"Les librairies sont les points ardents d'une géographie intime ; elles sont aussi des marques et des victimes du temps. De toutes les librairies auxquelles je repense en parcourant les livres de ma bibliothèque, beaucoup, la moitié peut-être, peut-être plus encore, ne sont plus, mais elles vivent encore dans nos lectures, nos souvenirs, nos promenades. D'autres résistent, d'autres se transforment, d'autres naissent. Je veux dire ici comment, d'époque en époque, de ville en ville, elles prennent place dans l'itinéraire et la formation d'un lecteur et d'un écrivain." (Maël Renouard)
« Je fus en grâce autant qu'en disgrâce. De l'un ou l'autre état les causes me furent souvent inconnues. À l'âge de quinze ans j'avais été placé au Collège royal, dans la classe de l'aîné des princes... »
Celui que le destin projette ainsi dans l'entourage du futur roi du Maroc, Hassan II, aurait tort de trop croire en son étoile et de ne mettre aucune borne à ses ambitions. Il n'est pas sans risque d'avoir systématiquement devancé un prince au tableau d'honneur.
Attend-il d'être appelé au gouvernement ? On l'envoie en exil. Se croit-il perdu à jamais ? On le nomme historiographe du royaume, comme Racine sous Louis XIV, comme Voltaire sous Louis XV. Ce n'est pas pour déplaire à ce conseiller lettré, qui cultive une écriture d'un classicisme achevé.
Mais il a appris à redouter dans toute faveur apparente un jeu dont il serait obscurément la proie. Et qu'adviendra-t-il de sa loyauté à toute épreuve, lorsqu'une insaisissable jeune femme viendra lui murmurer les secrets des rébellions qui s'organisent clandestinement dans le royaume ?
Une transposition virtuose des Mille et Une Nuits et des Mémoires de Saint-Simon au xxe siècle, qui nous fait revivre trente ans d'histoire du Maroc, entre le crépuscule du « protectorat » et le début des « années de plomb ».
C'est un livre construit par promenades et souvenirs, sensible, érudit, qui nous conduit à travers le Paris des trente dernières années : sur les traces de Marcel Proust, dans le XVIe arrondissement, le premier été où l'on put utiliser les Vélib' ; dans les jardins secrets où l'on pouvait entrer avant le 11 septembre 2001 ; à la Poste du Louvre, où l'on se remémore les longues files d'attente avant minuit, à l'époque pas si lointaine où l'on avait besoin, dans tant de démarches cruciales, du fameux « cachet de la poste » ; et dans bien d'autres lieux encore, célèbres ou inconnus : le Louvre, le 288, rue Saint-Jacques, la station-service des Invalides... Ce livre est dans la tradition des flâneries : de Walter Benjamin aux Flâneries parisiennes de Franz Hessel. Pérec et Modiano n'en sont pas non plus absents. Maël Renouard, auteur de La Réforme de l'opéra de Pékin (prix Décembre 2013) explore Paris avec la singularité de son style déjà affirmé, précis, alerte et méditatif, où l'émotion du souvenir n'empêche pas l'humour.
D'une vie avec l'internet, Maël Renouard extrait des fragments, des pensées, des maximes. Il en fait une matrice à histoires, et le soubassement d'une philosophie qui se dessine par esquisses.
Ce qui en résulte ? Un livre d'un genre nouveau, pour un monde nouveau. Un livre à la fois expérimental et classique. Un livre qui recueille des sensations saisies sur le vif, et qui est chargé d'histoire et de culture. Un livre dont la forme évoque les essais de Valéry, de Baudrillard, de Barthes, de Gracq. Un livre qui manie le jeu, l'ironie, et pastiche La Bruyère pour parler des réseaux sociaux.
Des morceaux d'épopée issus du monde numérique s'élèvent sur le tombeau des expériences quotidiennes vécues dans le monde ancien. C'est la traversée - par un auteur dont l'existence se divise en deux, avant et après l'internet - d'une vie intérieure dont les frontières s'effacent en s'entremêlant à une mémoire extérieure, infinie.