Il est probable que nous vivions vieux, incertain que nous vivions en bonne santé. Pour mieux cerner la question de la dépendance des personnes âgées, de plus en plus aiguë avec le vieillissement de la population, Christophe Capuano apporte son regard d'historien et revient sur la genèse de l'État social depuis les années 1880.Les dispositifs mis en place, fondés sur l'assistance ou l'aide sociale, ont toujours été déficients. Longtemps assimilées aux grands infirmes ou aux handicapés, les personnes âgées ont perdu les bénéfices de la politique du handicap à la fin du XXe siècle. Quant au cinquième risque de la Sécurité sociale - celui de la dépendance -, sa création s'est vue constamment repoussée jusqu'à nos jours.Au travers du sujet de la dépendance, l'auteur souligne la priorité donnée aux économies budgétaires et aux logiques des finances publiques dans les politiques sociales menées envers les troisième et quatrième âges. Il insiste également sur le rôle essentiel des familles, qui se maintient au fil du temps n'en déplaise aux pouvoirs publics qui ne cessent de pointer leur désengagement.
Malgré leur extrême diversité, ce livre fait le pari d'analyser sur presque deux siècles le sort réservé, en France, aux personnes ayant besoin d'une aide « vitale ». Tandis que les hôpitaux concentraient leurs efforts sur les malades qu'il était possible de guérir, des populations auparavant prises en charge à vie dans des établissements charitables se sont trouvées progressivement reléguées dans des établissements pour « incurables ».
Enfants, adultes, vieillards dans un état d'invalidité variable y ont ainsi été accueillis en fonction de leur âge, des caractéristiques et des causes de leurs difficultés quotidiennes. Et les savoirs sur lesquels reposait cette répartition se sont périmés dans l'indifférence générale.
En suivant le fil rouge du maintien à domicile, Ch. Capuano montre à quel point la logique financière a prévalu depuis deux siècles sur les logiques sanitaire et sociale.
Mais que serait-il arrivé si les politiques de l'hygiène urbaine ou de la médecine avaient toujours cherché à diminuer les dépenses publiques au détriment des effets ?
Souhaitons que les évènements dramatiques de 2020-2021, avec une pandémie dont les conséquences mortelles auront touché d'abord les grands infirmes et les vieillards, viennent remettre en cause l'obsession des coûts dans les politiques du handicap et de la dépendance. Ce petit livre a vocation à devenir un guide pour réfléchir et agir sur de nouvelles bases dans ce vaste domaine - l'un des grands chantiers des décennies à venir.