Psychiatre, ayant commencé très tôt une formation de psychanalyste au Chili, Otto Kernberg est une figure essentielle dans l'évolution de la psychanalyse contemporaine. Il est actuellement professeur de psychiatrie à Columbia University et a été président de l'Association psychanalytique internationale. Une part importante de ses travaux est consacrée aux troubles limites de la personnalité qui constituent actuellement l'essentiel de la pratique des psychanalystes et psychothérapeutes. Il est un remarquable initiateur à la clinique et à la psychothérapie des organisations narcissiques.
Certaines approches anglo-saxonnes de la psychanalyse, historiquement marquées, américaines pour l'essentiel, se sont succédé, se superposant sans s'effacer et accentuant leurs déviances. Se voulant d'abord théoriques, elles ne sont pas sans conséquences sur les pratiques. Il en est ainsi, pour ne citer que celles-là, de la théorie de l'adaptation et du moi autonome, de celle de la relation d'objet, de l'intersubjectivité ou encore de l'analyse mutuelle, sans compter quelques autres... Parfois présentées comme approfondissements ou critiques ponctuelles du corps freudien, parfois comme reformulations voire comme refondations de la psychanalyse, elles n'apparaissent pas acceptables à nombre d'analystes, tant américains qu'européens, malgré des environnements culturels assez différents. En dépit ou en raison de ces conflits, elles offrent un ferment de débats et de controverses multiples, voire d'encouragements à des dérives qui ne sauraient être méconnues. Ne prétendant nullement à la neutralité, mais s'efforçant de conserver une certaine distanciation, cette monographie cherche à témoigner de ces controverses qui demeurent souvent mal connues de ce côté-ci de l'Atlantique. Elle en montre les enjeux de tous ordres, interrogeant certes les analystes, mais aussi toute personne qui reconnaît la psychanalyse comme fait culturel en mouvement.
La dépression, maladie énigmatique dont la source reste indéchiffrable, serait-elle l'expression somatopsychique de l'interrogation métaphysique propre à l'être humain ? Maladie des humeurs pour les Anciens, l'acédie, maladie de l'âme, se jumelle à la culpabilité dont elle reste indissociable.Crainte et expérience de la perte d'objet, d'un désinvestissement intolérable ou d'un traumatisme débordant la capacité d'élaboration du psychisme, la libido déserte le sujet, noyé dans la dissolution de son être qui souffre, anéanti, de ne plus désirer. Perdu dans le bouleversement existentiel des deux topiques, le moi subit la tyrannie implacable de son surmoi. Cette manifestation lancinante du surmoi culpabilisant dévorant le moi ne serait-elle pas un retour en force d'un ça vengeur, caché sous le masque honorable du surmoi ? Ce qui pourrait expliquer la créativité comme l'agressivité nécessaire à la création, créativité souvent associée à la dépression, et qui constituerait même, comme le montre Winnicott, un élément indispensable à toute mise en oeuvre. La mélancolie, pour les Anciens, n'était-elle pas source de génie et de folie ?
La psychanalyse, dès lors qu'elle s'est construite, d'abord à partir de la compréhension du symptôme hystérique, puis à travers l'interprétation de rêves, sur l'étude du conflit entre le désir inconscient et l'interdit, ne pouvait que rencontrer la question de la limite et de la transgression. Mais elle ne pouvait pas ne pas la rencontrer aussi au coeur même de son exercice : le transfert, rappelle J.-B. Pontalis, est un « agir », le transfert est une passion, au point que, comme Freud l'a souligné dans ses Observations sur l'amour de transfert, « la scène a entièrement changé, tout se passe comme si quelque comédie eût été soudainement interrompue par un événement réel, par exemple comme lorsque le feu éclate pendant une représentation théâtrale ».L'idée de transgression n'est toutefois pas à proprement parler un concept psychanalytique, puisqu'elle concerne la normalité et la normativité sociale ; elle n'intéresse la psychanalyse que dans la mesure où la différenciation du psychisme en instances donne à l'interdit un statut psychique, interne, lié au développement du Surmoi. La transgression ainsi comprise concerne toutes les dimensions de la vie humaine : création, sublimation, sexualité, que le sujet soit pris isolément ou dans le réseau de ses appartenances groupales et institutionnelles.
Le conflit psychique est l'un des organisateurs de la psyché. Il se présente cliniquement selon une opposition entre deux termes, expression d'un conflit sous-jacent plus fondamental. La position de Freud vis-à-vis du conflit psychique a évolué d'une classification en trois grands types suivant les instances en conflit : moi-ça (névroses de transfert) - moi-surmoi (névroses narcissiques) - moi-monde extérieur (psychoses) à une révision en 1937 de la conception du conflit au regard de la dualité pulsionnelle et de l'existence d'une "tendance au conflit". La diversité des situations thérapeutiques abordées dans cet ouvrage va permettre un enrichissement de ce concept fondamental dans la théorisation de la pratique psychanalytique.
Le propos de cet ouvrage est de repérer les balises ayant jusqu'à nos jours, marqué ce chemin vers la compréhension du narcissisme, ouvert par Freud qui par la suite a délaissé le narcissisme vers 1920, au profit de la deuxième topique , le Moi en lien avec le Surmoi et le ça, non plus avec le système préconscient-conscient. Confronté aux problèmes posés par certains patients réfractaires à l'analyse et au transfert, Freud en vint à "inventer" la notion de narcissisme pour la délaisser par la suite avec l'introduction de la deuxième topique et de la nouvelle théorie des pulsions. La question du narcissisme a été depuis reprise par nombre de successeurs qui contribuèrent à l'approfondir. Cet ouvrage fait le point sur les différents aspects du narcissisme étudié par Freud, puis Lou Andreas-Salomé, Kohut, Grunberger, Pasche et Green.
Entre interdit et tabou, la frontière est floue, on retrouve dans la pensée freudienne une origine commune à ces deux concepts et une fonction identique, celle d'organiser le psychisme par rapport aux effets de la pulsion. Pourtant leur nécessité psychique n'a pas les mêmes racines et leur différence intéresse deux registres distincts. Il s'agit pour le tabou de la limite entre l'humain et son au-delà et pour l'interdit de ce qui dans le champ de l'humain, organise le rapport du sujet à son semblable. Le tabou, en dehors des sociétés primitives, serait-il alors seulement un élément de la morale très personnelle de certains névrosés ? L'interdit est-il un concept suffisant pour dire le poids symbolique d'un impératif catégorique négatif premettant la structuration du surmoi ?