci avait abandonné la vérité (la chose à transmettre) par amour de la transmissibilité. Car Lucien conserve le moyen du dialogue, que Platon faisait servir (en apparence, du moins) à la recherche de la vérité, tout en laissant tomber celle-ci. Si la philosophie est toujours, en dernière analyse, un experimentum veritatis, l'innovation de Lucien consiste à proposer une expérience philosophique désormais déliée de la vérité. (Giorgio Agamben)
Elles sont parmi les habitants les plus nombreux de notre planète et pourtant la philosophie les a négligées, voire haïes : les plantes ont depuis toujours été la cible d'un snobisme métaphysique. Malgré le développement de l'écologie, la démultiplication des débats sur la nature ou sur les questions animales, les plantes - leur forme de vie, leur nature - restent une énigme pour la philosophie. En mêlant exemples tirés de la philosophie, des sciences naturelles et de l'art, ce livre s'efforce de pénétrer le mystère de ces êtres singuliers.
Les principes fondamentaux de la République sont-ils contraires au colonialisme ? Quels impacts la colonisation a-t-elle sur un État qui se transforme en métropole d'un empire ? Et quels sont ses effets intérieurs ? Dans ces articles, écrits entre 1936 et 1943, le verdict de Simone Weil est sans appel : coloniale, la France opprime des peuples et perd ses principes. La colonisation rend impossible l'amitié entre les peuples (ce qui posera problème, dit-elle, si la France veut de nouveau enrôler les populations des colonies dans une guerre). Ces réflexions sur la colonisation pensée comme déracinement vont la conduire à son oeuvre majeur : L'Enracinement.
Ce livre se propose de réhabiliter la sensibilité. Il y a une certaine urgence car c'est par la sensibilité que nous tenons au monde et que le monde tient à nous.
Le nom de Pierre Janet (1859-1947) est aujourd'hui surtout connu en raison d'une querelle qui le rattache à Freud, querelle qui a pour épisode central le xviie Congrès international de médecine de Londres de 1913 (section psychiatrie), où Janet a présenté un rapport impitoyable sur « La Psycho-Analyse » . L'intervention de Janet serait, selon une historienne de la psychanalyse, le « manifeste historique le plus complet de l'anti-freudisme scientifique `à la française'», parce qu'elle condenserait tout ce qu'on a pu penser de négatif sur la théorie freudienne en France pendant la période d'avant-guerre, en particulier l'idée selon laquelle Freud aurait emprunté toutes ses idées à Janet.
Le 27 avril 1985, Emmanuel Levinas prononce une conférence sur le thème de l'individu intitulée « De l'unicité ». À l'heure des bilans, comment la conscience de l'individu européen peut-elle véritablement demeurer en paix ? Le texte de Levinas est une invitation à penser « l'individu humain » dans sa subjectivité propre d'être unique, dans son « unicité d'unique ». Sans rompre avec la rigueur des formes logiques du langage, Levinas revient sur des questions qui lui sont chères : telles que l'amour du prochain et la justice. La réflexion éthique ouvre désormais un horizon politique. Inédit
"La colère est une courte folie." Venant compléter les Consolations et De la tranquillité de l'âme, traduits et publiés dans cette même collection, ces pages constituent un petit viatique susceptible de nous guider vers la voie de l'apaisement.
Par de courts dialogues, Épictète aborde dans ces pages des problèmes très divers auxquels il donne une réponse pratique. Il traite aussi bien de l'amitié, de l'adultère, de l'essence du bien ou de l'ataraxie que de l'inquiétude, du talent oratoire, du point de départ de la philosophie ou de la façon d'appliquer nos idées a priori. S'attaquant aux épicuriens, le philosophe tend à prouver ici que le stoïcisme est bien la philosophie de l'universel. Cette nouvelle traduction offre au lecteur la possibilité de s'en faire une idée plus précise en venant compléter Ce que promet la Philosophie et le fameux Manuel, ouvrages parus dans cette même collection.
Leo Strauss se penche sur la signification du nihilisme allemand, qu'il considère comme la base culturelle du national-socialisme. C'est la seule fois où il parle du nazisme, lui qui en a connu les premiers signes en tant qu'Allemand et en tant que juif. Son analyse est simple et lumineuse. Il démontre que loin d'être un phénomène lié à la folie d'un chef capable de sidérer un peuple entier, le nazisme est enraciné dans l'histoire de l'Allemagne moderne et dans l'histoire de la modernité. Sa critique s'inscrit dans la tradition philosophique classique et dans la tradition biblique, l'une et l'autre radicalement opposées au nihilisme contemporain. La crise de notre temps est tout entière là, avec les moyens donnés par la tradition de la surmonter.Ce livre est composé de trois essais : Sur le nihilisme allemand (1941), La crise de notre temps (1962), et La crise de la philosophie politique (1962).
