« Elle est entrée dans la ville par l'avenue de Royat. Elle s'est engagée dans les petites rues humides. Dans les rues pentues, les bossues et même les perdues dont plus personne n'avait entendu parler depuis Alésia. » Éric Fottorino
Flambée du blé, embargo sur le soja, gel des caféiers, crise du sucre, alertes sur le cobalt et le titane. De vives tensions ont dominé les marchés de matières premières des années 70. Allait-on manquer de ressources naturelles ? Le Club de Rome le croyait, et l'Occident croyait le Club de Rome... Hantés par l'idée de pénurie, les pays industrialisés se sont lancés dans une course au tonnage. Le tiers monde a suivi le mouvement, avec ses minerais et ses denrées tropicales, persuadé qu'il tenait, dans la matière, la clé de son développement. Tous ont récolté la pléthore. La croissance s'est ralentie. Les substituts se sont imposés. La guerre des prix et des subventions a accentué la déprime des marchés, où règne désormais le chacun pour soi. Nul n'est sorti vainqueur de ces années folles.
Ils ont en commun le soleil de la Méditerranée, une terre de coeur qui a porté loin leur jeunesse, nourri leurs souvenirs et leurs espoirs. Ils sont nés à Sidi Bou, Constantine ou Casablanca, et le Maghreb est leur horizon. Ils sont nés dans les banlieues de Paris ou de Lyon, et la France est leur berceau. Ils vivent ici, avec l'accent de là-bas, aigu ou grave, pleins de cette chaleur qui adoucit leurs exils. A l'occasion des dix ans de l'association Coup de soleil créée par Georges Morin et ses amis, nombre d'entre eux ont accepté de nous accompagner pour quelques pages émouvantes et riches, souvent inattendues. Autant de portraits intimes où se croisent des personnalités aussi marquantes que Jean Daniel, Michel Jobert, Tahar Ben Jelloun, Serge Moati, les dessinateurs Slim et Ferrandez, Idir et le petit prince du raï Cheb Mami, les cinéastes Mahmoud Zemmouri, Merzak Allouache et Nacer Khémir, Daniel Prévost, Guy Bedos, Smaïn et Roger Hanin, Yves Lacoste le géopoliticien et Benjamin Stora l'historien. On rencontrera le danseur étoile Kader Belarbi et le chef d'orchestre Amine Kouider, Sapho, Rachid Bahri, Houria Aïchi et Reinette l'Oranaise, sans oublier les hommes de plume Jean-Noël Pancrazi, Jean Pélégri, René de Ceccatty, Mohammed Dib, tant d'autres encore. Jean-Claude Beton et Lotfi Belhassine racontent leurs étonnantes sagas, celle d'Orangina et d'Air Liberté. Tous soufflent par le geste et la parole un sacré coup de sirocco sur ces pages qui sont déjà les vôtres.
Des grands moulins érigés en bord de Seine aux montagnes rouges du nickel de Nouvelle-Calédonie, des appartements de Gabrielle Chanel à l'épaisse forêt de Malaisie, Éric Fottorino fait revivre les lieux et les acteurs de l'aventure industrielle française : les frères Michelin qui ont « roulé sur l'air », les frères Pereire, aux accents saint-simoniens, rêveurs de paquebots, Pierre-Georges Latécoère et ses ailes d'albatros, Armand Peugeot qui préféra l'automobile aux crinolines familiales. On découvre au fil des pages la passion et la patience, le labeur et le luxe, les fulgurances du génie et la pesanteur des jours, le succès au prix du doute, de la mort parfois. On découvre aussi les affinités du capitalisme français avec les milieux littéraires et artistiques. Grand reporter au journal Le Monde, Éric Fottorino donne à chacune de ces aventures sa dimension épique et romanesque.