La critique n'est pas nouvelle. Apparue dès l'« échec » du Frontpopulaire, elle est revenue depuis comme une antienne : les socialistesfrançais seraient incompétents en matière économique. Mais nes'agit-il pas d'un stéréotype ?S'appuyant sur des sources et des témoignages inédits, Mathieu Fullaentreprend d'analyser les programmes économiques du parti socialiste,depuis les discussions entre experts jusqu'à leur intégration dans lesdiscours partisans. Il propose ainsi une histoire économique du politiquequi éclaire les débats actuels au sein de la gauche. Au fi l de cetouvrage, le lecteur apprendra notamment que, dès 1936, Léon Blumpratiquait la « détente fi scale » chère à Pierre Moscovici. Quant auxdéclarations énamourées de Manuel Valls ou d'Emmanuel Macron auxentreprises, la perspective historique permet d'y voir, plutôt que l'actede naissance d'un « social-libéralisme à la française », l'avènementd'un socialisme qui tend à préférer l'offre productive au relèvement dupouvoir d'achat des classes populaires.
S'il y a un lieu commun fort répandu en Europe, c'est bien celui qui associe les socialistes à la puissance de l'État. Or, le stéréotype d'une gauche « malade de l'État » résiste mal à une plongée dans l'histoire longue de la relation que les partis socialistes et sociaux-démocrates ouest-européens entretiennent avec l'État. Il s'avère ainsi intéressant de tenter de démêler cet écheveau constitué par les rapports complexes, ambivalents et contradictoires qui, au fil du temps, se sont noués entre les socialistes et l'État en Europe.
La deuxième gauche et le pouvoir (1988-1991)
Les trois ans et cinq jours que Michel Rocard a passés à Matignon ont laissé peu de souvenirs dans la mémoire collective. Sans majorité au Parlement, coincé dans un tête-à-tête empreint de méfiance avec François Mitterrand, le champion de la « deuxième gauche » n'aurait pas su, selon le procès qui lui a été fait, incarner une autre pratique socialiste du pouvoir et se serait contenté de gérer le quotidien.
L'accès récent aux archives publiques et à ses archives personnelles éclaire d'un jour nouveau le Premier ministre Michel Rocard. Son oeuvre législative, symbolisée par la création du RMI et de la CSG, a résisté au temps. Respectueux des vastes domaines réservés de la présidence, il a su rétablir la paix en Nouvelle-Calédonie, moderniser l'État, promouvoir la rénovation de l'Éducation nationale...
Historiens, politistes, économistes, archivistes et grands témoins font revivre les temps forts d'une gauche de gouvernement aux prises avec la fi n de la guerre froide et proposent une réflexion sur les limites que la Ve République impose au pouvoir du Premier ministre.
Alain Bergounioux est historien et inspecteur général honoraire de l'Éducation nationale. Il est notamment l'auteur, avec Jean-François Merle, de Le Rocardisme. Devoir d'inventaire (Seuil 2018).
Mathieu Fulla est enseignant à Sciences Po et chercheur au Centre d'histoire de Sciences Po. Il est notamment l'auteur de Les Socialistes français et l'économie. Une histoire économique du politique (Presses de Sciences Po, 2016).
Avec les contributions de : Claire Andrieu, Philippe Bezes, Antony Burlaud, Alain Chatriot, Élie Cohen, Michele Di Donato, Pierre Encrevé, Ismail Ferhat, Guy Groux, Gérard Grunberg, Pierre-Emmanuel Guigo, Veronika Isenberg, Jérôme Jaffré, Marc Lazar, Sarah Mohamed-Gaillard, Michel Noblecourt, Vivien Richard, Zénaïde Romaneix, Olivier Rozenberg, Christophe Sente, François Stasse, Matthieu Tracol.
Alain Bergounioux, historien spécialiste du PS, est professeur associé à Sciences Po et préside actuellement l'Office universitaire de recherches socialistes (OURS).
Membre permanent du Centre d'histoire de Sciences Po (CHSP), Mathieu Fulla est agrégé et docteur en histoire. Il enseigne à Sciences Po.
This edited volume promotes a comparative and transnational approach to the complex and ambiguous relationship between West European socialism and the contemporary state over the longue durée. It encourages a better understanding of socialism while also casting an original light on the history of the contemporary state in Europe. Socialists have been a prime political force since the late nineteenth century through to the present. Through their strength, their presence at the heart of societies, their dynamism, inventiveness, and influence, they have left their mark on the European physiognomy and helped to forge part of its identity. This is particularly true where the welfare state is concerned, and the role played by the state in constructing, embedding, and extending this social model. Surprisingly, there has been no research aiming to systematically analyse the relationship between socialism and the state. This volume fills a gap in knowledge by rejecting the media simplification and political polemic maintained by opponents of socialism - and sometimes by socialists themselves - which systematically links socialism with "statism". It focuses on numerous case studies involving France, Italy, Spain, Greece, Austria, Germany, Belgium, the United Kingdom and Scandinavia, and highlights the diversity of organisations within European socialism. Ultimately, this book demonstrates that the fate of this political culture depends on the socialist parties themselves but also on any new configurations that states may assume. Conversely, the future of states will also depend partly on the choices made by socialists, if they still exist and still have the means to shape decisions and make their voices heard.