L'Art de persuader est un art de penser à la mesure de la faiblesse et de la grandeur de l'homme. Le latin tardif pensare a donné deux mots au français moderne : « peser » et « penser ». Penser, c'est mettre méthodiquement en balance, en doute et à l'épreuve, sur deux plateaux, avant d'évaluer et juger, les objets de l'expérience entre eux, et avec soi-même. L'Art de persuader de Pascal, écrit en 1658, texte héritier de L'Art de conférer (1580) de Montaigne, suppose une alliance de la raison et de l'intuition, de la logique et des figures rhétoriques, qui rend l'esprit capable de toucher juste, dans une saisie synthétique de toutes les données hétérogènes et contradictoires d'une situation et d'une réception vivantes.
Nous expérimentons tous, à un moment ou un autre, intimement ou collectivement, la perte : meurtre de masse et deuils collectifs ; craintes fantasmatiques de perte d'identités culturelles, nationales ou territoriales ; perte de l'identité personnelle dans les maladies neurodégénératives ; précarité et perte de statut social ou des conditions matérielles d'existence ; mais aussi critique de la propriété et volonté de désappropriation et de dépossession. Toutes ces expériences font saillir une catégorie étrange qui flotte entre l'être et le non-être : ce que l'on perd, ce qui est perdu. Au titre de reste insignifiant, ce qui est perdu est l'élément essentiel d'une structure économique qui s'étend de la vie des affects au champ politique et à l'éthique (ce qui ne peut être perdu sans menacer l'être-même). Cet essai original retrace le parcours qui va des expériences multiples de la perte (deuil, pauvreté, oubli, nostalgie, sacrifice) aux structures qu'elles mettent en lumière (économie, jeu, histoire) et qui constituent les fondements anthropologiques des cultures et des individus d'aujourd'hui. On y croisera au passage des auteurs tel que Freud, Derrida, Rilke, Agamben, François d'Assise, Benjamin, Hegel, Ricoeur, Bataille, Kundera, Beckett, Canetti...
Ce choix d'entrées essentielles du Dictionnaire touareg-français de Charles de Foucauld est comme une invitation au désert.
Leurs vies sont si inséparables qu'ils ont écrit leurs oeuvres en écho les uns aux autres : entre Spinoza, Jellesz et Meyer, l'amitié est aussi forte, l'intimité aussi grande qu'entre Montaigne et La Boétie. Meyer a donné à Spinoza l'essentiel de sa physique ; Jellesz l'a introduit à une spiritualité faite de dialogues. À la mort de leur ami, ils publient un témoignage d'amitié jeté à la face de la mort et l'un des textes fondateurs du spinozisme. Ce texte sobre et pudique est la première apparition publique de l'homme. Le livre est complété de l'index des Opera posthuma de Spinoza dont ils furent les éditeurs.
Les principaux renseignements sur la vie de Sacher-Masoch viennent de sa première femme, qui prit le nom de l'héroïne de la Vénus, Wanda. Le livre de Wanda est fort beau. Gilles Deleuze
Célèbre pour ses engagements politiques, Franklin fut aussi un polémiste redoutable.
Le chien serait-il notre seul véritable ami ? Telle est la question que pose ce texte cocasse et attendrissant de Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) dont on célèbre le bicentenaire cette année. L'homme des Lumières, qui créa la Ménagerie du Jardin des plantes, s'y joue avec bonheur de nos préjugés.
Les philosophes et les historiens ont réfléchi sur la question de l'obéissance, sur les raisons pour lesquelles les hommes obéissent, mais se sont rarement demandé ce qu'était le commandement et pourquoi les hommes commandent.
"Le comte Henri de Saint-Simon est le plus grand de tous les prophètes du XXe siècle. Si on compare les prédictions de Karl Marx à celles de Saint-Simon, il s'avérera que la balance penche très nettement en faveur de ce dernier." Isaiah Berlin
Fastueuse et légère, excentrique et géniale, Mademoiselle Bertin parvint à imposer ses idées et ses goûts aux princes d'Europe et de Russie. Détestée par la Cour qui enviait la faveur dont elle jouissait, cette jeune femme, « ministre des modes » de Marie-Antoinette fut aussi la raison de bien des dépenses qui pavèrent le chemin de la souveraine vers la guillotine.
Ces lettres adressées aux amis les plus proches, à la famille, à quelques figures intellectuelles comme August Strindberg, sont à lire en regard des dernières oeuvres de Nietzsche, Ecce Homo notamment, et la masse des fragments posthumes datés de ces années. Un homme de plus en plus solitaire, voué à l'errance, s'attelle à une tâche démesurée qui lui paraît être la seule suite possible de son oeuvre. Penseur devenu itinérant, ayant quitté l'Allemagne depuis plusieurs années, Nietzsche parle de ce que signifie pour lui le changement de lieu (Sils-Maria, Nice, Turin). Le déplacement devient une des conditions de la pensée elle-même, l'occasion d'une grande mutation du regard. Il s'insurge contre le nationalisme et l'antisémitisme allemands et cherche à définir les conditions d'une grande politique. Expérience d'une pensée qui se veut à la hauteur de l'histoire, trajectoire interrompue par ce qu'on appelle l'effondrement à Turin dans les premiers jours de 1889. (Jean-Michel Rey)